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Citations sur Blanc, bleu, rouge, planète russie (30)

« Femmes, c’est vous qui tenez entre vos mains le salut du monde » écrivait Tolstoï. C’est donc par le chant des sirènes que je me laisse ici emporter. Et les sirènes russes, soyons-en certains, savent chanter. Elles sont multiples et diverses ces femmes russes. Belles souvent, courageuses, fortes, féminines pour beaucoup, d’impressionnantes carrures pour quelques unes, éduquées et savantes pour la plupart. Féminisme, place des femmes dans la société, vie de famille et femmes célèbres seront nos thématiques. [...]

Elles s’appellent Olga, Liliya, Sofia, Yulia, Lena, Sasha, Ludmila, Ana, Natalia, Marina, Tatiana. Ce sont les gardiennes de la Russie. Elles forment la colonne vertébrale de ce pays millénaire et assurent la continuation d’une culture qu’elles ne veulent pas voir disparaître. Elles élèvent les enfants « à la russe », ensemble. Elles les poussent à étudier correctement. Elle leur enseigne un savoir-vivre et un savoir-être russe. De magnifiques sourires, des cheveux au carré, longs, bouclés, colorés, des regards d’un bleu profond, d’un noir envoûtant, des yeux asiatiques ou grands ouverts, des lèvres rouges ou roses, des corps, flexibles, qui se meuvent avec vivacité, dans l’intention de séduire et de plaire...
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Les français, eux, racontent la rudesse des gens, le libertinage de cour, l’ivrognerie, l’horreur des châtiments corporels des serfs. Mais, ils dressent aussi le portrait de personnages courtois, poètes, rêveurs, penseurs, croyants ayant une incroyable capacité à se battre pour ce qu’ils croient juste sans considération des difficultés ou des risques physiques ou pécuniaires. Ils notent l’habillement à l’européenne mai aussi une tendance à porter des bijoux trop voyants et clinquants ainsi que des couleurs vives surprenantes. Ils racontent les fêtes immenses et nombreuses où nobles, bourgeois, gens du petit peuple se retrouvent endimanchés, à se promener, danser, jouer, boire dans une gaieté étonnante. On s’étonne de l’indifférence généralisée face à l’oppression, aux inégalités et injustices. Dans le même temps, on remarque la bonté et le grand cœur de ces russes décidément incompréhensibles. Décrypter ou discourir sur l’âme russe, la raison russe, les mœurs russes deviennent des exercices quotidiens pour les français expatriés. Des français, donc, qui jugent à l’aune de leur arrogance habituelle. Tendance à laquelle comme vous le constatez, je n’échappe pas. Dans son journal, Joseph De Maistre au XVIIIe siècle note que la corruption règne partout en Russie, dans l’administration, à la cour, dans les corps militaires et même dans les musées où il est possible de chaparder des œuvres d’art avec un peu d’argent. Le pays semble pour beaucoup de français indescriptible, brutal et beau à la fois, civilisé et sauvage à la fois. Je ne suis pas certain que cela est beaucoup changé. Madame de Staël écrit: « on se sent en Russie à la porte d'une autre terre, près de cet Orient lointain ». Élisabeth Vigée Le Brun dit « le peuple russe est laid en général ». De Custine écrit:

« L'homme non libre est monnayé, il vaut l'un dans l'autre dix roubles par an à son propriétaire qu'on appelle libre parce qu'il a des serfs. Il y a des contrées où chaque paysan rapporte trois et quatre fois cette somme à son seigneur. En Russie, la monnaie humaine change de valeur comme chez nous la terre, qui double de prix selon les débouchés qu'on trouve à ses produits. Je passe ici mon temps à calculer malgré moi, combien il faut de familles pour payer un chapeau, un châle; si j'entre dans une maison, un rosier, un hortensia, ne sont pas à mes yeux ce qu'ils me paraîtraient ailleurs: tout me semble teint de sang; je ne vois de la médaille que le revers. La somme des âmes condamnées à souffrir jusqu'à la mort pour compléter les aunes d'étoffe employées dans l'ameublement, dans l'ajustement d'une jolie femme de la cour, m'occupe plus que sa parure et sa beauté ».

« Dis-lui donc que ça ne sert à rien de s’abîmer les yeux et qu’à lire le profit n’est pas grand. Avec ses livres français, elle perd le sommeil; mais, moi, avec les russes, je dors profondément. » écrit de son côté avec humour l’écrivain et diplomate russe Griboïedov.

Et Alexandre III lorsqu’il apprend la défaite française face aux armées prussiennes en 1870 s’exclame « quelle effroyable nouvelle! Mac Mahon détruit! L'armée en déroute! » Une sympathie des russes envers les français qui continue encore aujourd’hui. Ici on célèbre Napoléon, on se souvient avec nostalgie du général De Gaulle, on lit Stendhal, Flaubert, Victor Hugo et Alexandre Dumas, on écoute de la variété française, on boit du champagne et du bordeaux, on roule dans des Renault dorénavant fabriquées dans les usines russes de la firme, on célèbre le 14 juillet comme si c’était notre propre révolution et de plus en plus on achète des baguettes de pain et des croissants. Il semble que les russes pardonnent tout aux français car la France est restée pour eux depuis des siècles, le pays exemple, le pays des arts, des belles lettres et des fêtes immenses, du vin et de la bonne table.

En France, Andreï Makine et Hélène Carrère d’Encausse ont succédé aux Troyat, Kessel, Druon comme membres d’origine russe de l’Académie Française. On oublie aussi souvent que les Jean Ferrât, Serge Gainsbourg, Haroun Tazieff, Michel Polnareff, Thierry Roland (eh oui, Jean Mimi, la mère de Thierry vient de Saint-Pétersbourg), Alexandre Adler ou Joe Dassin sont des fils de la Grande Russie. Profitons de cette liste pour rappeler que le Royaume de France est allé chercher en 1048 dans la Rous’ Kievienne, une épouse pour Henri Ier, roi de France et petit-fils d'Hugues Capet. Ce fut Anne, la fille de Iaroslav le Sage qui eu cet honneur. Le couple aura quatre enfants. Les rois de France à partir de cette date ont donc un peu de sang russe. Et 1892, c’est la grande alliance franco-russe et la visite ultra-médiatisée de Nicolas II à Paris. Lors de la seconde guerre mondiale, l'escadron Normandie-Niémen des Forces aériennes françaises libres se distingue sur le front de l'Est au milieu des soldats soviétiques dans un esprit de camaraderie exemplaire. Chirac, plus tard, avait impressionné Poutine par son érudition et sa connaissance du russe et de l’histoire tsariste.

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Dans un café du coin, je ne peux m’empêcher de poser des questions aux locaux. Un grand barbu me dit « moi quand, j’arrive en ville, je tombe malade, je me sens mal immédiatement. Je ne comprends pas comment les citadins font pour vivre loin de la nature, des arbres, des odeurs de pin et du son des rivières et des oiseaux ». Un vieux un peu bourru rigole et me dit « ici, on vit bien mais il faut travailler dur et aimer son pays. Les étrangers, ils n’ont jamais compris que nous, les russes, nous sommes comme l’ours de Sibérie. Si tu commences à le titiller, il lève la patte et puis te dévore ». À bon entendeur! Autour de l’immense Baïkal, qui fait 630 km de long et 80 km de large, on découvre selon les saisons et les lieux tous types de paysages. Sur certaines rives, les phoques viennent se prélasser sur les rochers ou le sable blanc. En regardant ce spectacle, on sent bien que ce lac là n’est pas tout à fait comme les autres. Il pénètre les âmes et envahit les sens. Nous sommes en Sibérie dans des contrées où le sacré, le mythique sont toujours vivant. Les lacs dans la tradition locale du tengrisme sont le reflet du ciel sur terre. Plus de 300 rivières et ruisseaux terminent leur route dans ce vide sacré. Pour les plus motivés, n’hésitez pas à venir participer au Marathon des glaces du Baïkal, généralement en février de chaque année. Une expérience inoubliable!
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Serait-il aujourd’hui appelé complotiste lui qui s’interroge sur les arcanes du pouvoir et des groupes d’influence en évoquant avec subtilité la franc-maçonnerie russe de l’époque:

« Ses frères se partageaient pour lui en quatre catégories: à la première appartenait ceux qui ne prenaient aucune part active ni aux affaires de la loge, ni aux affaires de l’humanité, exclusivement occupés à approfondir les mystères de leur ordre, à rechercher le sens de la Trinité, à étudier les trois bases générales, le soufre, le mercure et le sel, ou la signification du carré et des autres symboles du temple de Salomon. Ceux-là, Pierre les respectait, c’étaient les anciens et Bazdeiew lui-même; mais il ne comprenait pas quel intérêt ils pouvaient prendre à leurs recherches, et ne se sentait nullement porté vers le côté mystique de la franc-maçonnerie. La seconde catégorie, dans laquelle il se rangeait, se composait d’adeptes qui, vacillants comme lui, cherchaient la véritable voie, et qui, cependant, ne l’ayant pas encore découverte, ne perdaient néanmoins pas l’espoir de la trouver un jour. La troisième comprenait ceux qui, ne voyant dans cette association que les formes et et les cérémonies extérieures, s’en tenaient à la stricte observance, sans se préoccuper du sens caché. Tels étaient Villarsky et le Vénérable lui-même. La quatrième enfin était formée de gens, très nombreux à cette époque, qui, ne croyant en rien, ne désirant rien, ne tenaient à l’ordre que pour se rapprocher des riches et des puissants, et mettre à profit leurs relations avec eux ».

Tolstoï est proche du peuple. Il aime vivre à la campagne dans son domaine d’Iasnaïa Poliana, s’habiller en Moujik, parler aux paysans. Ce domaine familial qu’il avait quitté à regret enfant, il est revenu y vivre avec bonheur après en avoir hérité. Il y ouvre même une école afin d’instruire les enfants de paysans de la région. Il aide aux champs, est attentifs aux conditions de vie de ses serfs puis de ses employés puisque le servage est aboli en 1861. L’hiver, pourtant, sa femme Sonia l’entraîne à Moscou ou il réside donc partiellement de 1882 à 1901. Elle aime le grand monde, les bals et réceptions, les salons, et le fait s’habiller selon son rang. Il n’aime pas ça. Il y a un rapport entre mon opulence, mon superflu et la misère des démunis et des pauvres dit-il. Il prend pitié de sa propre famille. Il écrit:

« Ce qu’ils font, ce qu’ils pensent, c’est parce que les autres dans notre milieu font ainsi, pensent ainsi. Et c’est ça pour eux vivre? Il n’y a pas de vie. Les malheureux! »
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« Il est triste et joyeux, par une nuit d'été tranquille, au milieu d’une forêt silencieuse, d'écouter une vive chanson russe. Ici la tristesse est sans fin, sans espoir, la force est invincible, le sceau du destin est fatal, la prédestination est de fer. L'un des principes fondamentaux de notre nation, qui peut expliquer beaucoup de choses, est que la vie russe semble incompréhensible. Et que ne peut-on pas entendre dans la longue chanson de la nuit d'été et de la forêt silencieuse! » écrivait magnifiquement le comte Tolstoï.

C’est un immense auteur vraiment que ce Tolstoï. Quelle plume! Quel esprit! Quelle âme! Quel humanisme! Et en même temps quelle faiblesse de vie. Oui, quel contraste entre son statut social noble et la clarté lumineusement égalitaire et révolutionnaire de son œuvre. Quel contraste entre sa pensée, ses convictions et son existence dans laquelle il fut dominé par ses titres, sa richesse, sa famille et la perversité ou plutôt l’ambition de la femme aimée.

Il est triste et joyeux, en toute saisons, de découvrir l’art et la langue russe, cette poésie déconcertante, ces peintures réalistes aux couleurs vives et sauvages. Ici la tristesse est sans fin, sans espoir, la force est invincible, le sceau du destin est fatal, la prédestination est de fer ais-je envie de répondre au grand écrivain mort. Et c’est sans aucune prétention mais avec une certaine passion et plein de curiosité que je m’en vais vous conter l’histoire de Monsieur le Comte de Tolstoï.
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La réécriture de l’histoire par les médias à la solde de l’Otan irrite Poutine et il n’hésite plus à le faire savoir lors de ses discours et apparitions publiques. Il s’oppose aussi de plus en plus frontalement au changement de valeurs qui se déroule en Occident. Il nomme le mal: la décadence et le règne des minorités. En 2014, Poutine fait distribuer aux hauts-fonctionnaires trois livres qui sous-tendent sa vision, ses lignes directrices, sa colonne vertébrale intellectuelle. Le premier d’entre eux est « L’inégalité » de Nicolas Berdiaev. Le second, « La justification du bien » de Vladimir Soloviev et le troisième « Nos missions » d’Ivan Iline. Dans le premier livre, le franco-russe Nicolas Berdiaev, nous expose son amour de la liberté mais aussi le danger de l’égalité ou de l’égalitarisme car celui-ci aboutit inexorablement à l’affaissement du niveau de la personne humaine. La qualité est par définition inégalitaire. La victoire, le dépassement, la création, l’innovation, l’invention ne se créent que dans l'inégalité. Il faut donc chercher le meilleur de chacun grâce à la culture plutôt que de vouloir une utopique et dangereuse égalité politique ou économique. Dans le second livre, Soloviev nous interroge, la vie a t-elle un sens? Si oui, est-ce un sens moral et en quoi consiste t-il? Il nous présente une philosophie morale positiviste. Il cherche l’Unité perdue. Il veut réunir le subjectif et l’objectif, la religion, la philosophie et la science pour aboutir à la synthèse parfaite de l’esprit humain. Dans le troisième ouvrage, Iline, ce spécialiste de Hegel, monarchiste, nationaliste et anticommuniste, un homme persuadé de la spécificité du monde russe et grand influenceur de la pensée d’Alexandre Soljénitsyne qui ne tarissait jamais d’éloges sur lui, nous explique que la Russie doit se bâtir non sur une haine sociale, une lutte de classe, une lutte raciale ou de nationalité ou même un combat politique mais qu’elle doit par des valeurs morales partagées aboutir à ce que chaque homme ait pleine conscience du Droit dans son acception la plus large.
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Certains philosophes nous disent que le corps n'est que secondaire devant l'âme éternelle. Mais l'âme russe n'est pas une âme comme les autres et pour être épanouie, il lui faut le plaisir de la chair, l'emphase d'un palais réjoui. Alors, on cuisine, on mange, on déguste, on s'extasie, on se rassasie, on ripaille, on goûte et on boit pour faire passer l'ensemble. Nous, européen sommes globalement en terrain connu avec la cuisine russe et les arts de la table pratiqués par ici. Salades, soupes, marinades, plats de résistance, desserts sucrés, tartes, tourtes, viandes grillées, brochettes, saucisses, pommes de terres, choux, pot-au-feu, betteraves, pâtés, poissons de mer ou d'eau douce, cornichons, tomates, champignons, glaces, gâteaux. Voici la base.
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La France aussi est un pays émotionnel, parfois irrationnel dans lequel les sentiments du peuple existent, sont palpables même si malheureusement, ils s’étiolent depuis quelques décennies dans l’hexagone. Oui, certains en Europe dénigrent ces émotions là, les rabaissent, les nient même. Stupides nationalismes disent-il. Passions dangereuses et belliqueuses disent-ils. Barrières insoutenables au monde unique et global disent-ils. Constructions artificielles d’une géographie et d’une histoire dépassées et éculées par une nouvelle ère numérique scandent-ils. Eh bien, ils se trompent. Les russes, la résistance de beaucoup en Europe et les peuples d’Asie le prouvent. Les Nations et les Cultures sont l’avenir et le tremplin d’une paix universelle. Et elles sont là, ces Nations, elles existent, survivent, insensibles aux progressismes intellectualisés, aux cœurs froids et robotiques. Elles s’étendent là, visibles et claires, belles, complexes, contradictoires et chaleureuses. « J'ai vu dans ma vie des Français, des Italiens, des Russes; je sais même, grâce à Montesquieu, qu'on peut être Persan; mais quant à l'homme je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie; s'il existe c'est bien à mon insu » écrivait déjà Joseph de Maistre, ce Franco-Pétersbourgeois au XVIIIe siècle.

Voilà, peut-être, pourquoi j’aime tant la Russie et l’Asie d’aujourd’hui. Ils ne trichent pas. Ils ne se cachent pas, ne se renient pas, ne crachent pas sur leurs ancêtres. Car il est des esprits, car il est des sentiments, car il est des mœurs, car il est des manières et des pensées qui ne sont pas innées, qui ne sont pas personnelles, mais qui sont bien d’une tribu, d’un groupe, d’un lieu. Des idéaux, des façons qui se sont modelés au fil du temps et qui ne se retrouvent nulle part ailleurs semblables. Alors, il faut les aimer ces particularités. Alors il faut les chérir, je le crois, je le sens, j’en suis convaincu. Surtout quand elles sont belles et millénaires. Surtout lorsqu’elles ont été portées par de grands hommes, par des aïeux qui ont combattus de toutes leurs âmes, de toutes leurs forces pour les conserver et les passer à la génération suivante. Voici des peuples, voici des nations, conscients d’eux-mêmes, conscients d’une unité nécessaire, conscient des échelles graduelles que sont le clan, la famille, la région, la Nation, la civilisation, le monde. Ils ne se sont pas reniés. Sans conservatisme, sans stupides vieilleries mais avec raison, il chérissent ce qu’on leur a transmis. Les russes se souviennent de quelque chose que la vieille Europe semble avoir oubliée, ou en tous les cas que ses élites actuelles veulent faire oublier.
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L'économie, c'est avant tout l'humain

Avant de nous lancer dans des analyses macroéconomiques, industrielles ou sectorielles, découvrons ensemble quelques portraits rapides de ceux qui font l’économie russe.

Ludmila, 40 ans, région de Moscou. Elle est responsable marketing dans une chaîne de restauration rapide spécialisée dans les pizzas. Après des études d’économie à la fin des années 90 et plusieurs emplois dans le tourisme puis dans un centre des impôts, elle a fait une formation complémentaire de marketing en 2009. Elle gagne aujourd’hui environ 70 000 roubles par mois avec un 13ème mois. Son mari est chef de chantier dans la construction. Ils louent un petit appartement ou elle vit avec son fils. Elle ne se plaint pas trop mais souhaiterait pouvoir gagner plus. Ils ont acheté une petite datcha à 80 km de Moscou, ils y passent tous leurs week-ends, jardinent, font des barbecues, des marches et du vélo.

Dmitry, 35 ans, Moscou. Il travaille dans une grande entreprise étrangère. Il gagne 500 000 roubles par mois, soit environ 5500 euros. Il aime l’argent. Il ne travaille que pour cela. Spécialiste du droit de l’environnement, il a travaillé dans plusieurs grandes entreprises et a participé à de nombreux groupes de travail au sein des ministères pour établir de nouvelles législations. Il connaît les procédures, les montages de dossiers, les règles. C’est cette expertise qu’il vent et qui justifie son salaire élevé. Il faut dire que la législation environnementale russe est plutôt drastique et souvent mieux disante que celle de pays développés occidentaux.

Ivana, Moscou. Après des études d’économétrie, elle a travaillé une dizaine d’année à Londres dans le domaine de la finance. Elle en a profité pour acquérir un bel appartement londonien qu’elle loue aujourd’hui. De retour en Russie et alors que le loyer qu’elle reçoit depuis Londres lui suffit amplement pour vivre à Moscou, elle a lancée une petite entreprise dans le domaine du vin. Elle organise des dégustations avec des œnologues étrangers ou russes et en profite pour commercialiser le vin de vignobles partenaires français, italiens, russes et hongrois. Avec ses 5000 euros de revenus mensuels loyer londonien compris, elle fait partie de la classe aisée, un peu bobo. Il ne lui manque qu’un homme qu’elle continue activement à chercher.

Vladimir, 24 ans, Saint-Pétersbourg. Il est développeur informatique, spécialisé en langage Ruby. Il travaille en tant que free-lance pour des projets internationaux. Payé en dollar ou en euros, il s’extasie depuis quelques temps de la baisse du rouble. Son salaire augmente régulièrement sans même qu’il augmente ses tarifs. Il travaille dans un bel espace de bureaux partagés qui accueille une centaine de jeunes informaticiens qui ont le même profil que lui. Il gagne entre 1000 à 3500 euros par mois.

Sergueï, 43 ans, Ijvesk/Moscou. Il est originaire de la ville d’Ijevsk, en Oudmourtie, une région industrielle en déclin. Il travaille dans les services d’entretien et de maintenance de la ville de Moscou. Il travaille en back-to-back et fait les 1200 kilomètres régulièrement. Il passe 3 mois à Moscou, puis reste 1 mois chez lui avec sa famille. Il gagne 650 euros par mois ce qui est un salaire impossible à obtenir pour lui dans sa région. Il a été dans le passé d’engins de nettoyage et de chasse-neiges, de véhicules d’entretien et aussi ouvrier dans la construction mais il n’a jamais dépassé les 350 euros mensuels. Il double donc. Son frère fait les mêmes trajets mais travaille dans le domaine de la construction.

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- Nous étions heureux à l’époque. Tout allait bien. C’était une période fraternelle. La vie était bien plus simple que maintenant, dit la grand-mère.

- Nie pravda [ce n’est pas vrai], s’exclame son petit-fils, un sourire malin sur le visage.

Elle sourit elle aussi et ne répond pas, haussant juste les épaules d’une manière qui semble signifier « tu ne peux pas comprendre, tu n’y étais pas, tu n’as pas connu l’Union Soviétique ».

La scène se passe en 2021 dans une famille de la classe moyenne. C’est le Nouvel An russe, celui du 14 janvier que l’on célèbre avec faste et bonheur en famille. Les grands-parents habitent Orenbourg, une ville industrielle d’un demi million d’habitants qui baigne les rives du fleuve Oural. La ville fut brièvement la capitale du Kazakhstan voisin de 1920 à 1925. Les steppes immenses de l’Asie centrale sont toutes proches. L’appartement fait environ 60 mètres carrés et se trouve au 8ème étage d’un immeuble de type soviétique qui en compte 11. Il est bien agencé et bien décoré. Tout le confort moderne est présent, lave-vaisselle, frigidaire, télévisions, lave-linge, fours et plaques de cuisson. L’immeuble est cependant assez horrible en terme esthétique. Pour un occidental, il est d’ailleurs difficile de comprendre comment et pourquoi un pays de la taille de la Russie continue à construire en hauteur des tours indigestes alors qu’il possède la plus faible densité démographique au monde. Il s’agit d’un paradoxe et nous le verrons ensemble, la Russie est sur de nombreux sujets un pays paradoxal. Si l’on en revient sur le sujet immobilier, les russes si soigneux dans leurs intérieurs se sont habitués aux visions apocalyptiques et grisâtres, aux barres de bétons et aux ascenseurs rouillés en guise de parties communes. Il y a des raisons historiques à cela. Le passé soviétique et ses plans quinquennaux ont entraîné une standardisation idiote de bâtiments peu chers et mal construits dans toute la Russie. Aujourd’hui, la spéculation immobilière et la voracité des actionnaires et oligarques du bâtiment entraîne la continuation du déploiement de bâtiments verticaux, revendus par appartements avec des profits gigantesques. Afin de nuancer le constat quelque peu négatif, il faut avouer que le confort de vie dans ces bâtiments est plutôt bon. Il y a souvent dans leurs alentours des commerces ouverts 24/7, des terrains des sports, des écoles, des parcs. Et surtout, il n’y a pas d’insécurité, de petits trafics ou larcins comme on peut le connaître dans les banlieues européennes ou américaines. Pas de trafic de drogue visible, pas de bandes de jeunes sauvageons s’attaquant aux filles ou aux passants, pas d’agression des anciens, pas d’insultes pour les mini-jupes ou autres apparences, pas de vols de téléphone portable et pas de voitures brûlées. Mais revenons à notre famille modèle. Le grand-père Vladimir et la grand-mère Lena ont un peu plus de 70 ans. Ils ont un fils et deux filles. Le fils, Pietr vit et travaille en Sibérie orientale sur un site d’exploitation gazier. Il y gagne bien sa vie même si le travail est physiquement difficile. Sa femme, d’origine tatare d’un côté et arménienne de l’autre, est assistante commerciale dans une société d’imprimerie. L’aînée des filles s’est installée après son mariage à Moscou avec son époux, un entraîneur de foot dans un club privé pour des jeunes de 6 à 14 ans. Ils ont deux enfants, louent un appartement dans la banlieue moscovite et sont sur le point d’acquérir une jolie datcha à 50 kilomètres de chez eux avec la ferme intention d’y passer la plus grande partie de leurs week-ends. La cadette des filles, Elena, divorcée, vit à Saint-Pétersbourg et travaille en tant que comptable dans une société informatique. C’est son fils, Ilya, qui a répondu Nie Pravda à sa grand-mère. Il a 14 ans. Né en 2007, que peut-il savoir de ce qu’était la vie derrière le rideau de fer communiste et dans un environnement économique et social totalement différent? Comment pourrait-il comprendre les sentiments passionnés soviétiques et cette croyance que l’on a participé à la construction d’un monde meilleur, plus beau, plus pacifique, égalitaire et solidaire? Que peut-il comprendre de cette époque alors que l’enseignement a tant changé, alors que le capitalisme et l’argent sont aujourd’hui centraux dans son monde? Comment peut-il même envisager le stalinisme, la perestroïka et la glasnost de Gorbatchev, lui qui pianote sur Wikipédia, VK et Instagram et joue à World of Warcraft ou League of Legends sur son laptop et son smartphone? Comment peut-il comprendre dans sa chair et dans son esprit la mémoire heureuse et simple exprimée par sa grand-mère alors qu’il a vu dans les livres d’histoire et dans de vieux films des produkti, ses petits commerces de quartiers, aux rayons vides?

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