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Critique de Zebra


« Voyage à Trulala » est le second livre de Wladimir Kaminer, écrivain d'origine russe, né à Moscou en 1967 et installé depuis 1990 avec sa femme Olga Gura ainsi que ses deux enfants à Berlin, dans le district du Prenzlauer Berg. Acheté d'occasion et sur un coup de tête, probablement à cause de sa couverture et de son titre assez drôle (lequel m'a fait penser à l'expression « troulala itou », signe indubitable mais naïf d'un bonheur inespéré et sans faille), le livre s'avère un peu décevant.

L'histoire ? A la chute du mur, dans les années 1990, deux jeunes Russes (en fait Wladimir et sa femme) entreprennent de sortir de l'ancienne URSS et de voyager en Europe. A une époque où l'envie de voyager dans le monde occidental reste grande, s'agissant d'un plaisir qui n'est plus interdit mais seulement contrôlé par l'administration, ils partent pour l'ancienne RDA, puis pour le Danemark et la France. le livre raconte leur périple, leurs rencontres, leurs surprises et leurs désenchantements.

Les raisons de ma déception ?

D'abord, si nos deux jeunes Russes rencontrent une multitude de gens, il faut se rendre à l'évidence : ce sont autant de personnages falots, sans intérêt réel, qui défilent devant les yeux du lecteur sans retenir son attention. Il y a Oleg, directeur d'un komsomol, Andreï, doué pour la musique et qui se fait prendre en stop par un homosexuel (page 111), Siméon qui fait une tentative de suicide en se jetant du 9ème étage, qui en ressort indemne et qui part s'installer en Australie, Boris, ancien pilote de chasse en Mandchourie qui gagne un voyage à Paris, rêve de prendre une cuite sur la Tour Eiffel (page 19) et qui part s'installer au Kazakhstan, Korshagin et sa copine Masha qui tentent (page 32) de surprendre les français assis à la terrasse d'un café près du jardin du Luxembourg en leur chantant du « folklore Russe endiablé » (en fait, en leur chantant des comptines pour enfants de 3 ans) et qui se font pincer par la police (page 37) en tentant de ramasser les pièces de monnaie jetées dans la fontaine du jardin, Alex, réfugié politique, peintre et fondateur du courant réalisme antisocialiste, qui épousera Anna et ira avec elle s'installer à Montmartre (page 51) avant de repartir pour Moscou, Boris (non, c'en est un autre), patron du groupe Aquarium (page 55) qui chante comme un Dieu mais qui porte des « chaussettes puantes », John et Lisa, américains moscovites un tantinet espions (page 75), Limettov, écrivain très populaire, national extrémiste, très lié avec Bikov (le patron du combinat sibérien de l'aluminium), Martin et Anke, quelques hippies en grève de la faim à Copenhague (page 121) et puis un ex-député du Bundestag qui veut aller en vélo de Berlin jusqu'en Sibérie, qui « sera partout reçu comme un Roi » (page 139) et qui décidera (ouf, vous êtes rendus à la fin du livre) de parcourir le Tadjikistan en vélo.

Ensuite, parce que l'auteur nous assène quelques banalités ou, c'est selon, quelques contre-vérités affligeantes : le Russe vide généralement une bouteille de vodka après l'autre sans que son visage change de couleur (page 27) ; le Yougoslave est généralement un coquin qui n'hésite pas à vendre (page 29) des boîtes de conserve contenant soi-disant de l'air de Paris ; en Amérique (page 77) ne vous avisez pas de draguer une femme au bar ; le monde occidental (page 144) est un monde dépravé où le bonheur facile ne fait que rendre les hommes blasés et les engraisser ; l'amabilité des Russes (page 145) s'explique par leur consommation d'alcool ; le livre (page 146) est la vodka intellectuelle de la femme Russe ; la télévision (page 147) joue un rôle important dans l'autodétermination du peuple dans la mesure où on raconte constamment combien les êtres humains sont malheureux hors de la Russie, etc.

Déçu du socialisme à la Russe, Wladimir Kaminer nous présente et nous commente, entre deux verres de vodka, son album de photos personnelles. L'écriture du livre est simple, sans recherche, à la 3ème personne du singulier : l'auteur nous montre (ou dénonce ?) une réalité largement mêlée de fiction. Il n'y a pas de suspense et l'humour est rare. Il vous faudra bien chercher pour dégoter quelques rares traits cocasses : une sortie du territoire Russe qui nécessite l'approbation du Comité pour l'Amitié Internationale, approbation qui n'est envisageable qu'à la condition que les résultats des analyses de sang et d'urine du Russe soient satisfaisants (page 8) ; des soldats soviétiques dans la force de l'âge et transformés malgré eux en saucisses maigres (page 44) ; deux Russes qui se font pincer au jardin du Luxembourg par la brigade antiterroriste, laquelle croyait avoir affaire à des intégristes musulmans (page 37). Bon, nous sommes loin du caractère désopilant offert par le livre « Les douze chaises » d'Ilf et Petrov. Trulala (page 101) est situé à proximité de l'endroit ou l'avion de Beuys s'est écrasé mais le terme « Trulala » désigne localement un lieu plutôt intime, et - à la date de parution du livre - Trulala vit de trafic de reliques et d'escroqueries en tous genres comme mode de survie (page 103). Pour Wladimir Kaminer, la vie s'apparente certainement à une recherche de cet endroit où « l'herbe est toujours plus verte qu'ailleurs ». Or cet endroit rêvé n'existe pas. Il faudra au final revenir au pays et poser ses valises. C'est ce qu'a fait Wladimir Kaminer.
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