Quoi, un manga historique sur les guerres puniques ? Mais quelle bonne idée, surtout pour moi qui adore les mangas et les peplum, mais aussi pour tout le monde vu que l’establishment culturel français semble avoir décidé, après avoir guillotiné la culture grecque, d’euthanasier la culture romaine au nom d’un égalitarisme à la George Orwell (vous savez, celui où certains sont plus égaux que d’autres…)
Michi Kagano veut nous raconter la Deuxième Guerre Punique (218 à 201 avant Jésus Christ) à travers les parcours croisés du légendaire général carthaginois Hannibal Barca et du célèbre général romain Publius Cornelius Scipio, qui obtiendra le nom de Scipion l’Africain en mettant fin au conflit. Le titre du manga annonce que le récit sera plutôt centré sur la vision romaine du conflit (sources historiques obligent), et c’est sans doute pour cela qu’on insiste autant au début sur la dénonciation de l’impérialisme romain, pour bien montrer qu’il n’y aura pas de traitement de faveur ou de parti pris en faveur de l’un ou l’autre camp… On alterne les POV’s des deux stratèges, mais on n’oublie pas pour autant les méandres de la politique romaine et l’opposition entre patriciens et plébéiens (qui rappelleront de bons souvenirs aux latinistes), où les difficiles relations entre Hannibal, son Etat-major, sa mère patrie et ses alliés espagnols, gaulois ou italiens…
Le duel des deux stratèges, l’un déjà arrivé au sommet alors que l’autre doit encore monter tous les échelons en faisant ses preuves, fait sans surprise la part belle à la chose militaire… Mais il peut faire écho au duel psychologique plein de « je sais que tu sais que je sais que tu sais… » entre Light Yagami et L dans le manga culte "Death Note", sauf qu’ici les deux adolescent surdoués mais égotique sont remplacés par deux individus qui se battent avec toute leur sincérité pour l’avenir de leur peuple.
Mais les autres personnages ne sont pas en reste : ils sont nombreux, diversifiés et bien caractérisés… Notons parmi eux la présence du plébéien Fabius au look de furyo, qui est à la fois le porteur de la plupart des scènes légères du manga, mais aussi d’un message sur l’éternelle lutte des classes avant que le personnage ne bascule dans le tome 6.
Les dessins sont soignés, visiblement bien documenté, et gagnent en qualité de tome en tome, notamment dans de l’action et de la violence, en dépit de la malédiction clonesque propre aux mangas : pas toujours faciles de distinguer les carthaginois, les Romains ou les Gaulois les uns des autres… Franchement un dramatis personnae illustré en début de tome n’aurait vraiment pas été de refus !
Ce tome 3 est consacré à la politique de la terre brûlée développée par Fabius, qui ambitionne de priver Hannibal de renforts et de réapprovisionnement comme il en avait privé son père Hamilcar durant la Première Guerre Punique. Une politique qui met la Péninsule Italienne à feu et à sang pour plus que 15 ans et qui va la ruiner pour plus d'un siècle... (Je renvoie les amateurs aux travaux de P. A. Brunt qui est arrivée à la conclusion que le bilan humain du conflit est du même ordre que celui de la Première Guerre Mondiale : on est donc bien dans la guerre totale !)
Devant les ravages de la guerre et l'inaction du dictateur Fabius, la mutinerie grandie dans les rangs et le maître de cavalerie Marcus Minucius Rufus n'hésite plus à critiquer ouvertement son commandant... Le plan était d'attirer Hannibal et son armée en Campanie, terre consacrée à la viticulture qui ne pouvait nourrir tous ses soldats, de l'y enfermer et de laisser la nature faire son œuvre... Sauf que par un stratagème digne de la mythologie grecque, le stratège carthaginois s'échappe de la nasse campanienne.
L'épisode 19 lui nous replonge dans les méandres de la politique romaine avec un Fabius qui doit s'expliquer de l'échec de sa politique devant le Sénat tandis que Minucius remporte un succès contre les troupes de Giscon. C'est l'euphorie dans le camp romain et Minucius le valeureux remplace Fabius le temporisateur au poste de dictateur tandis que s'avivent une fois de plus les tensions entre patriciens et plébéiens...
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