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Critique de Piatka


" Je m'appelle Magdalena van Beyeren. C'est moi, de dos, sur le tableau. Je suis l'épouse de Pieter van Beyeren, l'administrateur de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales à Delft, et la fille de Cornelis van Leeuwenbroek. Pieter tient sa charge de mon père. "

Ainsi commence ce court roman intimiste et donc le journal de Magdalena, 36 ans, le 12 décembre 1667 en plein siècle d'or néerlandais, période de grande prospérité commerciale. Épouse accomplie et mère de nombreux enfants, dont certains n'ont pas vécu, elle décide de "mettre de l'ordre dans son coeur, et un peu de paix dans son âme, à se souvenir de joies passées et à accueillir ses peines."
19 courtes journées-chapitres jusqu'au 16 décembre 1667 sont le prétexte à glaner et écouter les confessions douces-amères d'une femme, bourgeoise éduquée du XVIIème siècle, parvenue à un tournant de sa vie. Avec pudeur et une grande lucidité, elle égrène déceptions, joies, souvenirs et réflexions personnelles, tout en s'interrogeant sur le développement du commerce maritime, l'esclavage et la place d'une femme dans la société de son époque.
Il s'en dégage un beau portrait de femme, sensible et désabusée, malheureusement désabusée devrais-je écrire, tant il est difficile pour Magdalena d'avoir eu à renoncer à prendre la succession de son père à une époque où il était impensable qu'une femme occupe une telle fonction quand bien même elle en aurait été capable. Elle se trouve donc naturellement confinée à l'intérieur de son foyer, tandis que son mari s'épanouit à l'extérieur. Nul doute que la musique et la rédaction de son journal, aux heures silencieuses de la maison, lui permettent de s'évader et de libérer ses rêves et désirs inassouvis.

En découvrant le quotidien et les pensées de Magdalena, le tableau Intérieur avec femme à l'épinette d'Emmanuel de Witte qui est le point de départ du roman et bien sûr du journal, prend tout son sens. Reproduit en couverture du livre, il donne à voir un intérieur bourgeois cossu mais austère, une femme de dos assise à son épinette, le tout dans les tonalités chaudes de la peinture du XVIIème siècle hollandais, qui n'est pas sans rappeler bien sûr les oeuvres de Vermeer.
Mais pourquoi donc avoir représenté une femme de dos, au milieu d'un intérieur relativement dépouillé ?
"À ne plus être désirée, ai-je encore un visage ?", répond finalement Magdalena qui a choisi d'être représentée ainsi. En lui donnant vie, Gaëlle Josse répond à sa façon, avec poésie, finesse et sincérité à cette question, et lui donne progressivement le visage d'une femme résignée malgré elle, prisonnière de sa condition et de son siècle, mais palpitante de vie.

Une interprétation réussie d'un tableau ancien donc, dont je déplore juste qu'elle soit si courte, mais rien n'interdit une suite, peut-être, un jour...
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