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sur 1074 notes
Ancienne blogueuse devenue journaliste sur le tard, Sarah Jollien-Fardel livre ici un premier roman percutant, déjà couronné du Prix Roman Fnac 2022 et également candidat au Prix Goncourt 2022.

Jeanne, la narratrice de cette histoire a grandi dans le canton du Valais, dans un petit village montagnard, en compagnie d'un père cruel et violent qui martyrise quotidiennement sa femme et ses deux filles. Malgré ce père abusif et des villageois, dont le médecin de famille, qui ferment volontiers les yeux sur les traces de coups et autres dégâts causés par ce patriarche chauffeur routier porté sur la boisson, Jeanne parviendra à s'extraire de son milieu, à quitter sa région natale et à se construire une nouvelle vie…

Tout bon père de famille est sensé donner des racines, des ailes et une bonne dose d'amour à ses enfants. Dans le cas de Jeanne, l'envol s'avère beaucoup plus périlleux car les racines sont totalement pourries, les ailes entièrement brisées et même l'amour-propre a pris des sérieux coups au fil de cette enfance meurtrie. Des trois femmes soumises à la violence de ce monstre, elle sera d'ailleurs la seule à parvenir à s'extraire de l'enfer…Mais dans quel état ? Certaines plaies ne cicatrices malheureusement jamais, obligeant de grandir marqué à vie par les traumatismes de l'enfance. Peu importe la distance qu'elle met entre sa nouvelle vie et cette enfance détruite, l'horreur ne cesse de la rattraper, de la couvrir de honte, de culpabilité, de tristesse et de colère. Outre le portrait d'une femme totalement cabossée, Sarah Jollien-Fardel dresse également celui d'une région de montagnards taiseux, à une époque où le silence ne se brisait pas encore à coups de hashtags MeToo…

Bénévole dans une association d'aide aux femmes battues, l'autrice nous cueille dès la première phrase, nous oblige à prendre cette narratrice par la main et à partager son calvaire au quotidien, tout en levant très vite le voile sur un passé ravagé par des mots et des scènes d'une violence insoutenable. À l'aide d'un style direct et d'une justesse incroyable pour un premier roman, elle donne la parole à cette femme broyée par la vie, qui partage sa douleur au fil d'une narration qui retentit comme un appel à l'aide, un long cri de détresse dont l'écho résonne encore dans ces montagnes où tout a commencé…

Malgré quelques scènes de tendresse plus lumineuses et à l'inverse de l'excellent « Vers la violence » de Blandine Rinkel qui, abordant les mêmes thèmes, permettait tout de même au lecteur et à l'héroïne de se relever au fil des pages tout en constatant les dégâts de l'enfance, cet ouvrage laisse beaucoup moins de place à l'espoir, mettant le lecteur définitivement KO.
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Un roman coup de poing. Un texte d'une grande force qui sonne juste. Bien que le thème des violences intrafamiliales et de l'enfance brisée soit un peu éculé et malgré la noirceur du roman où les malheurs s'accumulent, l'intensité de la narration, l'épaisseur des personnages et l'écriture percutante, vive, rattrapent cette surenchère.
Ce récit a été écrit avec une sensibilité à fleur de peau.
« Je n'avais pas trente ans, j'étais en guerre. Depuis toujours. Pour toujours ». Cette colère tenace Jeanne la tient de son enfance détruite par la violence de son père, un tyran alcoolique maltraitant envers sa femme et ses deux filles.
Dans leur village montagneux du Valais, en Suisse, ces dernières se sentent prisonnières de la maisonnée où la peur domine « il a confisqué toutes nos allégresses. Il a massacré toutes nos jouissances ».
Continuellement en alerte, elles épient les réactions de ce monstre qui «a le pouvoir terroriste de moduler l'air et l'ambiance ». Jeanne n'aspire qu'à quitter « ce trou pestilentiel» où personne ne leur vient en aide, pas même le docteur de famille, ce lâche, qui sait mais ferme les yeux. Elle finira par fuir et s'installer à Lausanne où elle se régénère près du lac Leman, symbole de son exil, avec l'espoir de se laver de son passé. Apaisée Jeanne n'en reste pas moins tourmentée d'autant qu'une série de drames viendra entacher sa convalescence et raviver sa culpabilité. C'est un roman émouvant sur la difficulté de la résilience, les actes irrémissibles, sur les séquelles des traumatismes et l'héritage de la violence « Mon passé, que je m'acharne à répudier, me saute à la gorge ».
Ce n'est pas une victime ordinaire car elle a hérité une partie de cette brutalité « comme si l'ombre de mon père se terrait encore en moi ».
Elle cherche une issue mais « tout conflue vers lui ».
Racornie, les abus inscrits dans son corps et son esprit altèrent sa relation aux autres et son image dégradée des hommes la pousse vers des aventures avec des femmes jusqu'à sa rencontre avec Paul qui réveillera un début de pulsion de vie.
Il y a des passages sublimes et poignants sur l'amour, le deuil mais aussi le désespoir.
Un roman puissant et percutant.
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" Ma préférée". le titre par lui même est assez intriguant, et la quatrième de couverture m'ont incité à découvrir cette histoire.
Un roman hors norme et des personnages hauts en couleur.
J'ai trouvé la lecture assez perturbante, il n'est assez commande de traiter un tel sujet. L'histoire est oppressante, suffocante, d'une noirceur extrême. L'auteure nous entraine dans un univers de maltraitance, d'humiliation quotidienne, et une violence conjugale sans limite. Un homme qui utilise sa femme de pushing ball, il déverse toute sa haine , envers elle., ses deux filles sont continuellement rabaissée.
Trois femmes, qui évolue dans un univers malsain, une femme , une mère qui fait tout son maximum pour protéger ses enfants . Un moment de répit lorsque cet être abject , routier de métier, part. Un répit de courte durée ,il rentre ivre mort, sa meilleure amie est sa bouteille ,d'alcool. Ce dernier a eu un acte de violence envers une de c'est fille, et nous découvrons la mentalité des personnes de l'entourage qui ferment les yeux; ainsi que le médecin ,aucune aide, chacun pour soi, taire la vérité.
La narratrice Jeanne décide de quitter le foyer familiale, partir loin, le plus loin possible, mais aucune distance ne pourra faire oublier cette enfance de malheur; Un espoir traverse son chemin , elle peut reprendre ses lectures, un échappatoire , une sorte de renaissance. Emma sa jeune soeur, décide de partir à la découverte d'un autre monde, mais elle n'aura pas la même chance de Jeanne, elle tombe dans la prostitution , elle préfère se suicider, le passé rattrape Jeanne.
Un petit village où les ragots vont bon train, tout le monde connait la vie de tout le monde, au lieu de fermer les yeux, Auront-ils pu sauver le vie de ses trois femmes?
Nous sommes loin des contes de fée, où tout est beau , une vie merveilleuse loin des malheurs des autres.
L'auteure nous raconte la destruction psychologique du destin de trois femmes.
Je stoppe là pour ne pas spoiler l'histoire.
Je ne sais pas si j'ai ressenti de l'empathie ou de l'apathie pour les personnages j'ai eu un peu du mal à comprendre leurs émotions. Chaques protagonistes de cette histoire ont un rôle crucial , ce qui pimentent le suspens.
L'auteure nous capte dés le début jusqu'au final. Elle ne tergiverse pas nous plante le décor , ce milieu malsain, j'ai eu un sentiment de voyeurisme, de mal-être ,une incapacité de venir en aide , une sentiment de frustration.
L'écriture du roman est percutante, glaciale, terrifiante . La lecture est perturbante, je ne me suis pas sentie à l'aise. L'auteure utilise les justes mots , là où il faut pour nous décrire en profondeur cet enfer.
Un thématique maitrisée à la perfection, nous ressentons cette douleur, cette vie brisée, mais saupoudrée d'un brin d'espoir, voir une lumière au bout de ce chemin.
Un livre court, des chapitres courts, des phrases courtes, ce qui donnent une puissance au récit. Un roman clair, net et précis.
Un livre que nous avons du mal à lâcher, un livre tellement réaliste, que nous avons du mal à dire que c'est une fiction. Un roman qui nous prend aux tripes, on ne peut pas sortir indemne d'une telle lecture.
Comment se sortir de cet enfer?
Peut-on pardonner?
Un livre qui nous laisse dans le questionnement.
Un premier roman et une véritable réussite.
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Tendu, de la première à la dernière page.
Battues dès les premières lignes. Jeanne, Claire sa mère, Emma sa soeur.
Tout au long du roman je suis resté en première ligne. En apnée. Émotion sur émotion.
Ce roman est un cri, un hurlement. Urgent.
Presque un témoignage, une déposition de manque d'affection sans guérison.
Je lis l'intimité de la cruauté paternelle. Un chapitre, une claque.
Les mêmes séismes après chaque point, comme des répliques de tremblements de terre.
Des tremblements à taire. Ne rien dire. Secousses de lâches.

Jeanne, sa vie, enfouie. « Je découvre ce que mes parents auraient dû me donner : une identité.
La mienne, je l'ai créée, pleine de haine et de pourriture. »

L'auteure m'entraine dans les violences du Valais par une tragédie qui me fait suffoquer.
Je ne suis pas préparé à affronter la brutalité dans ce canton Suisse de toute beauté que j'affectionne pour assidument le fréquenter où règne pour moi une enveloppante quiétude et où il fait si bon respirer et profiter d'un climat généreux et d'un environnement admirable.

« Parce que je ne vis plus là, parce que j'ai renié ma famille et mon passé, je peux, enfin, inventer mes origines et peut-être aimer ces attaches que j'avais laminées avec hargne et colère. »

Le lac Léman récure. Y nager chaque jour l'été est un cadeau du ciel.
Jeanne crawle avec ses sentiments : La duplicité, la loyauté, la culpabilité, l'humilité, la haine.

« Je suis la fille vide qui regarde son père mourir. » Je conçois tellement.

Ne pas pouvoir rendre l'amour que l'on n'a pas reçu.
Ne pas savoir échanger le malheur contre le bonheur.
Avoir trop peur de se réfugier ailleurs que dans sa jeunesse pourrie.

A lire, vite.

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La narratrice Jeanne vit avec sa famille dans un village niché au plus profond du Valais, en Suisse. Un rien suffisant à déclencher ses incontrôlables fureurs, son père terrorise la maisonnée, roue de coups sa mère et abuse de sa soeur aînée. Battue comme plâtre pour avoir un jour osé lui tenir tête du haut de ses huit ans, la petite fille réalise avec amertume, que pas plus le médecin que leurs voisins et proches, n'ont envie de s'en mêler. Tous savent, mais se taisent. Dès lors, c'est la rage au ventre et toute entière tendue par le désir de s'échapper, que Jeanne grandit, puis parvient enfin à s'émanciper. Mais à quel prix ?


« Tout à coup, il a un fusil dans les mains. La minute d'avant, je le jure, on mangeait des pommes de terre. » Ainsi commence le récit fracassant d'une enfance ravagée, tellement gorgée d'acide qu'elle rongera la narratrice sa vie durant, se moquant bien de la distance et du silence dont cette dernière tentera pourtant d'user comme d'un barrage entre elle et les siens. Les scènes, cruelles et brutales, usent d'un réalisme saisissant pour évoquer la violence absolue d'un homme au-delà de toute rédemption, et ses effets dévastateurs sur ses proches, abandonnés à sa merci, comme dans la cage d'un fauve, par la lâche indifférence des témoins.


Sur les trois femmes coincées dans l'orbite du monstre, pendant que la mère, privée d'échappatoire par sa dépendance économique, et son aînée, vampirisée par la « préférence » incestueuse du père, se laissent réduire en cendres au fond de leur enfer, seule Jeanne trouve la force de rester debout, en préparant son évasion. Elle ne se doute pas encore que cette violence qu'elle combat, elle l'a déjà fait sienne au travers de son dégoût et de sa haine, et qu'elle n'est déjà plus que l'un de ces arbres, certes encore droits mais à demi calcinés, qui continuent à se consumer de l'intérieur à petit feu, longtemps après le passage de l'incendie.


Cinglé par la grêle de ses mots durs et acérés, l'on s'engloutit dans cette histoire - d'une noirceur que rien, ni l'amour d'une mère, ni les attachements amoureux, ni le puissant enracinement à une terre, ne parvient à exorciser -, impressionné par l'évidente vérité de ses personnages. Qu'il s'agisse de leurs mots, de leurs émotions ou de leur comportements, tout sonne juste et s'enroule autour d'une analyse psychologique irréprochable de pertinence et remarquable d'empathie. Et c'est déjà bien ébranlé par les uppercuts encaissés au fil des pages, que l'on s'achemine vers le coup de grâce d'un dénouement, sans doute d'autant plus bouleversant, que simplement, mais clairement, suggéré… Coup de coeur.

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De ma terrasse où je viens de passer un après-midi bouleversant au soleil à la lecture de Sa préférée, je lève les yeux sur Vercorin et son tour du mont, à la recherche d'une sérénité perdue l'espace d'une lecture.
Vercorin.... Son calme, ses couleurs, sa beauté, ses habitants, son Margueron et son téléphérique, son église et ses mazots.
Vercorin... Ses parapentes colorés qui titillent ma soif de liberté chaque matin et en toute saison.
Vercorin... Havre de paix dans lequel Jeanne, la narratrice, puise quelques forces pour tenter de trouver l'équilibre qui lui a toujours fait défaut.
Vercorin... comme Valais, personnage principal de ce premier roman, son caractère rude, franc, vrai, tortueux et tellement ancré dans sa terre, dans son terroir.

L'histoire principale ne se passe pas dans cette vallée d'Anniviers. Elle habite la vallée d'à côté. Les rencontres y sont pourtant les mêmes. Les familles cabossées hantent les mêmes lieux. Les ragots se murmurent au détour des sorties de messes. Les secrets se terrent. Et le silence règne. Terrible. Terrifiant.
Les appels au secours d'une enfant ne sont pas suffisamment dérangeants pour que les adultes osent sortir de leur petite vie tranquille ou misérable, épanouie ou hypocrite.
Un enfant, ça se tait. Ça ne sait pas. Ça ne doit pas faire trembler les adultes.
Du moins, c'était avant !
Car aujourd'hui le Valais a changé. Ou la société. Ou les deux. le silence a été rompu. L'heure est à l'entraide, à la dénonciation, à la solidarité ou à l'accusation. du moins, c'est ce que je veux bien croire.

Le silence pourtant est bien là, au plus profond de mon âme, au moment de refermer ce coup de poing littéraire qui m'a chahutée, secouée, terrassée.
Je n'ai absolument pas réussi à prendre de la distance avec cette histoire dramatique, ses personnages si singuliers et pourtant si universels. J'ai plongé au coeur de l'horreur me projetant des dizaines d'années en arrière. Et si, en tant qu'amie, qu'écolière, que co-équipière je n'avais pas su voir des appels au secours ? Et si j'avais ouvert plus grand mes oreilles aux murmures feutrés des confidences ? Et si j'avais accepté d'être dérangée dans ma petite vie bien tranquille ?
Comme Sarah Jollien-Fardel, je suis Valaisanne, fière de mes racines et terriblement consciente des secrets hantant les fonds de vallée.
"On l'envoyait à l'alpage. Mais on savait exactement ce qu'il se passait là-haut avec le berger. Personne ne disait rien. C'était comme ça." m'avait confié un collègue un jour autour d'un café. Et moi d'oublier de déglutir.

Sa préférée ne laissera personne indifférent.
L'écriture percutante de l'auteure, sa volonté de percer les mystères, de décrire l'innommable, de relier les décennies, de secouer les bonnes consciences nous emmènent loin au pays des émotions, des bouleversements, des remises en question, des doutes et des silences.

Ajoutez à cela son amour pour une terre, pour son Valais natal, et vous aurez, je l'espère, le Prix Goncourt 2022.
C'est tout ce que je souhaite à cette auteure si talentueuse.
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Une nouvelle expérience pour moi que cette lecture, je devrais dire d'ailleurs écoute. C'est le premier roman que je découvrais en roman audio (ma seule expérience avait été Mythos qui se prêtait très bien à ce format) et à ma grande surprise j'ai aimé.
D'abord le roman n'est pas très long, ce qui veut dire pas trop d'heures d'écoute, et puis je l'ai écouté en faisant mes marches rapides. Un ami commun m'avait donné l'idée d'écouter des livres en courant, bon je ne cours plus (vous verrez quand vous aurez mon âge avancé) mais j'ai retenu l'idée et le rythme du livre s'accordait bien avec celui de la marche. J'ai en plus aimé la voix de la lectrice, bien dosée au niveau des effets et d'une tonalité qui correspondait bien à la gravité du livre.

Car, contrairement à la citation que j'ai postée, qui reprenait ce mot désormais célèbre, primesautier, ce livre est dur. Portrait d'une femme Jeanne, qui n'a jamais pu se construire , son enfance ne lui ayant par permis de bâtir des fondations solides. Elle a grandi dans un petit village du Valais, chichement. Mais le drame n'était pas dans cette pauvreté, mais dans le personnage du père. Violent physiquement, injurieux, humiliant, il régnait en maitre sur sa famille et contraignait sa femme et ses deux filles à vivre dans la peur. Et tout le monde savait, mais personne n'a rien fait, même pas le médecin dans lequel Jeanne avait placé tous ses espoirs.

Jeanne saura s'évader de cette prison, elle fera sa vie à Lausanne, mais n'oubliera jamais. Elle restera celle qui sursaute au moindre bruit, celle qui aura du mal à redresser les épaules, celle dont la respiration ne deviendra plus ample qu'après de longues heures de baignade dans le lac, qu'elle vénère.

Elle ne pardonnera jamais, et cette rancoeur, cette colère empoisonneront son existence de femme, comme la violence avait empoisonné celle de l'enfant.

Un roman comme un cri, qui m'a mis souvent les larmes aux yeux, La détresse de cette femme résistera aux belles rencontres qu'elle fera et continue à résonner dans ma tête longtemps après le dernier mot.

Merci à NetGalley et aux éditions Audiolib pour la découverte de ce livre et de ce mode de lecture.
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Au coeur des montagnes valaisannes, Jeanne grandit au sein d'une famille désaccordée. Un père violent, alcoolique et tyrannique, dont la moindre contrariété, le moindre travers est sujet aux coups ou aux gifles, dont seront victimes aussi bien sa mère, sa soeur aînée ou bien elle. Si celles-ci n'osent répliquer et courbent l'échine, Jeanne, de par l'audace de son jeune âge, osera faire front. Ce qui lui vaudra une belle correction et la visite du docteur qui, malgré ses dénonciations, fera semblant de ne pas voir, encore moins d'entendre. Alors, Jeanne grandit dans la haine et la colère, impatiente de quitter cette famille et ce canton. Installée à Lausanne, près du lac Léman dans lequel elle se ressource, la jeune femme va tenter de se construire une autre vie cahin-caha, malgré sa rage toujours prégnante et cet héritage familial bien trop lourd...

Dès les premières phrases, l'on est happé. Percuté par cette violence. Par les mots de Jeanne... Dans ce canton du Valais, calme, paisible où tout se sait mais aussi où tout se tait, ces trois femmes vivent dans la terreur, sous le joug d'un mari et d'un père violent. Tandis que Claire, la mère, se réfugie dans les romans, qu'Emma se bouche les oreilles, Jeanne, elle, sera sans arrêt sur le qui-vive. À cause de ce père et de ce médecin en qui elle espérait se fier, elle finira, sans se poser de questions, par haïr et fuir tous les hommes. Si elle seule aura réussi à s'enfuir, elle n'en demeurera pas moins meurtrie, blessée, méfiante, sachant pertinemment que cette colère et cette rage enfouies finiront par entacher ce qui aurait pu être beau, malgré ce semblant de sérénité, malgré la douceur des caresses. Sarah Jollien-Fardel, dans ce court roman incisif, d'une intensité rare, évoque, avec force et sans concession, le long et terrible cheminement de Jeanne vers l'émancipation, femme pétrie de colère, certes, mais aussi de culpabilité, condamnée à lutter pour ne pas sombrer. Un roman tragique et amer d'une impossible renaissance...
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Dans le Valais, un homme martyrise ses femmes . Il bat son épouse, humilie ses filles , les bat aussi un peu et plus si affinité. Un connard, un vrai, de ceux qui ont la bourse et avilisse .
Pas facile alors de se projeter et de se construire dans la vie adulte , une fois l'envol réalisé. Jeanne et Emma vont pourtant s'y essayer.

Je rejoins les quelques critiques lues. Un livre coup de poing, très bien écrit avec un magnifique portrait de femme cabossée, se cherchant après une enfance des plus éprouvante.
On ne tergiverse pas dans ce roman , on raconte l'essentiel tout en cisaillant parfaitement quelques portraits qui marquent indubitablement le lecteur. Jeanne bien entendu, mais Emma que l'on connait en quatre pages , Claire la maman, Paul, Marine, Charlotte , Simon...
Pour le père, il boit, il tape , ça suffit , il est cerné;
C'est noir , parfois gris , presque gris clair, on aimerait blanc même un peu sale mais non.
L'eau , les montagnes , la vallée apaisent pourtant. C'est aussi un livre sur ses racines et l'attirance qu'elles exercent à tout âge. On n'est pas d'un pays mais on est d'une ville chantait Bernard Lavilliers. Il a bien raison.

Un livre aussi magnifique que dérangeant.
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Emma, la soeur ainée de Jeanne, était la préférée de leur père. Une préférence qui va lui couter très cher.
En Suisse, dans la montagne valaisanne, la cellule familiale est la victime des violences, des colères, de la perversité du père et de l'indifférence de ceux qui savent.
« Ça pouvait être la viande filandreuse du ragoût, un clou de girofle de trop, une feuille de laurier trop dure, une carotte trop cuite, des oignons coupés trop gros. Ça pouvait être la pluie ou la chaleur étouffante de la cabine de son camion. Ça pouvait être rien. Et ça démarrait. Les cris, la peur, la vulgarité des mots, un verre contre un mur, une claque sur le visage de ma soeur ou de ma mère. Je courais sous la table, je fixais le mouvement des pieds dans cette danse familiale trop connue. Parfois, ma mère tombait devant moi, lovée en boule sur le sol. » (p.12)

Jeanne va constituer en elle une pelote de haine et de colère au fil de son enfance. Parvenue à l'âge adulte, elle va constater avec douleur qu'alors qu'elle croit jeter loin d'elle cette pelote, celle-ci revient sans cesse comme aimantée.
Le ressentiment la dévore, les souvenirs douloureux l'asphyxient, prennent tout l'espace, ne laissant aucune possibilité à l'amour, à un espoir de reconstruction, au pardon.
« Je le fuyais, mais, en même temps, tout tourne autour de lui. Puisqu'il avait le pouvoir terroriste de moduler l'air et l'ambiance, j'étais en permanence obsédée par lui. » (p.16)

Jeanne se révèle impuissante à briser le cercle de la violence transmise par son père qui a germé en elle. Elle se sent mauvaise graine, pourrie à l'intérieur.

Un court roman noir uppercut, très dur, qui sonne juste avec des phrases ciselées sans un mot de trop.
C'est poignant, marquant, j'ai lu le roman quasi d'une traite et suis ressortie de ma lecture complètement sonnée. Bravo à Sarah Jollien-Fardel, une autrice prometteuse dont je lirai le prochain livre.

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