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Critique de Christw


L'historien de la Méditerranée Fernand Braudel a coutume de donner la formule «coeur dangereux du monde» lorsqu'il évoque la Syrie, devenue aujourd'hui un champ de ruines. L'actualité le confirme chaque jour, cette région est plongée dans un chaos indescriptible, dont ce livre propose d'éclairer les causes et possibles issues. Il est l'oeuvre d'Alexandre del Valle, essayiste géopolitologue au parcours politique (courant libéral conservateur) parfois controversé et de la politicienne franco-syrienne Randa Kassis, représentante de l'opposition laïque et démocratique au régime de Bachar El-Assad.

L'exemplaire en ma possession (remerciements aux éditions de l'Artilleur (Toucan) et à Babelio) est la seconde édition (2016) de l'ouvrage publié en 2014, dont une cinquantaine de pages ont été mises à jour.

Les attentats terroristes commis de 2012 à 2016 ont révélé au grand jour "une menace latente et enracinée, connue de tous les experts et (ir)responsables politiques depuis plusieurs décennies." Cette phrase résume la position des auteurs : ils insistent sur l'irresponsabilité des dirigeants occidentaux qui se sont positionnés contre le régime de Bachar El-Assad (chiite), envisageant même un renversement par la force, alors que la rébellion armée (sunnite) est dominée par des légions djihadistes internationales (Daech n'est que l'une d'entre elles) "dont le projet politique n'est pas la nation syrienne et encore moins la démocratie, mais le califat universel". Renverser le régime syrien en place avec sa terrible répression, oubliant les échecs en Irak et en Libye, autoriserait les islamistes à régner sur le chaos.

Au plan géopolitique, la situation est évidente : "... la Syrie est devenue aujourd'hui, avec l'Irak et le Liban, le théâtre majeur d'un affrontement régional auquel se livrent par procuration l'Iran chiite et ses ennemis sunnites du Golfe, Arabie saoudite en tête, dans le cadre d'une triple guerre totale, politique, religieuse et économique. L'enjeu n'est ni plus ni moins le leadership du monde musulman et l'extension de la profondeur stratégique de chacun des deux camps."

Une autre dimension du conflit s'apparente à une «nouvelle guerre froide» : de l'Ukraine au dossier nucléaire iranien, en passant par la revendication d'un nouvel ordre mondial multipolaire, on retrouve d'une part les puissances occidentales liées aux parrains sunnites des rebelles syriens (Arabie, émirats arabes) et d'autre part le tandem Russie-Chine, proche de l'Iran, défenseur de la souveraineté syrienne et hostile à toute ingérence de l'Occident dans les affaires de l'État syrien.

La solution pragmatique préconisée dans l'ouvrage passe par l'implication de tous les protagonistes, y compris Bachar El-Assad et ses alliés russes et iraniens. Un fédéralisme syrien préserverait ensuite l'unité nationale et le respect du pluralisme politique et ethno-religieux.

Le livre (440 pages) comporte cinq chapitres auxquels s'ajoutent un glossaire d'une centaine de termes et un index indispensable. le seul regret ira aux deux seules cartes, trop petites et en noir et blanc, aux nuances indiscernables.

Le premier chapitre revient sur l'histoire du pays et en particulier sur la naissance du nationalisme arabe au Proche-Orient. On découvre, dès 1940, une idéologie panarabiste hostile aux minorités ethniques, au détriment de la démocratie.

Le deuxième aborde la question du printemps arabe, les révolutions initiées en 2011 et leur récupération par les islamistes, du Maghreb au Proche-Orient.

Le troisième chapitre aborde les minorités, les alouites en particulier que les médias réduisent, hélas, au régime dictatorial en place : "Grâce au concours de hauts initiés alouites réfugiés en Europe [...], le présent ouvrage révèle pour la première fois au grand public les secrets de cette religion mystérieuse et fermée que les adeptes n'ont normalement pas le droit de révéler."
La question des minorités est centrale : la région rassemble plus de 30% de minorités religieuses (chiites, alouites, chrétiens, druzes, ismaéliens,...) et ethniques (Kurdes, Arméniens, Assyriens, Turkmènes,...) contre 65% d'arabes sunnites. On peut penser que les minorités dépassant à peine 30%, la majorité sunnite l'emporterait démocratiquement, mais c'est oublier que ces franges valent plus que leur poids démographique du fait qu'elles représentent un large partie des élites politiques, intellectuelles et militaires du pays. Elles apparaissent essentielles face à une majorité démographique de plus en plus gagnée par l'islamisme radical.

La quatrième partie du travail décrit la spirale de la guerre civile avec l'internationalisation du jihad syrien, tandis que la cinquième se penche sur les sorties de crise.

Soulignons l'introduction de l'essai (16 pages), remarquable et limpide, qui permet d'intégrer de manière synthétique et efficace la complexité du problème syrien.

(Article complet sur le site)
Lien : https://christianwery.blogsp..
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