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Critique de jg69


jg69
04 septembre 2022
Dans un village haut perché des montagnes valaisannes, tout se sait et personne ne dit rien. La narratrice Jeanne doit faire face à la brutalité perverse de son père, sa mère et Emma, sa soeur aînée, se résignent à la violence verbale et physique que leur inflige le père qui fait régner un climat de terreur dans la famille. Jeanne lui tient tête mais un jour, pour un mot de trop, son père la tabasse pour la première fois. Elle a huit ans et pense que le médecin du village, appelé à son chevet, va intervenir et mettre fin à leur calvaire. Mais il se tait comme se taisent les enseignants, les voisins qui font tous preuve d'une lâcheté qui foudroie la petite fille

Dès lors, la haine de son père ne quittera plus Jeanne "Je suis en guerre. Depuis toujours. Pour toujours". Cinq années à l'Ecole normale d'instituteurs, à distance de chez elle, lui offrent un peu de répit mais le suicide de sa soeur aînée la replonge dans l'horreur.

La narration à la première personne sous la forme d'un monologue de Jeanne contribue à la force de ce roman. La dureté du texte tient à la violence que le père fait subir à sa famille mais aussi à l'enfermement de Jeanne dans une colère, une haine et une volonté de ne rien oublier qui la détruisent. Cet enfermement, cet empêchement sont le sujet central du roman.
Comment peut-elle s'en sortir quand les années, la distance, des séances de thérapie, l'aide de ses amis, ne parviennent pas à la libérer de ses tourments de façon durable ? "Emmurée dans ma haine, sans concession, à ressasser toujours les mêmes souvenirs. Incapable de pardon... Je me gargarise de la violence de mon père alors que je devrais grandir."
L'auteure restitue parfaitement la violence, l'inculture, l'obscénité verbale, la bestialité paternelles qui engendrent une misère familiale dont Jeanne réussit à s'extraire en s'isolant dans les livres et les devoirs. L'ambivalence des sentiments de Jeanne envers sa mère est bien analysée, entre amour et colère contre sa soumission à son mari. Jeanne éprouve de la honte, des remords et de la culpabilité de devoir rejeter sa mère " Je lui en ai voulu si souvent, presque autant qu'à mon père, de ne pas partir, de ne pas fuir."
Une héroïne forte et orgueilleuse qui a réussi à tenir debout face à son père, une femme pourvue d'un instinct de survie qui lui a permis de fuir, une femme qui tentera de trouver l'apaisement auprès de personnes bienveillantes et d'un lieu qui sait la calmer : le lac de Lausanne.
Une écriture âpre, une histoire forte bien menée, des personnages marquants, une analyse fine des sentiments, des lieux, montagnes valaisannes et Lausanne, particulièrement prégnants, des scènes très fortes qui seront difficiles à oublier et un dénouement qui serre le coeur. Un premier roman coup de poing qui soulève quantité de questions essentielles. Une vraie réussite.
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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