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sur 640 notes
°°° Rentrée littéraire 2023 # 8 °°°

C'est l'histoire d'une famille qui se réunit, qui se retrouve. Cette famille, on la connait, c'est celle de Nature humaine. le Lot, la vallée de la Rauze. Des agriculteurs à la retraite. Quatre grands enfants, quadra, quinqua. Alexandre, le fils « loyal » qui a repris l'exploitation familiale, la ferme des Bertranges. Trois filles qui sont parties à la ville, Toulouse, Rodez, Paris, et sont en froid avec leur frère pour une histoire de terres cédées pour y installer des éoliennes et un centre de maintenance pour une société d'autoroutes. 

Il fallait trouver le catalyseur pour lancer la mécanique des retrouvailles. Très pertinemment, Serge Joncour choisit la crise COVID et son confinement qui pousse les soeurs à venir se réfugier aux Bertranges, exposant ainsi les rancunes familiales pour les placer à l'heure des règlements de compte. Ceci étant, ce n'est pas un roman sur le COVID même si le livre permet de regarder dans le rétroviseur cette période, et qu'il est impossible de ne pas se reconnaître dans les comportements décrits.

Comme à chaque fois, Serge Joncour puise la force de sa narration en ses personnages, tous magnifiquement caractérisés, tous humains, terriblement humains. D'abord, Alexandre qui semble insubmersible ; alors que le monde entier plonge dans la dépression, lui va étonnamment bien sur ses terres, la pandémie a validé ses choix, prouvant qu'il avait eu raison de miser sur une pratique agraire respectueuse de la nature. Puis Constanze, sa compagne, militante écologiste apaisée qui vit dans une réserve biologique protégée en Corrèze.

Et puis les soeurs, les urbaines, qui voient leurs certitudes bousculées par la crise. Serge Joncour a l'art de scruter les consciences, dévoilant subtilement les changements qui s'opèrent en elles alors que c'est si difficile de se comprendre après plus des années de silence lorsqu'on a rien en commun ni aucune expérience à partager :

« En le regardant faire, elle se demandait comment elle avait pu lui en vouloir autant. A l'époque, elle lui reprochait de ne pas avoir d'autre rêve que de vivre ici, de s'en tenir à ça. Elle estimait peu glorieux ce manque d'imagination pour un adolescent. Alors qu'elle aurait dû le bénir, en tout cas le remercier d'assurer la pérennité de ces terres, sans quoi les parents n'auraient pas pu garder la ferme, et ici il n'y aurait plus rien eu, sinon des ruines. Il y avait trente ans, elle le tenait pour un homme du passé, mais en fin de compte c'était bien lui le mur porteur, le socle renouvelé de la famille, à tel point qu'en ce moment même, pour trouver refuge, c'est vers lui qu'elle s'était tournée. »

Le titre l'indique bien, il est question d'hommes mais la faune et la flore sont au coeur du mouvement qui anime les personnages et leur évolution, dès les premières phrases, magnifiques, qui décrivent la joie des vaches à retrouver les pâtures lors de la mise à l'herbe hivernale. On sent l'engagement de l'auteur lorsqu'il célèbre la beauté de la nature qui respire lorsque les activités humaines se mettent en pause, lorsqu'il introduit dans l'intrigue trois chiots bichons comme symbole de cette nature à protéger, ou lorsqu'il dénonce les dérives de l'agriculture productiviste à l'ère du dérèglement climatique.

Engagé, oui, mais jamais donneur de leçons. C'est cette humilité, alliée à une véritable hauteur de vue dénuée de cynisme, que j'ai particulièrement appréciée dans cette fable tendre et humaniste. Finalement, la chronique familiale, radiographie juste d'une époque, se transforme en chant louant le lien retrouvé entre les corps et la nature, sans naïveté mais avec un optimisme qui fait du bien à l'âme.

« La vie va d'une peur à l'autre, d'un péril à l'autre, en conséquence il convient de s'abreuver du moindre répit, de la moindre paix, parce que le monde promet de donner soif. »
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Quelle heureuse idée a eu Serge Joncour de nous faire retrouver Alexandre, aux Bertranges, dans le Lot, où il continue à élever ses vaches ! Sous le soleil de janvier 2020, le printemps a deux mois d'avance mais Constanze est là et cela le comble de bonheur.
L'auteur de L'amour sans le faire, L'écrivain national, Repose-toi sur moi et Chien-Loup, livres qui m'ont beaucoup plu, poursuit donc Nature humaine (Prix Femina 2020) et il me régale à nouveau.
Voilà qu'il cite alors Caroline, Agathe et Vanessa, les trois soeurs d'Alexandre parties vivre loin de la ferme familiale. Sont-elles là ? Non, car Alexandre nomme ainsi les trois éoliennes qui dominent le paysage et qui ont pu être installées parce que les frangines ont accepté de vendre leurs terrains. D'ailleurs un autre de ces terrains a été cédé à la société d'autoroute pour l'installation d'un centre de maintenance.
Heureusement, il reste suffisamment de terres pour faire paître les vaches dans les meilleures conditions possibles. Âgé de 57 ans, Alexandre veille aussi sur Angèle et Jean, ses parents qui vivent un peu plus bas et se consacrent au maraichage.
Nous sommes donc début 2020 et, à la télé, on parle d'un mystérieux virus chinois et cela me rappelle vite quelques souvenirs… Comme pour nous tous, ce fameux virus va profondément modifier la vie de toute la famille d'Alexandre.
Petit à petit, alors que personne n'y croit, que les autorités se veulent toujours rassurantes, le coronavirus se répand et les restrictions s'aggravent. Serge Joncour écrit toujours aussi bien, sait parfaitement raconter et saupoudre son récit d'un humour toujours bienvenu. Son style est vivant, imagé et m'emmène au coeur de la vie paysanne, vie qu'il connaît bien et sait parfaitement mettre en valeur.
Voici maintenant les trois soeurs, chacune dans sa vie personnelle, vie qu'elles ont choisie pour fuir la ferme, ce monde rural qu'elles détestent. D'ailleurs, dans la famille, les fâcheries persistent et bloquent les rapports, ce qui est toujours triste et arrive trop souvent hélas.
Caroline vit seule à Toulouse. Agathe s'est installée à Rodez avec Greg, son mari, qui fut un gilet jaune virulent. Ils ont deux ados très différents, Kevin et Mathéo. Enfin, Vanessa mène la belle vie à Paris.
Les parents d'Alexandre sont aidés par Frédo qui débarque un jour avec trois chiots, des bichons qui vont bouleverser la vie familiale et apporter plusieurs surprises rendant l'histoire palpitante et parfois stressante.
J'ajoute enfin, car c'est important, que les Bertranges, cette ferme familiale que seul Alexandre maintient vivante, va devenir un refuge providentiel, un bel hommage pour celles et ceux qui donnent beaucoup afin de garder un peu de vie dans nos campagnes. Accessoirement, ils nous permettent de manger des produits sains grâce à ces circuits courts devenus indispensables. de son côté, Constanze, à la Reviva – réserve biologique de l'ONF - se consacre à la sauvegarde de la forêt qu'il faut impérativement préserver.
Avec Chaleur humaine, excellent titre, Serge Joncour a réussi un autre très bon roman qu'il faut lire car il témoigne en même temps d'une époque très proche que nous avons tendance à oublier, et nous rappelle qu'il existe une vie en dehors des grands ensembles ou des villes où la vie se concentre artificiellement.

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Avec Chaleur humaine, nous voilà revenus aux Bertranges dans le Lot, dans cette ferme familiale isolée entre collines et rivière. Les parents ont vieilli et des quatre enfants, seul Alexandre est resté au bercail, reprenant l'exploitation familiale, ses trois soeurs ont réalisé leur rêve de partir vivre en ville, en appartement à Paris, Toulouse et Rodez. Lors du partage, elles n'avaient pas hésité à céder leur part pour l'installation d'éoliennes et la construction par la société d'autoroute d'un centre de maintenance. Aussi, depuis quinze ans, les relations sont pour le moins tendues entre Alexandre et ses trois soeurs, entre eux demeure une incompréhension définitive.
Si, en ce samedi 25 janvier 2020, le printemps ayant quasiment deux mois d'avance, Alexandre et Constanze éprouvent un grand plaisir à conduire les jeunes veaux, les broutards, pour rejoindre le troupeau après deux mois d'abri : le vrai premier jour de l'année à la ferme, c'était le matin de la mise en herbe, symbole de la vie qui renaît !
Mais voilà, nous sommes début 2020 et une pandémie a entrepris sa marche funèbre.
Fuyant le confinement urbain, Caroline, puis Agathe, son mari et leurs deux garçons et enfin Vanessa viennent se réfugier aux Bertranges.
Nous voilà plongés alors dans un huis-clos d'une rare intensité, en pleine nature !
Comme dans son précédent roman, Nature humaine, j'ai une nouvelle fois été éblouie par les descriptions pleines de poésie que fait Serge Joncour de ce reste de nature préservée et par le portrait qu'il brosse de cet Alexandre amoureux de sa terre qu'il connaît si bien, qu'il a réussi à préserver jusqu'ici des affres du réchauffement climatique grâce aux arbres et aux haies qu'il a maintenues autour de ses prés. C'est un pur bonheur de le côtoyer dans son travail, et une satisfaction également de constater que celles qui ont eu la naïveté de croire que la ville était la panacée, éprouvent le besoin de venir se réfugier à la campagne. La difficulté sera de cohabiter, car ils ne sont plus du même monde, un fossé s'est créé entre les urbains et les ruraux.
Les autres personnages sont également particulièrement bien décrits et la diversité de leurs caractères permet d'embrasser un large panel d'opinions.
Si Nature humaine, situé entre 1970 et 2000, évoquait la dislocation des familles, Chaleur humaine tente de les rassembler, de les faire entrer dans une forme de communion en oubliant leurs différends, la campagne redevenant un territoire de liberté, alors qu'elle avait été une sorte de punition pour ceux qui y étaient restés par manque d'ambition et d'imagination comme on se plaisait à le penser.
Le lien entre l'homme et ses racines s'était fortement distendu, et là nous assistons au renversement d'un monde qui semblait immuable.
En entrelaçant l'histoire du monde et une histoire de famille, Serge Joncour nous livre un roman passionnant de bout en bout, non dénué d'humour, dans lequel il inclut à la fois notre présent et nos fautes passées.
Dans un monde qui se dérègle et se déchire, ce chamboulement avec l'arrivée de cette pandémie et le confinement qui s'en est suivi ont permis de retrouver un temps, un peu de chaleur humaine. Une époque toute proche et qui pourtant semble déjà lointaine…
Encore une fois, c'est un énorme coup de coeur que j'ai ressenti à la lecture de Chaleur humaine de Serge Joncour et c'est avec beaucoup de regret que j'ai tourné la dernière page...

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Suite de « Nature humaine », ce roman nous confine, début 2020, aux Bertranges, chez les Fabrier, où Alexandre (57 ans) est rejoint chez ses parents (octogénaires) par Caroline, Agathe et Vanessa, ses soeurs qui ont déserté le Lot depuis des décennies.
- Caroline, enseignante à Toulouse, divorcée de Philippe, découvre les joies du télé-enseignement et les aléas des connexions internet en Midi Pyrénnées. Ecologiste, après avoir été socialiste, elle réalise que la terre est basse et que « ça change la vie »
- Agathe, commerçante à Rodez, et Greg, son mari, cafetier et supporter des gilets jaunes, arrivent avec leurs deux adolescents dont Kevin défavorablement connu de la police pour divers trafics.
- Vanessa, parisienne, figure de proue de la start-up nation, se fracasse sur les aléas de la mondialisation fissurée par l'épidémie COVID. Son retour à la terre est brutal.

La cohabitation manque initialement de chaleur … mais l'arrivée inopinée d'une couvée de trois chiots en quête de chaleur humaine rapproche la fratrie.

Scénario digne de la Bibliothèque Rose me direz vous ; erreur car Serge Joncour, avec un humour caustique et une plume aiguisée, balaye les virus ambiants et dévoile un ordre naturel résilient.

De quoi observer que certains chiots sont d'éminents philosophes et révèlent la nature humaine ?

Ce roman, aussi amusant que décapant est un savoureux instant de bonheur. Bien supérieur (à mes yeux) au superficiel « Nature humaine ».

PS : Nature humaine
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La famille est dans le pré.
Ne pas se fier au titre du roman, il n'est pas question de sudation mais d'un récit de confinement en famille à la campagne. D'un autre côté, les aventures d'un gérant de hammam ou de sauna dans un bled paumé du Lot qui propose une alternative au bain mensuel dans l'abreuvoir aurait peut-être déclenché chez moi plus d'enthousiasme qu'un rembobinage sur ce Printemps 2020 qui n'est pas encore passé au noir et blanc dans ma boîte à souvenirs.
Depuis 3 ans, je fuis comme la peste, ou plutôt comme la Covid, les carnets de bords et récits des confinés inoccupés qui n'étaient pas bricoleurs ou tricoteurs. Je suis donc rentré dans cette suite de « Nature Humaine » un peu en marche arrière mais pour connaître un peu l'étroitesse des routes vallonnées du Lot, je vous conseille de ne pas commencer par la fin.
Fuyant le confinement urbain, la promiscuité, le travail pour certains et le virus, Vanessa, Caroline et Agathe se réfugient aux « Bertranges » dans la ferme des parents. Les trois soeurs, une célibataire, une divorcée et une dernière en couple avec un beauf version premium, retrouvent sur place Alexandre, le frérot agriculteur resté à demeure. Pilier de la famille, ce dernier n'a pas besoin de Karine Lemarchand et de ses mélodies lacrymales d'ascenseurs puisqu'il est casé avec une autre amoureuse de la nature et des pulls qui grattent. Alexandre n'est pas ravi de voir revenir ses soeurs avec lesquelles les contacts se limitaient aux enterrements et aux voeux de bonne année depuis l'exode urbain et quelques histoires d'héritage. Côté éoliennes et passage d'autoroute au voisinage de ses terres, il a la digestion un peu difficile.
Tout ce petit monde va arriver avec ses valises, ses problèmes et va être obligé de tomber les masques (j'étais obligé de la faire !).
Les récits de Serge Joncour ressemblent à des week-ends à la campagne. Ils sont capiteux, moelleux, prennent leur temps sans le perdre, ils sont écrits pour être lus à la belle étoile et pourtant ils ne penchent jamais du côté des romans du terroir qui sentent le pâté de campagne et confondent histoire et traditions.
Il n'y avait donc que la plume de Serge Joncour pour parvenir à nous rappeler avec finesse et sans tomber dans le convenu, nos petites habitudes de confinés scotchés devant les JT, les transhumances de citadins accueillis à la fourche par les autochtones, nos débats intrafamiliaux dignes d'un réveillon trop arrosé, nos soudaines vocations d'épidémiologistes de zinc, les collections de papier toilette et surtout nos dénis, angoisses et incertitudes.
J'ai lu que Serge Joncour se décrivait lui-même comme un écrivain du dehors et la nature occupe effectivement une place de plus en plus importante dans son oeuvre depuis « Chien loup ». Si le confinement a arrêté un peu le temps, mis nos vies en pause, le roman décrit très bien que pendant cet entracte, la nature a profité de ses vacances et repris ses droits. L'auteur emprunte aussi l'oeil de son agriculteur de héros pour observer le changement climatique et le dérèglement des saisons dans son activité. Y'a plus de saison comme au bon vieux temps, ma bonne dame !
Ce roman est une réussite même si j'avais trouvé « Nature humaine » plus abouti et ambitieux, peut-être parce qu'il s'inscrivait dans un temps plus long qu'un écouvillon.
Allez Un petit pari sur le titre du prochain roman :
Chair humaine ? Chaîne Humaine ? Surhumaine ? Energumène ?
Tiens, c'est déjà ma 300 ème.
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Il y a tant de superbes critiques concernant ce roman et ma propre pensée que je ne veux pas donner l'impression de plagier des gens qui sont des amis et amies . J'adore lire Serge Joncour , j'adore partager son amour de la ruralité , son implacable vision d'un monde qui change et qui, si on n'y prend garde ,finira par nous engloutir ,à moins que , mais ça , c'est un discours que j'entends depuis des lustres , devenu " cliché " .... Joncour , c'est plus qu'un écrivain, c'est un peintre de la nature , un penseur , un philosophe qui , dans une écriture qui paraît simple , distille habilement des foules de petits riens d'une vie qui pourrait être la nôtre ce qui fait que l'on suit son propos comme si nous faisions nous mêmes partie de cette famille particulière mais aussi, finalement assez banale, chaque personnage en étant toutefois bien marqué, profond , analysé avec finesse
, justesse et , pourquoi pas , tendresse . Se plonger dans l'univers de ce roman , c'est se retirer de ce monde de violence , d'intolérance, d'individualisme , d'hypocrisie pour trouver refuge dans une " arche " imparfaite , certes , mais tout plus apaisante même si le danger , on le verra dans le récit , reste à proximité, chaque jour un peu plus menaçant. Et puis ,reconnaissons le , Joncour , sous ses dehors " un peu bourru " , sait avec une intelligence remarquable utiliser l'humour , pas l'humour gras , non , l'humour subtil qui donne aux propos les plus sombres , une petite touche rassurante .
J'adore lire cet auteur , ses romans me touchent et m'apaisent en même temps , avec lui , j'ai l'impression de faire un voyage dans le monde d'aujourd'hui tout en étant protégé dans un cocon salvateur .
Merci monsieur Joncour .
Allez , amis et amies , je n'avais rien à dire mais je l'ai dit tout de même...
" J'PEUX PAS M'EN EMPECHER " ...
A bientôt, JFL.
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C'est avec plaisir que j'ai retrouvé les personnages de « Nature humaine » dans ce dernier roman de serge Joncour.
L'histoire s'étire sur un temps très court, celui du confinement de mars 2020 pendant le coronavirus.
A cause de ce virus qui fait peur à tout le monde, les soeurs d'Alexandre débarquent à la ferme des Bertranges pour fuir le confinement et la folie humaine qui sévissent dans les villes.
Entre les trois soeurs qui ne s'entendent guère, le beau-frère Greg et les deux ados, le climat est électrique, tous sont à cran et il faut la patience et le bon sens paysan d'Alexandre pour calmer le jeu.
Alexandre est le seul à avoir poursuivi l'existence rurale de ses parents dont il s'occupe et ses soeurs parties aux quatre coins de la France découvrent ce frère qu'elles considéraient un peu comme un plouc et qui va devenir le pivot de cette famille désorientée.
Bien des péripéties viendront animer les journées et faire oublier la peur de la maladie.
L'épidémie, on la suit avec les actualités à la télé. Tout cela nous rappelle combien cette épidémie a été dramatique. Mais à la campagne, loin de tout, elle perd de sa gravité car, ici, il faut s'occuper des bêtes, semer les patates, repiquer les salades et surtout, faire face aux attaques d'insectes qui déciment les arbres.
C'est avec Constanze, amie d'Alexandre et conservatrice d'une réserve de forêt, que l'on découvre les méfaits du réchauffement climatique.
« le changement climatique était une tempête invisible, sournoise. La hausse des températures faisait perdre à la partie superficielle des troncs les molécules qui lui permettaient de noyer les parasites dans la sève ou la résine, des sortes d'anticorps. Si les étés trop chauds et les hivers trop secs continuaient de s'enchaîner, les défoliateurs et les scolytes n'en finiraient plus de pulluler. »
Au-delà de l'épidémie de covid, Serge Joncour nous montre que c'est toute la nature qui est en danger, à cause de la folie des hommes et du réchauffement climatique. Pourtant, dès que l'activité humaine ralentit, elle reprend ses droits.
« Depuis le confinement, on croyait le monde à l'arrêt, alors que toutes les vies non humaines retrouvaient dans cette pause une terre à nouveau libre, en cessant leurs activités, les hommes libéraient toutes les autres formes de vie… partout les animaux reprenaient le dessus. »
En auteur engagé, Serge Joncour sait mettre le doigt là où ça dérape, il expliquer les dérives de l'élevage intensif, les dérèglements climatiques et la diminution des ressources en eau sans oublier la désertification des campagnes qui manquent de médecins et de vétérinaires.

A travers cette histoire de famille que l'auteur décrit avec ironie et affection, c'est une esquisse de notre monde un peu bancal et fragile qui nous est offerte.
J'ai beaucoup aimé la tendresse de l'auteur pour ses personnages et son engagement environnemental.
Un roman qui se lit avec passion

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Les aficionados de Serge Joncour se souviennent certainement des propos que l'auteur avait confiés à Livres hebdo, à la sortie de Nature Humaine, en 2020.
Il se disait «  embêté pour la suite, car il avait prévu une catastrophe écologique » or l'actualité l'avait rattrapé. Et d'ajouter : « désormais je ne peux plus faire l'économie du réel. Moi qui voulais inventer une histoire cataclysmique, le réel m'en fournit une encore plus folle ! ». Cette assertion du romancier : « Le présent est toujours le sésame du passé. le passé résonne dans le présent » s'avère on ne peut plus juste. C'est un autre scénario qui s'est invité ! Une période digne d'un thriller.
C'est donc avec d'autant plus d'impatience que l'on aborde la lecture. Que les nouveaux lecteurs soient rassurés, Serge Joncour a glissé dans son quinzième roman un chapitre flashback sur l'année 2000 qui permet de faire la passerelle !

Le titre Chaleur humaine est tout aussi judicieux que celui de Nature humaine , car sujet à diverses interprétations. D'où provient cette « chaleur humaine », quelle en est la source?

La tranche de vie relatée s'étale sur presque deux mois, de janvier à fin mars 2020, année d'un chamboulement abyssal dans nos vies. Une façon de restituer un pan de mémoire collective. le récit est daté comme un journal, on reconnaîtra les dates de vacances scolaires, la date du changement d'heure ( source de confusion pour le père) et surtout l'annonce du confinement due à la pandémie qui, après la sidération, va déclencher chez les urbains la ruée vers le vert.
Bienvenue aux Bertranges où vivent les parents Fabrier , leur fils «  sacrificiel » Alexandre, agriculteur éleveur, resté ancré au terroir, attentif au devenir de la nature soumise au réchauffement climatique.
Une famille toujours rivée au JT de 20 heures, « leur religion », d'autant plus que les annonces du gouvernement se multiplient, se contredisent et génèrent un climat anxiogène.


Le roman débute de façon saisissante. le cameraman Joncour convoque une impressionnante scène d'ouverture à la fois bucolique et panoramique!
Imaginez un travelling, sur la mise en herbe des bêtes. Serge Joncour, en peintre animalier, nous immerge comme un tableau de Rosa Bonheur. Les vaches folâtrent dans les prés, « tambourinent le sol », surprises par la liberté, ivres d'espace, de soleil et d'herbe. On devine le lien viscéral qui unit Alexandre à son troupeau et à ses chiens.


C'est un retour à la terre-mère que les trois soeurs d'Alexandre choisissent. Pourtant brouillées depuis plus de 15 ans, « les trois lumineuses flammèches » décident de renouer avec leur frère , « au caractère souple », au calme olympien et de venir squatter la ferme de leur enfance. Elles s'assurent que le net fonctionne sans aller sous le tilleul ! Elles débarquent avec moult bagages ! Retrouvailles successives /en plusieurs temps. Assez cocasse le trajet en bétaillère pour convoyer Agathe, son mari et les rejetons ados ( dont un problématique). Il faut déjouer les contrôles. Bientôt les attestations de déplacement seront nécessaires.

Comment va se passer la promiscuité de la fratrie agrandie ?
On partage leur quotidien, leurs conversations animées ( ça s'écharpe, tensions) mais aussi leur isolement, la peur de contaminer leurs aînés, en prenant des repas avec eux.
On entend leurs confidences ( couple, travail...).
On baigne dans l'euphorie le jour où l'on sort la grande table pour prendre un repas ensemble, on contemple le ciel incendié au couchant. Vanessa , la photographe capture des instants d'harmonie. Caroline, «  madame le professeur », réclame le calme ! L'ado bricoleur répare une moto et explore les environs, espérant trouver des joints ! Agathe et Greg ont dû fermer leurs établissements.
On consulte les tutos pour fabriquer des masques ! Les effusions , les bises sont bannies, remplacées par les hugs ! On se suspecte au moindre éternuement, on mesure sa saturation d'oxygène… Une communauté sous cloche !

Chaleur humaine grouille de vie. Pléthore de personnages : le commis Fredo, le vétérinaire, la caissière du supermarché et les marginaux, ainsi que les scientifiques et ingénieurs à la Reviva...
Pléthore d'animaux : vaches, chiens, geais, faune sauvage dont les sangliers auxquels vient se greffer l'irruption non programmée de trois chiots. Les parents n'avaient-ils pas juré de ne plus adopter une bête ? N'en dévoilons pas plus ... La présence de ces trois «  touffes frisées » est auréolée de mystère. Toujours est-il que tout le monde s'attache à ces bichons intrépides, qui font des bêtises. Ils sont à la fois source de situations comiques, d'angoisse quand ils tombent malades, de panique quand ils disparaissent . Ont-ils été kidnappés ? Se sont-ils échappés ? le récit prend alors une allure de thriller, car on garde les fusils à proximité, puis on les charge de chevrotine ! le lecteur est tenu en haleine, d'autant plus que la famille détient « un vrai arsenal » !

Dans Chien-Loup, l'auteur a déjà révélé une évidente connaissance des chiens !
Rappelons cette citation : «  Être maître d'un animal c'est devenir Dieu pour lui. »
A nouveau, on sent qu'il les a côtoyés et a observé avec acuité leur comportement.
Comment ne pas craquer pour ces petits animaux «  aux toisons bouclées et cotonneuses », vibrionnants d'énergie, capables de chorégraphies endiablées.
Ces bichons si attendrissants. Vrais pacificateurs. Ces peluches vivantes n'ont-elles pas réussi à réunifier le « cheptel » ? Ces petits fauves ne viennent-ils pas « peupler  la seule patrie qui vaille : l'instant », pour reprendre une formule de Sylvain Tesson ! (1)

On sera également suspendu aux messages SOS de Constanze, la compagne d'Alexandre , qui fait penser au « super plumber » de Repose-toi sur moi, prêt à voler au secours de celle qu'il a toujours aimée, même éloignée géographiquement. Tous deux restent « soudés par l'indéfectible lien » de ceux qui s'en tiennent à l'essentiel, « une fraternité d'âme qui les hissait au-delà de l'amour ».

L'auteur , à la fibre écolo, offre une bouffée d'air, une parenthèse verte de sérénité avec le personnage de Constanze, cette militante écologiste qui vit à la Reviva, réserve biologique protégée, isolée, en Corrèze. Comme Erri de Luca, elle est attachée à toute forme de vie, au règne animal, si bien que tuer la moindre bestiole devient sacrilège. Pourtant Alexandre voudrait bien éradiquer un frelon asiatique. Ce sanctuaire végétal n'est pas à l'abri des virus, des maladies et on entend la tronçonneuse et les arbres tomber.
La belle blonde sportive s'avère une digne héritière du paysan Crayssac à qui Alexandre rendait visite, conscient qu'il détenait une forme de sagesse.

C'est d'ailleurs dans ce site naturel sauvage, fief de Constanze, que Serge Joncour réunit tout le clan pour le tableau final nocturne rassérénant ! Pas besoin de feu d'artifice, « la nuit tomba sur un brasier encore géant », incandescent.
La Reviva leur offre une parenthèse inédite proche du nirvana , un havre de paix, d'apaisement.

Dans ce roman, Serge Joncour , en gardien de la mémoire, nous replonge dans les affres de la Covid ( premiers malades, quarantaine des rapatriés de Wuhan...), un moment de l'histoire que chacun a vécu avec ses angoisses, ses colères, sa révolte( le hashtag « on n'oubliera pas »)… et en distanciel.

L'auteur ne manque pas d'épingler le gouvernement quant à la gestion de la crise sanitaire (le coup de poignard du 49,3) , dénonce de façon cinglante tous les trolls de Twitter (pour qui le virus n'est qu'une grippette !) Il pointe le désert médical , ainsi que la pénurie de Doliprane. On recourt au véto faute de toubib.

Il ne cache pas ses préoccupations concernant la crise climatique, soulignant l'impact sur la gestion des bêtes. Bientôt, « au lieu de les rentrer l'hiver pour les protéger du froid, on les rentrerait l'été parce qu'il ferait trop chaud ».
L'écrivain fait d'ailleurs remarquer la précocité de la nature : «  le printemps est en hiver ».

Parmi les autres thèmes de prédilection développés :les maladies des arbres et des animaux, les éoliennes, son aversion pour les avions !

Serge Joncour nous immerge dans un huis clos rural avec des trouées sur la forêt, les pâturages ,des plages de silence, qui contrastent avec les conversations animées de la fratrie, les pétarades de mobylette, le feulement des éoliennes, les aboiements, les glapissements...
Son écriture cinématographique indéniable fait défiler certaines scènes avec intensité et son talent pour décrire les paysages restitue, tel un peintre, l'éveil de la nature. On ne peut rester insensible aux fulgurances poétiques !

Chaleur humaine est un cocktail explosif, pétri d'adrénaline, de stress avec beaucoup de fraternité, de tendresse , d'amour et une pointe d'humour, au coeur d'une végétation étonnamment précoce. Un 15ème opus prenant, intergénérationnel (dans la même communion, on ne récolte plus le safran mais on plante les pommes de terre).
L'écrivain s'impose par sa plume qui trempe à la fois dans le rural et l'urbain ainsi que dans les rumeurs du monde et des réseaux sociaux. Un univers mixte d'une riche variété : le nectar de la maturité ! A savourer avec les cinq sens, loin des masques ,du gel hydroalcoolique et en « s'abreuvant du moindre répit, de la moindre paix ». Laisser vous draper dans cette lénifiante chaleur humaine !

(1) Les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson
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Vingt ans ont passé depuis la tempête de 99... Alexandre, toujours aux Bertranges, a repris la ferme familiale, ses parents étant installés dorénavant dans le pavillon, tout près. Constanze, elle, est installée à la Reviva, une réserve dont elle est conservatrice, entre le plateau de Millevaches et la vallée de la Cère. Quant aux soeurs, elles ont réalisé leur rêve citadin. Caroline est professeure à Toulouse, Agathe, avec son mari, Greg, est gérante de magasins de vêtements et d'un bar et Vanessa est photographe à Paris. Une fratrie éloignée physiquement et dont les liens ont été rompus, à cause des terres que ces dernières ont cédées pour y planter des éoliennes. En ce début février, de loin en loin, Alexandre et ses parents suivent à la télé ce qui se passe en Chine, certains d'en être préservés...

L'on retrouve avec plaisir Alexandre et toute sa famille que l'on avait laissé un soir de tempête. Chacun a, depuis longtemps, pris ses valises et fait sa vie, sauf Alexandre, trop attaché à cette ferme et ses terres. Si les premières pages de ce roman s'intéressent à l'évolution de chacun pour notre plus grande joie, l'on se doute que la Covid va très vite entrer en jeu. Dès lors, Serge Joncour délaisse finalement ses personnages, cette terre, cette nature et ces animaux, qui pourtant lui et nous sont chers, pour nous narrer, par le menu, les événements liés à la Covid, de manière un peu trop journalistique d'ailleurs. Et c'est bien dommage car, de fait, Chaleur humaine perd en souffle, en romanesque, en humain, en puissance, en tendresse, en vie par rapport au précédent, Nature humaine. Même si toute la famille se retrouve réunie aux Bertranges, l'auteur ne s'est, malheureusement, pas assez recentré sur les relations entre frère et soeurs. Certaines scènes et personnage manquent d'ailleurs de crédibilité. Sur fond de crise climatique, sanitaire et familiale, Chaleur humaine, malgré une plume enlevée et entraînante, se révèle une légère déception...
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Vingt ans après la tempête terrible, de fin 1999, on retrouve Alexandre et ses parents dans le Lot.
Alexandre a maintenant la cinquantaine. Il a abandonné ses projets d'extension de ses étables lors des dégâts de la tempête et s'est tourné vers l'élevage bio.
Ses parents , se sont lancés dans la culture maraîchère avec l'aide de leur ouvrier.
Les trois filles sont parties à la ville après avoir exploité leurs parts de terres en y installant trois éoliennes.
Le frère et les trois soeurs ne sont plus adressé la parole.
Constanze, la petite amie d'Alexandre, activiste écolo, est revenue dans la région pour travailler avec des scientifiques dans un observatoire d'insectes destructeurs pour le biotope local.
La menace du Coronavirus plane en ce début janvier 2020 et évolue jusqu'à faire partir la population des villes.
Les trois soeurs et leurs enfants reviennent.
Elles retrouvent le côté rassurant et logique de leur frère.
Ce frère, Alexandre est un personnage très intéressant.
Il observe la nature et quand même, nous communique-t-il, ce n'est pas la première fois que nos bêtes sont atteintes d'épidémies très graves amenant des mesures radicales.
Il est aussi capable de craquer pour les trois chiots que ses parents élèvent et de s'en amuser.
Alexandre qui est la voix de l'auteur, observe le radoucissement de ce début d'année 2020 et le réchauffement climatique. Il nous décrit les chenilles processionnaires et leurs dégâts sur les chiots notamment.
L'auteur a eu la bonne idée de tenir ce journal sur le début de la pandémie au jour le jour.
Personnellement, je m'étais empressée de passer à autre chose mais à présent, je suis capable d'affronter un petit retour en arrière.
Serge Joncour nous a écrit un très beau roman sur la nature, sur la pandémie, les épidémies chez les animaux. Cela fait partie d'un tout.
La famille se resserre dans les évènements dramatiques. Il faut dire que cette famille : heureusement qu'elle avait des racines à la campagne car à ce moment, on en avait grand besoin de nos campagnes.
Je peux ajouter que l'auteur a une écriture très imagée et colorée.
Pour ma part, c'est un écrivain de très grande qualité. Un de ceux qui n'écrivent pas rien que pour remplir des pages.
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Les événements du roman se déroulent entre 1976 et 1999

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