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Critique de Presence


Ce tome contient les 4 premiers épisodes de cette débutée en 2011, et indépendante de toute autre continuité.

Dès que j'ai vu la couverture, j'ai su que je ne pourrais pas résister : une pole-stripper, les masques de la comédie, un rail gigantesque, un verre de bourbon avec un flingue qui trempe dedans de manière suggestive. Mauvais goût, titillation et provocation : tiercé gagnant. Roy Devine junior est un détective privé jeune, boutonneux, gras, ado attardé, qui joue à la Wii en attendant le client. Une femme belle et élancée franchit la porte de son bureau, l'insulte franchement et lui en retourne une qui le fait choir de son fauteuil ; elle s'appelle Rachel Maddox. Bruce Maddox (son mari) réalise des films dans lesquels il joue, et financés par Vadim Petrovitch Razov, un criminel intouchable, mais bien identifié par les services de police pour ses activités allant de la prostitution au trafic de drogues, en passant par la vente illégale d'armes, et bien d'autres. Razov travaille avec Don Luciano qui a lui-même des connections avec la Maffia. le père de Roy Devine travaille pour la police de Los Angeles et essaye depuis des années de faire tomber Don Luciano. Il ne faut pas oublier le garde du corps de Bruce Maddox, et l'ami attentionné de Rachel, Billy le frère de Rachel qui fait des affaires avec Tony Luciano, le fils du Don, et la copine de Billy (celle qui est sur la couverture).

C'est compliqué ? Oui, assez, comme de savoir qui a fait quoi parmi les auteurs. L'histoire a été écrite par Viktor Kalvachev et Kosta Yanev, les dialogues sont d'Andrew Osborne. Les illustrations sont réalisées, en fonction des pages, par Viktor Kalvachev, Toby Cypress, Nathan Fox, Robert Valley et Paul Maybury. Viktor Kalvachev assure la mise en couleurs de l'intégralité des épisodes, ainsi que la réalisation des couvertures.

C'est addictif ? Oui, et dès la première dose. L'histoire repose sur un fond de roman bien noir où la vie ne vaut pas cher, où les individus présentent des désordres mentaux plus ou moins visibles et plus ou moins marqués, où il ne semble pas y avoir d'issue heureuse possible pour qui ce soit. Kavalchev et Yanev introduisent des personnages qui sont tous liés entre eux, qui souhaitent chacun tirer leur épingle du jeu en blousant les autres, avec des joueurs très dangereux qui éliminent la concurrence et les traîtres d'une balle entre les 2 yeux (après les avoir torturés pour apprendre ce qu'ils savent). Mais ils n'écrivent pas un roman noir à l'ancienne, ils introduisent un second degré sous la forme de clins d'oeil à différents éléments culturels, ou au retournement habile de clichés narratifs propre à ce genre. le détective privé n'a rien d'un dur à cuire, ou d'une grosse brute. Roy Devine Jr. ressemble plutôt à un bon à rien qui a arrêté de poursuivre ses études et qui abuse des jeux vidéos. Les caïds qui ordonnent un meurtre comme il écluse un whisky vivent avec la parano chevillée au corps pour pouvoir anticiper chaque coup fourré, chaque coup de couteau dans le dos, chaque retournement de veste. Les flics respectent les lois, sans être dupes du résultat, tout en cherchant comment coincer les criminels qui ne se salissent pas les mains. Les vrais tueurs à gage n'annoncent pas leurs intentions, pas plus qu'ils ne passent 2 pages à expliquer le pourquoi du comment, ils sont mortels tout de suite. Mais Kavalchev et Yanev savent exagérer le détail qui fera plus macho que macho, plus viril que viril (il faut voir le roi de la jungle se poudrer le nez, ou chanter "le lion est mort ce soir"), et ce sans désamorcer la tension narrative.

Le partage des illustrations entre 5 dessinateurs n'introduit pas de hiatus esthétique d'une page à l'autre. Là aussi, ils ont opté pour un style mariant la brutalité premier degré des stéréotypes, avec un second degré ironique délicieux. Dans la scène d'ouverture, les dessins montrent à la fois l'aspect réaliste de Roy Devine avec les poignets tordus dans une posture typique de la Wii. le lecteur capte toute de suite ce registre réaliste qui emprunte des éléments à sa réalité quotidienne. En même temps, l'expression du visage du personnage est marquée d'un zeste d'exagération qui traduit son sentiment de culpabilité à être surpris par la belle liane qu'est Rachel Maddox. Chaque dessinateur trouve l'équilibre parfait entre les détails réalistes, les codes du polar noir entre malfrat plus ou moins intelligent (il faut contempler Tony Luciano déchaîné en animal de la jungle, magnifique) et un léger décalage qui indique au lecteur que les illustrateurs ont conscience de surjouer juste ce qu'il faut pour être à la frontière de la parodie, sans se moquer du récit au premier degré.

Généralement, 4 épisodes, c'est trop court pour que les auteurs installent les personnages, donnent le ton de la série et rentrent dans l'intrigue de manière significative. Ici, ces 4 épisodes atteignent chacun de ces objectifs, avec une ironie maîtrisée. Formidable.
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