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Critique de enjie77


« Quand la guerre s'est achevée, j'ai appris que ni les gouvernements, ni les leaders, ni les savants, ni les écrivains n'avaient su ce qu'il était arrivé aux Juifs. Ils étaient surpris. le meurtre de six millions d'êtres innocents était un secret. « Un terrifiant secret » comme l'a appelé Laqueur. Ce jour là, je suis devenu juif. Comme la famille de ma femme, présente ici dans cette salle ….Je suis devenu un juif chrétien. Un catholique pratiquant. Et bien que je ne sois pas un hérétique, je professe que l'humanité a commis un second péché originel : sur ordre ou par négligence, par ignorance auto-imposée ou par insensibilité, par égoïsme ou par hypocrisie ou encore par froid calcul.
Ce péché hantera l'humanité jusqu'à la fin du monde. Ce péché me hante. Et je veux qu'il en soit ainsi. »

Propos tenus par Jan Karski invité à la Conférence internationale des libérateurs des camps de concentration organisée par Elie Wiesel et le Conseil américain du Mémorial de l'Holocauste.

Jan Karski, de son vrai nom Jan Kozelewski, né le 24 juin 1914 à Lodz et décédé le 13 juillet 2000 à Washington, a rempli les fonctions de messager au sein de l'Armia Krajowa, c'est-à-dire l'armée intérieure. Il a été un émissaire de la Résistance polonaise auprès du gouvernement polonais en exil d'abord à Angers, puis à Londres, de 1940 à septembre 1943. A ce titre, ses missions l'ont amené à vivre et à voyager dans la clandestinité et la lectrice ou le lecteur avec lui. Très isolé par mesure de sécurité, vivant sous différents pseudonymes, il a été une source précise de l'information auprès du réseau et du gouvernement polonais en exil. Torturé par la Gestapo dont il en a gardé les stigmates, sauvé par la Résistance, il est ainsi resté sept mois « au vert » avant de reprendre la guerre de l'ombre.

Ce témoignage m'a passionnée tant ce livre est prenant. le rythme du livre m'a captivée. Je ne sais qui a été la plume de Jan Karski, mais je lui reconnais un immense talent d'autant que je ne suis pas une initiée à ce sujet.

L'histoire de la Résistance polonaise est peu connue et peu évoquée. Ce pays qui a été à démembré entre l'Allemagne et l'Union soviétique, a toujours dû lutter contre les envahisseurs et le dépeçage qui s'en suivait voire sa disparition. Ce qui a donné, à ce peuple, un attachement profond à son identité au prix de son sacrifice. C'est ce que révèle cette période : la Pologne n'a pas eu de « quisling » « traduction : collabo ». le peuple n'a fait qu'UN derrière la Résistance dont les mécanismes m'ont stupéfiée tant l'organisation était remarquable comme ce gouvernement clandestin siégeant à Varsovie mais restant fidèle au gouvernement exilé d'abord en France puis en Angleterre. Les réseaux possédaient des ramifications étendues. Ce fut une lutte à mort pour la survie de ce peuple affamé par l'occupant. le principe de la responsabilité collective fut appliqué dès le début, c'est-à-dire, la vente ou achat de pain blanc ou la vente ou achat de viande au marché noir était passible de la peine de mort, sans parler de l'aide éventuelle aux juifs. Hans Franck aurait peut-être eu l'intention d'exterminer aussi le peuple polonais.

Ce qui m'a le plus impressionnée, c'est le chapitre consacré aux femmes agents de liaison. Elles étaient très exposées, constamment en danger, constamment surveillées par la résistance au cas où si elles étaient arrêtées par la Gestapo, deux ou trois heures après tous ceux qui étaient en contact avec elle, avaient déjà changé de nom et d'adresse. La vie moyenne d'une femme agent de liaison ne dépassait pas quelques mois et elles en étaient conscientes.

Jan Karski, pseudo « Witold » rédigeait des rapports sur l'état de la Pologne, sur la population, destinés à parvenir au gouvernement en exil sous forme de microfilms.

C'est ainsi que Jan Karski a eu la possibilité, aidé par deux juifs polonais, un bundiste et un sioniste, de pénétrer dans le ghetto de Varsovie. le récit qu'il en fait est très éprouvant, voire insoutenable, comme son infiltration dans un camp de concentration identifié comme celui de Izbica Lubelska par l'historien Joseph Marszalek. Cet homme n'était pas préparé à découvrir ces atrocités et c'est au péril de sa vie et de sa santé mentale qu'il s'est risqué à découvrir l'histoire sordide du XXème siècle. Il voulait témoigner, alerter, afin que l'humanité intervienne pour arrêter l'extermination d'enfants, de femmes et d'hommes innocents dans des conditions qui nous dépassent tous et qu'il nous est impossible de qualifier tant les mots nous font défaut et pourtant, ils ont été nombreux à prêter main forte aux nazis.

Lorsqu'il a présenté ces rapports à Roosevelt et à Eden comme à des personnalités juives en exil ou américaines, il n'y a eu qu'incrédulité et déni. Il en est de même du rapport de Witold Pilecki, chef de la Résistance polonaise, enfermé dans le camp de concentration d'Auschwitz pendant deux ans et demi, d'où il s'échappera en 1943. Ces deux témoignages recevront le même accueil en 1942 et 1943 pourquoi ?

Je voulais juste faire une petite digression. J'ai été surprise de découvrir que Raphaël Lemkin, inventeur du terme « génocide », très profondément marqué, dans les années vingt, par l'assassinat du peuple arménien, et Jan Karski avaient été dans la même université de droit à Lviv comme Hersch Lauterpacht, inventeur des termes « crime contre l'humanité ». Cette Université doit recéler d'excellents professeurs. (Voir le livre Retour à Lemberg de Philippe Sands).

Jan Karski a reçu le titre de « Juste parmi les Nations » et plusieurs statues lui ont été érigées à Lodz, Tel Aviv, New York….

Ce livre est particulièrement intéressant pour celles et ceux qui s'intéressent à ce sujet et je tenais tout particulièrement à remercier notre ami Jean-Pierre alias Kiélosa pour ses nombreux conseils de lecture.

NB : Je suis restée strictement dans le cadre d'un billet sur le témoignage de Karski et n'ai pas voulu m'en écarter pour aller sur le terrain de l'antisémitisme.
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