Pour nous, il était déjà écrit qu'un certain Charles et une certaine Mary Whitcomb vivaient en Angleterre victorienne. Il était également écrit que Mary Nelson était morte avec la famille à laquelle elle avait rendu visite en 1944, et que Charles Whitcomb avait vécu célibataire pour finir par mourir en service commandé dans la patrouille. On avait pris note de cette anomalie, et comme le plus infime paradoxe constitue une faille dans la trame espace-temps, nous devions le rectifier en éliminant du cours des choses l'un ou l'autre de ces faits. Vous avez décidé de celui qu'on éliminerait.
Les quatre petits enfants s'allongèrent monstrueusement sous mes yeux, je les vis croître, grandir, grossir, devenir adultes, la barbe se mit à pousser au menton des garçons. Ainsi transformés, et à demi nus, car leurs vêtements d'enfants avaient craqué sous la pression de cette croissance fulgurante, ils furent pris de terreur. Ils ouvraient la bouche pour crier, mais de leur bouche ne sortait qu'une rumeur étrange, comme je n'en avais jamais entendu.
(La machine à arrêter le temps, Dino Buzzati).
Si le genre Science-Fiction est assez difficile à délimiter il est, du moins, des plus aisés à désigner. Il suffit de dire: « Vous savez, ces récits où l’on parle de fusées interplanétaires », pour que l’interlocuteur le moins préparé comprenne immédiatement ce dont il s’agit. Ceci n’implique pas que dans tout récit de Science-Fiction intervienne un tel appareil ; on peut le remplacer par d’autres accessoires qui joueront un rôle comparable...
Stendhal disait que le roman est un miroir promené le long d'une route. C'était fonder le réalisme, mais - à y regarder de près - un peu plus que le réalisme, un réalisme sans rivage.
C'est la route que nous contemplons en tournant les pages d'un livre, non le promeneur.
Nous y saisissons les hantises de l'homme, plutôt que l'homme lui-même.
Reste à savoir ce que l'homme cherche au terme de la route.
Je n'en veux pas douter : il cherche un Sphinx.
La bête pythienne, qui tue et mord, est vraiment nécessaire à ce perpétuel quémandeur, à ce questionneur impénitent.
La route dont parlait Stendhal, c'est le chemin pour Thèbes....
(extrait de la préface signée Hubert Juin et insérée en début du volume paru aux éditions "Marabout" en 1964)
C'est vanité que prétendre définir la Science- Fiction autrement que par la Fiction. C’est du moins, à moi qui n’en suis pas un spécialiste, mon avis. J'ai surpris cependant les opinions d’éminents critiques, qui disaient ceci :
KINGSLEY AMIS :
C'est un récit en prose traitant d’une situation qui ne pourrait se présenter dans le monde que nous connaissons, mais dont l’existence se fonde sur
l'hypothèse d’une innovation quelconque, d’origine humaine ou extra-terrestre, dans le domaine de la science ou de la technologie, disons même de la pseudo-science ou de la pseudo-technologie.
Terrae incognitae ! Choses et mots magiques! C’est Cyrano de Bergerac aux royaumes de la lune et du soleil. C’est Swift chez les Houyhnhnms et à Brobdingnag. C’est Diderot conversant d’après Bougainville. La Science-Fiction est aussi vieille que l’inconnu, donc aussi vieille que l’homme. Elle tient sa partie en politique et en morale. Ce qu’on attend de la société est dévoilé par le biais d’un voyage imaginaire. Cela reste vrai.