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Critique de batlamb


Ce recueil rassemble la quasi-totalité des nouvelles publiées du vivant de leur auteur, à l'exception notable de la Métamorphose. On y retrouve le style kafkaïen si particulier, un onirisme souvent inquiétant, parfois tragicomique.

La première partie est plutôt enjouée : les mini, voire micro-nouvelles de « Considération » affichent la volonté de s'évader dans les grands espaces. C'est le cas avec « L'excursion en montagne », ou « Désir de devenir un indien », qui fait écho aux jeux juvéniles décrits dans « Des enfants sur la route ». Mais la nostalgie de ce jeune âge (moins lourd en responsabilités) prend un tour sombre dans « Malheur », où un adulte et le spectre de son enfance s'observent l'un l'autre et discutent sans pouvoir communiquer pour autant.

Les échanges de paroles et de regards sont source d'anxiété. En particulier dans le rapport au père. « le verdict » est ainsi la nouvelle où l'auteur se montre le plus explicite sur sa relation angoissée avec son géniteur. Face à son père grabataire, le héros, Georg, se retrouve inexplicablement dépassé, à la fois en stature physique et en compréhension des évènements, comme dans un cauchemar où l'on assiste impuissant à son propre cheminement dans une voie mortifère.

Pince sans rire, Kafka caricature la façon dont le jugement d'autrui peut s'inscrire dans la chair et faire mourir à petit feu. L'horreur de l'exécution promue par l'officier de la « Colonie pénitentiaire » se mêle aux pantomimes incongrues du condamné et du soldat qui l'accompagne (un duo évoquant les aides du Château). Tout se renverse dans cette histoire : les corps suppliciés, les rôles de victime et de bourreau, et les symboles chrétiens (crucifixion, résurrection), détournés de façon grotesque.

La figure du « voyageur », détachée des autres personnages, mais non dépourvue d'empathie, semble appeler à prendre de la hauteur, à relativiser.

Est-ce pour cette raison que le point de vue de Kafka se fait de plus en plus paternel dans la partie finale, "Un médecin de campagne" ? On y trouve en effet à plusieurs reprises le personnage du « père de famille », qui porte un regard critique sur sa progéniture (reflet de ses propres défauts), et s'inquiète du destin incertain des jouets de son enfance. En parallèle, le ton demeure très grinçant. Les ultimes histoires mettent l'accent sur la peur de la mort, plus spécifiquement de la maladie et du déclin physique. Acquis grâce à un pacte avec un diable lubrique, l'attelage du médecin éponyme nous entraîne toujours plus loin dans les strates du cauchemar. On y croise des fragments du Procès : la parabole « Devant la Loi » et « Un rêve », où Joseph K. déambule dans un cimetière, prêt à se laisser mourir sans rien dire, sans rien oser, comme le héros de la parabole.

Cet effacement de soi se retrouve dans l'ultime nouvelle, « Un compte-rendu pour une académie » où Kafka donne la parole à un singe civilisé, acceptant de « donner le change » à l'humanité pour survivre parmi elle, quitte à nier sa nature. Une satire de la socialisation et des compromis qu'elle impose, voire des compromissions qu'elle entraîne chez ceux dont la nature s'y prête le moins.
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