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Critique de Kirzy


°°° Rentrée littéraire 2023 # 8 °°°

C'est l'histoire d'une famille qui se réunit, qui se retrouve. Cette famille, on la connait, c'est celle de Nature humaine. le Lot, la vallée de la Rauze. Des agriculteurs à la retraite. Quatre grands enfants, quadra, quinqua. Alexandre, le fils « loyal » qui a repris l'exploitation familiale, la ferme des Bertranges. Trois filles qui sont parties à la ville, Toulouse, Rodez, Paris, et sont en froid avec leur frère pour une histoire de terres cédées pour y installer des éoliennes et un centre de maintenance pour une société d'autoroutes. 

Il fallait trouver le catalyseur pour lancer la mécanique des retrouvailles. Très pertinemment, Serge Joncour choisit la crise COVID et son confinement qui pousse les soeurs à venir se réfugier aux Bertranges, exposant ainsi les rancunes familiales pour les placer à l'heure des règlements de compte. Ceci étant, ce n'est pas un roman sur le COVID même si le livre permet de regarder dans le rétroviseur cette période, et qu'il est impossible de ne pas se reconnaître dans les comportements décrits.

Comme à chaque fois, Serge Joncour puise la force de sa narration en ses personnages, tous magnifiquement caractérisés, tous humains, terriblement humains. D'abord, Alexandre qui semble insubmersible ; alors que le monde entier plonge dans la dépression, lui va étonnamment bien sur ses terres, la pandémie a validé ses choix, prouvant qu'il avait eu raison de miser sur une pratique agraire respectueuse de la nature. Puis Constanze, sa compagne, militante écologiste apaisée qui vit dans une réserve biologique protégée en Corrèze.

Et puis les soeurs, les urbaines, qui voient leurs certitudes bousculées par la crise. Serge Joncour a l'art de scruter les consciences, dévoilant subtilement les changements qui s'opèrent en elles alors que c'est si difficile de se comprendre après plus des années de silence lorsqu'on a rien en commun ni aucune expérience à partager :

« En le regardant faire, elle se demandait comment elle avait pu lui en vouloir autant. A l'époque, elle lui reprochait de ne pas avoir d'autre rêve que de vivre ici, de s'en tenir à ça. Elle estimait peu glorieux ce manque d'imagination pour un adolescent. Alors qu'elle aurait dû le bénir, en tout cas le remercier d'assurer la pérennité de ces terres, sans quoi les parents n'auraient pas pu garder la ferme, et ici il n'y aurait plus rien eu, sinon des ruines. Il y avait trente ans, elle le tenait pour un homme du passé, mais en fin de compte c'était bien lui le mur porteur, le socle renouvelé de la famille, à tel point qu'en ce moment même, pour trouver refuge, c'est vers lui qu'elle s'était tournée. »

Le titre l'indique bien, il est question d'hommes mais la faune et la flore sont au coeur du mouvement qui anime les personnages et leur évolution, dès les premières phrases, magnifiques, qui décrivent la joie des vaches à retrouver les pâtures lors de la mise à l'herbe hivernale. On sent l'engagement de l'auteur lorsqu'il célèbre la beauté de la nature qui respire lorsque les activités humaines se mettent en pause, lorsqu'il introduit dans l'intrigue trois chiots bichons comme symbole de cette nature à protéger, ou lorsqu'il dénonce les dérives de l'agriculture productiviste à l'ère du dérèglement climatique.

Engagé, oui, mais jamais donneur de leçons. C'est cette humilité, alliée à une véritable hauteur de vue dénuée de cynisme, que j'ai particulièrement appréciée dans cette fable tendre et humaniste. Finalement, la chronique familiale, radiographie juste d'une époque, se transforme en chant louant le lien retrouvé entre les corps et la nature, sans naïveté mais avec un optimisme qui fait du bien à l'âme.

« La vie va d'une peur à l'autre, d'un péril à l'autre, en conséquence il convient de s'abreuver du moindre répit, de la moindre paix, parce que le monde promet de donner soif. »
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