ls se retrouvent en pleine lumière, perçant une forêt de robes à paniers et de perruques pour rejoindre les pianos. Sous le ciel de la coupole, deux dragons menaçants fendent un ciel de mercure. Le silence s’installe. Tamino respire profondément. C’est leur signal. Il commence. Une simple comptine dont les notes tintinnabulent avec innocence. Ah ! vous dirai-je, maman. Il reprend l’air, l’accélère, l’ornemente, le déroule, le suspend l’espace d’une seconde, s’immobilise. Jonas récupère le thème qui bourgeonne et volute sous ses doigts.
Les notes sœurs rebondissent. Les pianos sont des bêtes de course. Ils ont préparé leur duo, se sont réparti les variations en fonction de leur caractère, le mode mineur et le ternaire pour Tamino, funambule sur les touches, le binaire et ses triolets cavaleurs pour les grandes mains de Jonas. Ils galopent et se retrouvent, à l’unisson, pour la douzième, la plus brillante, avec ses cascades de doubles croches, ses glissandi virtuoses et sa cadence finale en ut majeur. La foule s’est figée, au plus près de l’estrade et des pianistes dans leurs habits or et argent.
— Beaux comme des princes, glisse un convive perruqué.
— Ou comme des pages, rétorque une mitre d’évêque. Les artistes quittent leurs tabourets et s’inclinent, ballottés par la salve d’applaudissements,
Ce courant d'air qui glace les voyageurs à la sortie de la gare Montparnasse, Jonas le prend en plein visage en même temps que le final du Concerto pour Piano n°25 en ut majeur K 503. Celui qui, dit-on, a inspiré la Marseillaise.