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Critique de Little_stranger


Ce livre est une bombe qui vous explose au visage. Il est très dur à lire, non pas parce que l'écriture et le style sont "difficiles", mais parce que l'histoire qu'elle raconte est vraie et que chaque mot est un coup de rasoir sur la peau. Lacy est d'ailleurs couverte de tatouages : elle a commencé à s'en faire à 18 ans, avec Grande Soeur quand elles ont su que leur mère avait un cancer. Chaque tatouage est une marque de possession de son propre corps par elle-même. Elle s'imprime, elle se marque car son corps ne lui appartient plus ou si peu.
Le titre en VO (le livre date de 2014) est "the other side" : l'autre côté. L'éditeur a fait un autre choix, plus percutant et qui peut se voir comme la capacité qu'a l'héroïne à se remettre de la terrible expérience qu'elle a vécu, également comme un rappel de ses premières pensées en échappant à son bourreau. The other side fait pour moi référence au fait qu'amour et douleur sont souvent liés de façon parfois totalement inattendue.
L'auteur, l'héroïne quoi que le mot ne me semble pas adapté dans ce cas précis, nous explique l'engrenage d'une relation de dépendance avec un homme. le livre débute, un 5 juillet 2000, puissant comme un boulet de canon, par l'échappée de la jeune femme du lieu où elle était enfermée. Elle reprend sa voiture, va à la Police et le reste suit : hôpital, enquête, pièces à convictions et au final, un monstre qui l'a torturé, prise en otage, est dans la nature. Il s'est planqué au Venezuela (dont il a la nationalité) où aucune extradition n'est possible.
Lacy M. Johnson le rencontre à l'université : c'est le chargé de cours au sein du Département de langues et littérature romanes. Il parle et les étudiants l'écoutent. Lacy est une belle jeune femme, a tenté le mannequinat, a des parents qui ne s'aiment plus, mais restent ensemble par convention. Il y a une Grande Soeur avec laquelle Lacy va vivre un temps avant de prendre son propre logement avec son Copain le motard pour ensuite vivre avec celui qu'elle va alors dénommer L'Homme Avec Qui Je Vis, le prof d'espagnol. Il y a d'abord les voyages, les remarques, les disputes, les blessures et finalement, il devient l'Homme avec qui j'ai vécu, puis le Suspect et elle La Victime, car Lacy va le quitter, ce qu'il ne lui pardonnera pas : Lui peut la quitter, elle non.
Nous rencontrons des personnes qui n'existent que sous leur typologie : Ma grande amie, la Femme Policier, Mon premier mari, la Thérapeute, l'Inspecteur, son Bel Ami, L'Homme Qui Pourrait Bien Coucher Avec Moi (qui deviendra son deuxième mari et le père de ses deux enfants : une fille née difficilement et un garçon) comme les personnages d'une gigantesque pièce de théâtre tragique.
C'est un livre terrible à lire car son auteur est une femme cultivée, elle est enseignante maintenant. Son texte est bourré de références culturelles, érudites et sensibles. Elle raconte son histoire, celle d'une jeune femme qui pensait que le monde ne lui voulait que du bien et qui a découvert qu'il est dangereux ainsi qu'elle l'explique à sa petite fille [Je n'ai pas fini ma phrase qu'elle s'écrie : Maman, tu me fais peur ! Je démarre la voiture. Je dis : Il faut que tu aies peur].
Elle raconte ses médicaments, les réactions de son corps, ses rapports complexes et tendres avec ceux qu'elle aime, mais qu'elle ne peut plus parfois supporter. Je l'ai trouvé sans concession avec elle-même : elle est dure, se dépeint souvent comme une écervelée (une belle fille sans cerveau : elle a fini thésarde. Je la trouve au contraire d'une rare capacité d'analyse, d'une sensibilité rare. J'espère qu'elle a trouvé une forme de paix, maintenant, même si son tortionnaire n'a toujours pas été appréhendé. Son livre est un exorcisme, un dernier tatouage mais sur papier, un point final à ce qu'elle a vécu. Je croise les doigts pour que ça fonctionne.
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