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Critique de CorinneCo


Adolescent projeté dans un monde en perpétuel mouvement, par la volonté de ses parents, Karl Rossmann, immigré non consentent, doit désormais prendre les habits de l'homme adulte pour survivre dans son exil new-yorkais. Inexpérimenté, candide, pétri de bonne éducation et épris de justice, il se heurte à l'âpreté de sa condition. Rempli de bonne volonté et d'une ambition certaine, mais d'une naïveté confondante, dans une ville qu'il ne connaît pas, dans une langue qu'il maîtrise à peine, Karl Rossmann tente de déjouer tous les pièges que la misère, la faim, les mauvaises rencontres peuvent lui tendre. Il est persuadé que sa droiture et son abnégation seront récompensées. Il n'en est pas moins ballotté de situation en situation désastreuses et il faut au jeune Karl, une vigoureuse volonté de corps et d'esprit pour se hisser au-dessus d'un quotidien marqué par la fatalité, l'arbitraire et la malchance. Après avoir réussi à échapper à trois personnages magnifiquement répugnants : Brunelda, ancienne cantatrice qui ressemble à un gros insecte dans sa chambre-capharnaüm, et Robinson et Delamarche, deux voyous, sangsues sans conscience, nous le quittons à bord d'un train, en route pour son nouveau travail, dans une atmosphère à l'angoisse diffuse, après un recrutement surréaliste et drolatique. Que devient-il ? Franz Kafka suspend le destin de son héros..
En dehors de Karl Rossmann, il y a les autres.
C'est avec une force minutieuse que Kafka décrit les migrants s'entassant dans les arrière-cours et les quartiers populaires de New-York. Les pages sont d'un réalisme, et d'un lyrisme froid. Un réservoir de nationalités venues chercher des jours meilleurs, un espoir de futur où se mêlent les réussites et les échecs, les désillusions et les joies, le malheur et la chance. Tout se côtoie sur cette terre d'asile, pour le meilleur et pour le pire.
Et puis il y a le monde du travail, surtout le travail des « sans-grade ». Un univers à la fois grotesque, brutal, empreint d'une certaine solennité et grandeur. L'individu y subit un sort qu'il ne comprend pas ou si peu. D'ailleurs Karl Rossmann employé comme groom dans un hôtel frôle le burlesque ; c'est une marionnette exploitée, soumise à une hiérarchie sans fin, implacable et ridicule ; jamais à l'abri d'une « faute » qu'il pourrait commettre et que ses supérieurs attendent de lui comme un fait inéluctable.
Ce premier roman de Franz Kafka a déjà cette sous-jacente « persécution » nimbant la plupart de ses écrits. Les thèmes de l'aliénation et de la fatalité sont aussi présents comme un puits sans fond où l'humain ne peut sortir vainqueur.
C'est un beau livre "clinique" ; Kafka y déploie ses obsessions, ses peurs, ses angoisses mais aussi ses rêves et une forme d'empathie désespérée et sombre pour le genre humain.

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