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Critique de Alfaric


Ce nouveau tome de la série « Ils ont fait l'histoire », collection de bandes dessinées qui prend la forme de biographies historiques présentant une dimension pédagogique car à destination du grand public, et qui espèrent vraiment que le public scolaire se prêtera au jeu, est consacré à celui qui a changé le visage de celui qui au XVIème siècle divisé à jamais la chrétienté : Martin Luther !


A bien des égards les auteurs ont réalisé les mêmes choix que ceux du tome consacré à Jaurès, puisque l'essentiel du tome est consacré au combat qui a rendu Luther célèbre (à savoir sa polémique religieuse contre la papauté). Même si la religion et la foi imprègnent tout le récit, je n'ai pas spécialement ressenti le poids du religieux : on est dans le monde de l'idéologie, avec toutes ses vicissitudes politiques, et au-delà des controverses et des affrontement verbaux qui relèvent presque du judiciaire, les thèmes abordés sont finalement assez universels avec l'individu contre le système, les réformateurs contre les conservateurs, les uns comme les autres étant débordés sur leur droite et sur leur gauche… Et finalement on rejoue beaucoup la guéguerre des guelfes et des gibelins, mais cette fois-ci non pas en Italie mais en Allemagne puisque les prélats italiens prennent de hauts les princes allemands… Dans cette lutte Luther qui est apolitique est la pièce maîtresse des princes allemands, sans la protection desquels il n'aurait jamais survécu tant aux sbires du pape Léon X qu'aux agents de l'empereur Charles Quint…
Martin Luther a été une personne sincère : étudiant surdoué, moine zélé, prédicateur enflammé, pédagogue appliqué et finalement bon père de famille après avoir épousé une nonne défroquée… On finit même par se demander si sa perception de Dieu, qui passe de la Colère à l'Amour, n'a pas été largement influencé par son histoire personnelle… Mais ce n'est pas pour autant un personnage progressiste : c'est un homme de son temps, profondément croyant qui oppose les Écritures d'essence sacrée aux décisions des hommes qui se sont succédés au fil des âges. Sa soumission absolue aux textes bibliques, donc à la vérité divine telle que des hommes l'ont établie pour des raisons que la raison ignore, parfois bassement personnelles et mercantiles, est incompatible avec les valeurs humanistes de la Renaissance qui place l'homme et non Dieu au centre de l'univers (l'homme et non Dieu devenant alors la mesure de toutes choses)… Il est d'ailleurs assez clair sur le sujet : les doutes sont pour les philosophes qui sont stupides, les certitudes sont pour les croyants qui eux sont intelligents… Sa rupture avec Erasme le prince de la Renaissance est assez violente, et il utilise des mots beaucoup plus durs contre les paysans qui en suivant son exemple réclament la liberté, l'égalité et la fraternité qu'envers les maudits papistes qu'il a voué aux gémonies…
Et au final l'Eglise catholique s'inspire beaucoup de ses méthodes pour sa Contre-réforme qui fait taire bon nombre des critiques qu'il avait émises (sur pas mal de points de circonstances si on met du côté le statut des prêtres qui lui reste toujours d'une brûlante actualité). Luther ne voulait pas être le nouveau pape, mais après consacré son énergie à combattre les erreurs de la papauté, il dépense erreurs beaucoup d'énergie à combattre la multiplication des nouveaux mouvements protestants dissidents, à commencer par ses compagnons d'armes Carlstadt et son mouvement iconoclaste et Thomas Münster et sa révolution sociale… En pensant bien faire Luther a-t-il ouvert une Boîte de Pandore ? Les mânes des dizaines de millions de morts des guerres de religion ont sans doute réponse à cette question…

Belle histoire d'Olivier Jouvray pour magnifier l'Histoire, beaux dessins réalistes de Filippo Cenni assisté aux couleurs d'Alessia Nocera (les femmes superchromates à 50% occupent de plus en plus souvent le poste de coloriste ^^), et le tout est accompagné une nouvelle fois d'appendices très intéressants ici signés par Matthieu Arnold professeur d'histoire du christianisme moderne à la Faculté de théologie protestante de l'Université de Strasbourg (1) il a le bon goût d'être impartial sur le sujet ; 2) et oui la République Française est censée être une et indivisible, mais la loi de 1905 sur la Séparation de l'Eglise et de l'Etat ne s'applique pas à l'Alsace !)
Ce que j'aime beaucoup dans cette collection, c'est que les personnages qu'elle traite restent humains avec des qualités humaines et des défauts humains bien que l'Histoire ait fait d'eux des légendes, des figures de proues, des têtes de gondoles… Ce sont d'abord et avant tout de belles aventures humaines qui nous sont contées !
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