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Critique de Iansougourmer


Toujours dans ma relecture de Mishima, j'ai jeté mon dévolu sur sa Correspondance avec Kawabata, espérant mieux comprendre l'influence mutuelle qui s'est développée entre les deux auteurs, mieux comprendre l'esthétique de Mishima. C'est aussi un bon moyen de découvrir une part de l'intimité de ces hommes fascinants.

Sur la forme, le choix opéré est de ne pas mettre toute la correspondance mais seulement une sélection de cette correspondance, des premières aux dernières lettres échangées en 1970.
Si cela laisse un peu sur sa faim le lecteur, du moins la lecture rendue plus fluide tout en permettant de capter avec succès les points intéressants de cette correspondance.

Il est intéressant de voir l'évolution de la relation entre ces deux génies. le jeune Mishima est révérencieux envers Kawabata, écrivain établi. Il s'excuse sans cesse car il pense "importuner" son aîné avec ses lettres. Mishima tente de montrer ses conceptions esthétiques à Kawabata au travers de deux lettres passionnées et un peu floues. Ce Mishima poli mais exalté va évoluer pour devenir un homme mature, plus réfléchi, ami avec Kawabata qui lui voue non plus une sympathie protectrice mais un respect amical. C'est même vers la fin Kawabata vieillissant qui semble gêné de demander de l'aide à Mishima, comme si les rôles s'inversaient.

Car cette correspondance, de par l'amitié entre les deux hommes, nous permet de lever un coin de l'intimité de ces deux écrivains si complexes à appréhender. Mishima a ainsi souffert de problèmes d'alcool, Kawabata d'une addiction aux somnifères...; autant de détails qui permettent de mieux comprendre certaines oeuvres de deux hommes. Mais certaines zones d'ombres restent, certaines choses indicibles. L'attirance d'un Mishima marié de mauvaise grâce du fait de son homosexualité assez évidente ne sera pas abordée. Kawabata y fait-il référence quand il demande à Mishima tout juste marié de bien prendre soin de sa femme ? Mystère ...

Deux lettres au début du récit sont captivantes car elles montrent la gestation de la théorie littéraire que Mishima appliquera dans ces livres. Critiquant l'école romantique japonaise de sa jeunesse qui s'est enfoncée dans la voie sans issue du nationalisme fanatique lors de la seconde guerre mondiale, Mishima réfute aussi la voie naturaliste dominante dans la littérature japonaise du début du XXéme siècle. Il souhaite ainsi dépasser ces courants par ce qu'il appelle "le mécanisme". Il reprend la focalisation romantique sur les états d'âme du héros mais fait de ces émotions le résultat d'un engrenage psychologique incontrôlable sur lequel le personnage n'a que peu de prise, s'éloignant par là du personnage romantique.

Ce qui est aussi intéressant à apprendre au travers de cette correspondance, c'est de mieux découvrir le milieu intellectuel des années cinquante et soixante au Japon. Ayant lu plusieurs biographies de Mishima je connaissais ses engagements, mais moins ses interaction avec ses nombreux confrères écrivains, ni ses nombreuses interviews dans la presse et la radio en tant qu'observateur très demandé par les médias. Il a aussi animé quelques journeaux littéraires, aspect que je ne connaissais pas. Pour Kawabata, cette correspondance a un peu brisé l'image que je me faisait de cet homme en ermite solitaire et maladif. Il fut président de longues années du PEn club, association littéraire très renommée, et son engagement était véritable puisqu'il se plaint du caractère chronophage d'une telle activité.

Bref, une lecture instructive !
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