Entre Wilna et Kowno, nous fûmes rencontrés par l'empereur Alexandre, qui se rendait à son armée. Il passa en revue notre détachement de prisonniers. Je marchais à sa tête, comme le seul sous-officier qui fût dans le convoi. Il nous parla avec bonté, et il nous demanda si nous avions à nous plaindre de la manière dont on nous conduisait. N'ayant aucun reproche à faire, pas une parole de plainte ne fut prononcée. L'empereur parut satisfait, et il me donna pour le détachement une somme à raison d'un ducat par homme. Je le remerciai au nom de mes compagnons d'infortune, puis il continua sa route.
Un officier du 10 dragons légers anglais vint aussitôt sur moi au galop, et quand il m'eut atteint, il me demanda ce que je voulais. Je viens vous offrir une bouteille d'eau-de-vie pour boire avec vos camarades et les miens, avant de faire connaissance d'une autre manière. L'officier anglais accepta et fit signe à ses camarades; de mon côté, j'en fis autant au commandant de Vérigny, qui me rejoignit avec une dizaine d'officiers, au moment où un pareil nombre d'officiers anglais arrivaient. La bouteille passa à la ronde et fut vidée à l'instant. On la trouva excellente, surtout les officiers anglais, qui nous remercièrent de notre procédé, auquel ils parurent fort sensibles.