AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de alouett


« Ils sont nombreux. Ils sont presque tout le monde, les 99%. Ils sont salariés. En activité, l'ayant été ou espérant l'être. Ils sont nourris, logés, cajolés à la hauteur de leur utilité. C'est en tout cas ce qui est écrit dans les contrats qu'ils signent avec entrain. Ils ont l'air souriants et productifs, comme ça, mais quand ils rentrent chez eux, ils sont soucieux. Et quand on voit ce qu'ils voient, et qu'on entend ce qu'ils entendent, on peut le comprendre » (La survie de l'espèce).

Spéculation, capitalisme, productivité, profit, rentabilité… Des mots et des maux forts pour nos sociétés. A l'aide d'un humour incisif, Paul Jorion (dont vous trouverez une présentation ici) revient sur des concepts économiques ; il parle de la Bourse et des spéculations, de leurs responsabilités dans la crise financière actuelle, de leur impact sur le quotidien des prolétaires et du fossé qui se creuse de plus en plus entre riches et pauvres. Si vous souhaitez accéder à la présentation officielle de l'album, je vous invite à suivre ce lien.

-

Intrigante… cette couverture qui nous accueille ! On y voit un bonhomme Lego qui semble avancer péniblement dans une eau qui lui monte jusqu'à la taille. Sur ses épaules, il porte un général d'armée. Ce dernier montre du doigt la direction à prendre. Au sommet de cette tour humaine, un milliardaire guilleret profite de la situation, comme un enfant que l'on aurait installé sur le Manège Enchanté. En toile de fond, des immeubles branlants dont les fondations ont été malmenées par une tempête. Catastrophe naturelle ??! Point n'en est même s'il est bel est bien question de séisme.

Dès les premières pages de l'album, le lecteur découvre – ravi – un scénariste culotté et bien décidé à ne pas s'encombrer de propos politiquement correctes. Sûr de lui, il lance déjà les premiers pics :

» Franken Burger : 24 techniques d'assemblage (brevetées) de restes de vaches mortes, salade génétiquement modifiée pour tuer à vue les laborantins de la santé publique… Garanti sans danger pour tout petit enfant blond jouant dans un spot publicitaire « .
L'installation de cet univers corrosif passe ensuite par une définition cocasse des trois protagonistes, où tout aurait commencé en des temps immémoriaux : la Préhistoire. Un individu – fort – découvre par hasard qu'il peut tirer des bénéfices à utiliser sa force. A l'autre bout de la chaine, le faible devient l'objet de cette contrainte physique (que le scénariste nomme ironiquement « le consentement »).

Ainsi, pour Paul Jorion, le postulat de départ est simple, le schéma d'évolution est limpide. Les techniques de perfectionnement de « la fabrique du consentement » ne cessent de se perfectionner au cours des siècles. Trois grandes étapes sont dégagées : La Préhistoire, l'Antiquité, le XXème siècle.

- le « Fort » a peu à peu acquis le titre légitime de « Monarque » avant de s'effacer – plus récemment – derrière l'appellation de « Capitaliste ». C'est l'homme en haut-de-forme sur la couverture.
- Les « Hommes de main » du Fort structurent leur intervention. Ils sont remplacés par les » Soldats » du Monarque. Plus tard, ils prennent naturellement l'appellation de « Patrons » et sont à la botte du Capitaliste. Logiquement, dans cet album, le patron prend l'apparence du Général.
- le « Faible » devient peu à peu un « Paysan » puis un « Salarié », mouton de Panurge des temps modernes… le « Bonhomme Lego » est prêt à accepter beaucoup pour pouvoir conserver son emploi et ainsi nourrir sa famille.

Passé ce bref rappel historique dans lequel Paul Jorion introduit par petites touches les concepts économiques qu'il développe ensuite, le lecteur entre dans le coeur du sujet. Avec plaisir, on suit le cheminement de l'auteur qui s'amuse à tordre les grandes théories capitalistes et montre comment les manias de la finance sont parvenus à tourner la situation à leur avantage et à museler les politiques.
Grégory Maklès accompagne ce récit d'un dessin sobre. Les aplats de vert donnent un côté froid à ce monde où une purge des émotions et des sentiments auraient été réalisée. Ce choix renforce également les propos satiriques de Jorion. Pourtant, sur ce décor verdâtre quasi chirurgical, le dessinateur nourrit copieusement cet univers graphique de haussements de sourcils, de rictus exagérés, de grimaces d'étonnement. Son trait leste exagère les expressions des uns et des autres, rendant l'ensemble espiègle.

L'humour dénonce de manière intelligente les aberrations du système. le propos est percutant, amusé, amusant… l'ironie dédramatise la gravité des propos tenus ici et laisse malgré tout le lecteur sur une note optimiste.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
Commenter  J’apprécie          100



Ont apprécié cette critique (10)voir plus




{* *}