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Critique de clesbibliofeel


La 4ème de couverture annonce un roman choral où on va chercher le fil invisible reliant de multiples personnages. « Des forces mystérieuses tressent leurs vies pour les plonger dans la tourmente, hantées par l'ironie de l'Histoire, son cours impitoyable. » L'ambition, le mensonge, la fatalité les attendent au tournant. Il est ensuite question de ce deuxième roman, qualifié d'audacieux et addictif, confirmant le talent d'Édouard Jousselin. Avant l'envolée lyrique qui en promet trop à mon avis : « Sous sa plume se déploie une oeuvre-monde foisonnante, chronique vertigineuse de notre époque. »
A ce stade j'étais plutôt inquiet. Il faudrait éviter de lire les 4ème de couverture et celle-ci particulièrement.

Heureusement c'était le premier roman choral lu dans le cadre du Prix du livre Orange. Il y en avait plusieurs. Ce type de roman, s'il confirme le talent des auteurs pour entremêler des histoires, n'est pas le plus facile à lire, encore moins à analyser puisqu'on est très occupé à suivre les personnages. Ici on fait la connaissance avec une belle brochette d'individus originaires de France (Morvan ou bordelais), des États-Unis et du Mexique, pour qui la vie ne va pas être facile.

Casting en France : Max est hacker, il gagne de l'argent via le dark web et les sites pornographiques. Son curieux grand-père, résistant (ou se faisant passer comme tel) participe à toutes les commémorations officielles, côtoyant l'élite. Marine, la soeur de Max, est en prépa avec Stéphane (que l'on retrouvera auteur à succès sans scrupule). Clarisse, petite amie de Max au début, est une starlette de la télé-réalité prête à tout pour percer. Bruno, amant d'Isabelle, la mère de Max, fait des études de cinéma. Casting aux États-Unis : Benjamin (et ses « ambitions académiques ») devient directeur au FBI. Il est amoureux de Jessica, sa colocataire, qui partira enseigner à Paris. William, dit Bill, est le père de Steve et Tyler. Bill sera gravement handicapé suite aux attentats d'Oklaoma city en 1995. Je ne dis pas que Steve à la dérive deviendra parricide, ce serait divulgâcher... Càndido est un exilé exemplaire cherchant une intégration improbable, alors que sa femme America est restée au Mexique (notez l'ironie des prénoms...).

La première partie permet de faire connaissance avec les personnages avant que le récit ne prenne son envol. Il y a ces listes qui indiquent que les biens et la nourriture sont omniprésents pour ceux dont on raconte l'histoire, liste de marques décrivant mieux les individus que leurs traits et caractères, formant une toile de fond de l'environnement économique. Celui-ci est là, on peut le relier à l'aliénation, le vide de la plupart des personnages… La construction est complexe et ne laisse que peu de place pour creuser les caractères qui apparaissent flous.

On traverse l'histoire sur plusieurs décennies en quelques lignes lapidaires, sans nuances, sur les gilets jaunes, sur Chirac, Mitterrand, la cgt, la sncf... On s'attarde un peu plus sur les attentats d'Oklahoma et ceux du 11 septembre, mais ces éléments sont donnés comme des titres sur les chaînes d'info en continu, comme si pris dans la tourmente, plus personne ne saisit les causes et les enjeux.

Comme il le dit dans une interview, l'auteur est parti d'histoires qui l'ayant accompagné. Il s'est inspiré de son parcours, particulièrement à l'aise pour parler des grandes écoles, d'un milieu ayant accès à des positions élevées dans la société… dont la traversée de l'océan est une simple routine. Quelle place prend Édouard Jousselin dans tout ce discours ? Faut-il lire au second degré ou interpréter à notre guise alors que les biais et raccourcis cognitifs sont innombrables... Les clichés sont-ils ceux des personnages alors que certains sont indiqués en italique et d'autres pas, le lecteur ne pouvant faire la différence entre ce qui sort de la bouche des personnages et ce qui émane du narrateur, bien présent derrière tout cela.

« Par le truchement de l'acte littéraire, par le coup de plume précis et cinglant, et en prenant le prétexte d'un personnage, ce Yannick qui est mon double, j'ai désiré viser un système tout entier. J'ai voulu taper fort. »

C'est Stéphane qui dit cela interviewé par Matthieu de Bailly pour l'émission télévisée Mots du monde qui le relance ensuite :

« Et ceux qui vous regardent, mon cher Stéphane, ce sont les jurys de prix littéraires. Vous êtes de toutes les listes, et l'automne s'annonce des plus fastes. »

La construction du livre a bien des qualités mais je suis resté perplexe devant ces destins issus d'un déterminisme, d'une fatalité dont on ne pourrait pas vraiment s'extirper. J'ai souvent pensé au malaise éprouvé lorsque j'ai lu Michel Houellebecq écrivant sur des situations possibles, réelles peut-être, sans que je n'arrive à accrocher.

J'ai lu ce roman dans le cadre de ma participation au jury Orange du livre 2024. C'est un des 20 livres de la première sélection établie lors des échanges et votes du 26 mars. L'avez-vous lu ?
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