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Critique de Cigale17


Il est mort. S'il avait une carte de visite, « y figurerait : « Maali Almeida // Photographe. Joueur. Salope ». Il est mort et il se trouve dans un Entre-Deux assez délirant, une sorte d'administration kafkaïenne avec d'interminables files d'attente où personne ne semble pouvoir lui donner un renseignement clair ni lui expliquer ce qu'il fait là. Il est arrivé il ne sait trop comment et se parle à lui-même pour tenter de tirer les choses au clair : « Désormais tu sais ce que les autres ignorent. Tu détiens les réponses aux questions suivantes : Y a-t-il une vie après la mort ? À quoi ça ressemble ? ». Il a été tué, ça c'est sûr. Mais par qui, comment et pourquoi ? Il dispose de sept lunes pour mener son enquête.
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J'ai bien cru que je ne réussirais pas à entrer dans Les Sept Lunes de Maali Almeida, ce roman étrange, déroutant et foisonnant. Je ne savais à peu près rien sur le Sri Lanka, sur l'histoire si complexe et si violente de ce pays. Une petite mise à jour s'est imposée. J'aurais été contente de la faire avant même de commencer le roman. Mieux encore, j'aurais aimé trouver quelques renseignements en avant-propos, par exemple. La liste des personnages, au tout début du roman, m'a bien aidée à me repérer entre les vivants (Ici-Bas) et les morts, sans précision de lieu puisqu'on peut les trouver Ici-Bas, Entre-Deux ou dans la Lumière... L'énumération des huit factions en présence donne une idée de la complexité des forces engagées : parmi elles, notre héros compte l'ONU et la CIA. Pour corser le tout, il faut ajouter l'emploi pour le même personnage d'un nom, d'un surnom et souvent d'un diminutif. Ainsi, Maali Almeida s'appelle pour l'état civil Malinda Albert Kabalana…
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Je n'étais vraiment pas enthousiaste au début. Je commençais à envisager de lâcher prise quand, vers les pages 75 sq., je me suis enfin laissé emporter par cette folle histoire dans laquelle les morts peuvent voir les vivants, mais normalement pas l'inverse. Les défunts se déplacent au gré des vents (ce n'est pas toujours facile) essentiellement quand des vivants parlent d'eux. Dans la première scène qui m'ait vraiment accrochée, Maali se retrouve dans un commissariat à observer certains de ses proches : DD, son amant, Jaki, cousine du précédent, présentée dans la liste de personnages comme un « amour délaissé », et Lakshmi (Lucky), la mère de Maali, qui n'a pas vu son fils depuis longtemps. Tous trois cherchent le photographe et posent des questions à deux policiers débordés par le nombre de mères à la recherche de disparus… Si Maali ne se rappelle rien de ce qui concerne sa mort, il veut faire en sorte que ses proches retrouvent et publient une série de photos qu'il a prises, photos qui permettraient de mettre en lumière de terribles exactions et de confondre les coupables.
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Beaucoup de thèmes sont abordés plus ou moins frontalement : la guerre civile et toutes les horreurs qui l'accompagnent, les rivalités religieuses, la corruption, le racisme sous toutes ses formes, l'homosexualité, le mal, la foi, le pouvoir de l'image, etc. La langue imagée, vivante, parfois très crue, m'a semblée originale et parfaitement adéquate dans ce contexte de violence parfois difficile à supporter. On perçoit tout au long du roman, même dans certaines scènes épouvantables, l'ironie, la dérision et l'humour noir dont Shehan Karunatilaka ne se départ jamais. La difficulté à entrer dans le roman et quelques longueurs que j'ai trouvées pesantes m'empêchent d'attribuer 5 étoiles à cet exubérant roman.

[Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices de Elle 2024]

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