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Critique de colimasson


Jung a visité les Indes à une époque où traverser l’autre côté de la vallée s’envisageait encore comme le voyage d’une vie (l’ambition pouvait encore être à échelle humaine). Que Jung en ait été influencé au point d’envisager des théories sur l’esprit oriental, dans ses différences et ses complémentarités avec l’esprit occidental, ne peut donc pas légitimer les reproches qu’on pourrait lui adresser aujourd’hui, avec notre gueule à avoir tout vu et à ne plus s’étonner de rien.

Jung se fera un peu de pub bien nécessaire. Il reprend sa théorie des types psychologiques et suggère donc que l’esprit occidental (chrétien) est de type extraverti (culte de l’action - l’homme ne vaut rien, seul le macrocosme a une quelconque valeur et c’est vers la figure extérieure et comme projetée de Dieu que l’homme cherchera à croître) tandis que l’esprit oriental (hindou et bouddhiste) est de type introverti (culte de la contemplation - le monde extérieur n’a aucune valeur, c’est en son âme que chacun devra devenir Dieu et le faire ainsi naître au monde).

Ces deux attitudes critiquées pour leur unilatéralité sont toutefois rapprochées pour suggérer une vision de ce que pourrait être la totalité. Quand il vire démoniaco-paranoïde, Jung se met même à spéculer sur la signification du concept de l’Esprit-Saint et le projette sur une étape de notre développement spirituel en tant que chrétiens : « L’évolution future, menant de l’éon chrétien à celui du Saint-Esprit, a été appelée Evangelium Aeternum par Joachim de Flore […] ». Ainsi, c’est pas la peine de se foutre de la gueule du Christ sous prétexte que le baratin de la lumière et de l’amour, on en a assez bouffé - certes, le symbole est incomplet, mais il doit nous conduire vers quelque chose d’autre, de plus grand, de plus total.

C’est que Jung, on l’a beaucoup critiqué pour avoir parlé de Dieu soit comme un croyant, soit comme un gnostique, soit comme un agnostique - ce qui sont toutes choses différentes, vous l’admettrez sans peine. En vérité, Jung n’est pas un théologien. Dans sa psychologie, il utilise les concepts religieux pour désigner des processus de la vie psychique qui ne sauraient être nommés autrement parce qu’ils sont numineux -effrayants, merveilleux, indescriptibles. L’éthique se situe par-delà le bien et le mal, comme on le sait, parce que la réalisation du Soi c’est la réalisation de la totalité. L’humain ne peut évidemment pas la réaliser, mais il peut faire parfois comme s’il était autre chose qu’humain.

Entre autres trucs dont je n’aurais pas encore glosé la face ci-dessus, citons la fameuse comparaison effectuée par Jung entre les dessins de certains de ses malades psychotiques et les mandalas utilisés dans l’hindouisme. Il repère une structure de centrage et un symbolisme suggérant l’idée d’un dépassement du moi vers le Soi. Cette convergence symbolique impliquerait selon lui une dimension psychoïde de l’homme, des genres de constitutions biologiques qui engendrent une certaine forme de psychisme, engendrant des interprétations symboliques universelles et inconscientes – ce qu’on appelle parfois plus simplement l’inconscient collectif. Quoi d’autre ? Une critique bien racée de la pratique du yoga chez les gogos-occidentaux (il diffère là de l’opinion de René Guénon selon laquelle l’Occident n’aurait plus d’autre choix que de se tourner vers les traditions orientales pour espérer s’extirper de la décadence), une lecture du Bardo-Thodol suggérant le sens de ce que devrait être la pratique psychanalytique… etc. voyez par vous-même. Ce qu’il y a de bien avec Jung, c’est que vous lui donnez quelque chose et il vous surprendra toujours, que vous l’approuviez ou non.
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