…De la polyphonie de Mozart…
Extrait 2
La rupture est la loi de cet art d'harmonie suprême. Que mani-
feste une musique si essentiellement Musique ? La lutte de
l'âme contre l'âme, de l'affect contre l'affect, la division déchi-
rante, la blessure, la déchirante unité, puis la divine unité.
L'unité ne s'obtient qu'en recouvrant la rupture incessante.
Mozart a dû faire fuir sa vie pour trouver sa vie. Sans une once
de lourdeur, avec une légèreté " diabolique ", et toute la
flamme centrale possible, il a conduit cette entreprise. Il ne
faudrait pas croire que l'idée mozartienne fût toujours celle de
catharsis, ou comme dans La Flûte Enchantée, d'ascension
vers la lumière. Non ; beaucoup plus de variété, de vérité
humaine, de désespoir, d'erreur, est enfermé dans ces champs
divins.
…
…De la polyphonie de Mozart…
Extrait 1
…De la polyphonie de Mozart, il apparaît que la subs-
tance soit en acier. Quelque chose d'extrèmement dur, et
ployant, dans une douceur parfaite. (Ainsi Don Juan, à la
fin de l'acte premier, courbe son épée devant sa poitrine,
tenant tête au chœur des lamentations, des remords et des
fureurs.) Tristes, cruelles, souriantes, ce sont les explosions
d'une matière dure ; on ne saurait trop insister sur ce point.
Dans une texture extrêmement complexe, difficile à saisir
entièrement, apparemment simple par une sorte de trompe-
l'œil parce qu'elle est toujours unifiée en une ligne de beauté
simple, des mouvements de force fulgurante se produisent —
sans cesse, en même temps que des épanchements merveil-
leux, poursuivis jusqu'au terme du possible, les séparent.
…