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La correspondance entre Kawabata et Mishima s'étend sur vingt-cinq ans. La première des lettres, de Kawabata à Kimitake Hiraoke (le vrai nom de Mishima) est datée du 8 mars 1945. La dernière est de Mishima à Kawabata, datée du 6 juillet 1970. Cette correspondance révèle avec simplicité et pudeur la proximité et la connivence de deux écrivains aux tempéraments opposés.

Au début Mishima cherche la reconnaissance de Kawabata. Mishima a 20 ans en 1945. Il a déjà publié une longue nouvelle, la Forêt en fleurs, dans la revue littéraire Bungei bunka que Kawabata a remarquée. Mishima est le cadet et il admire profondément celui qu'il considère comme son maître. Il est exubérant, plein d'énergie et d'audace. Kawabata son aîné de vingt cinq ans est un écrivain reconnu et fatigué. Il souffre de la vésicule biliaire et d'insomnies. Il semble las et résigné. Aussi, dans les premières lettres, c'est Mishima qui s'exprime, beaucoup, plein d'enthousiasme et d'ambition. Kawabata lui répond brièvement de manière courtoise et évasive. Et puis le premier roman de Mishima arrive, très vite. Confession d'un masque (1949) est un coup de maître. le cadet a terminé son apprentissage.
La correspondance devient plus équilibrée et plus chaleureuse entre les deux écrivains . Ils s'offrent des cadeaux ( « des pâtisseries aux marrons nappées de chantilly », « un superbe saumon », « une lampe de bureau très originale »)…) Ils échangent volontiers sur leur vie quotidienne et leur famille. Mishima ne cesse de prendre des nouvelles de la santé de son ami de manière très touchante. Kawabata lui répète régulièrement de prendre soin de son épouse. Ils se découvrent des points communs : une connivence spirituelle, une immense culture commune (traditionnelle et occidentale) et une défiance à l'égard de la modernité occidentale. Ils partagent l'ardent désir d'être traduits et diffusés en Occident et, en même temps, ont un gros doute sur la manière dont leurs oeuvres pourraient être reçues et interprétées. Ils écrivent des préfaces l'un pour l'autre et se soutiennent volontiers. Kawabata intervient en faveur de Mishima auprès de ses pairs du Pen club et de la Société des gens de lettres quand Mishima est accusé d'atteinte à la vie privée par l'ancien ministre des Affaires étrangères Arita Hachirô (qu'il avait pris comme modèle dans son roman "Après le banquet"). Mishima bien sûr adore provoquer et confesse non sans humour « J'ai une haute opinion de moi, c'est vrai. C'est effrayant d'être ainsi infatué de soi-même, au point de prendre pour des capacités personnelles l'aide que m'apportent mes maîtres et mes amis ». Et plusieurs fois le maître plus discret se moque gentiment de lui. Pourtant c'est bien Kawabata le modeste qui demande à Mishima d'écrire, en 1961 une lettre de recommandation en vue de l'obtention du prix Nobel. Mishima s'exécute dans une lettre magnifique directement rédigée en anglais qui est reproduite à la fin du livre. Il termine son éloge en déclarant que Kawabata, plus que tout autre écrivain japonais, serait qualifié pour le prix. Tanizaki est en effet toujours en lice jusqu'à sa mort en 1965 pour devenir le premier prix Nobel japonais. Finalement le Nobel est décerné à Kawabata en 1968.

La dernière lettre de Mishima à Kawabata est datée du 6 juillet 1970. Elle ne laisse en rien présager son suicide spectaculaire par sepukku cinq mois plus tard le 25 novembre, dans la salle de commandement du camp des Forces d'autodéfense. On imagine le choc que Kawabata dut recevoir à l'annonce de la nouvelle. Il présida la cérémonie des obsèques publiques de Mishima au temple Tsukiji Honkanji de Tōkyō, et lut un extrait d'une lettre aux résonances prophétiques que son ami lui avait adressée le 4 août 1969. Lui même choisit de se donner la mort deux ans plus tard, le 16 avril 1972 dans la solitude de son petit appartement du bord de mer.
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Toujours dans ma relecture de Mishima, j'ai jeté mon dévolu sur sa Correspondance avec Kawabata, espérant mieux comprendre l'influence mutuelle qui s'est développée entre les deux auteurs, mieux comprendre l'esthétique de Mishima. C'est aussi un bon moyen de découvrir une part de l'intimité de ces hommes fascinants.

Sur la forme, le choix opéré est de ne pas mettre toute la correspondance mais seulement une sélection de cette correspondance, des premières aux dernières lettres échangées en 1970.
Si cela laisse un peu sur sa faim le lecteur, du moins la lecture rendue plus fluide tout en permettant de capter avec succès les points intéressants de cette correspondance.

Il est intéressant de voir l'évolution de la relation entre ces deux génies. le jeune Mishima est révérencieux envers Kawabata, écrivain établi. Il s'excuse sans cesse car il pense "importuner" son aîné avec ses lettres. Mishima tente de montrer ses conceptions esthétiques à Kawabata au travers de deux lettres passionnées et un peu floues. Ce Mishima poli mais exalté va évoluer pour devenir un homme mature, plus réfléchi, ami avec Kawabata qui lui voue non plus une sympathie protectrice mais un respect amical. C'est même vers la fin Kawabata vieillissant qui semble gêné de demander de l'aide à Mishima, comme si les rôles s'inversaient.

Car cette correspondance, de par l'amitié entre les deux hommes, nous permet de lever un coin de l'intimité de ces deux écrivains si complexes à appréhender. Mishima a ainsi souffert de problèmes d'alcool, Kawabata d'une addiction aux somnifères...; autant de détails qui permettent de mieux comprendre certaines oeuvres de deux hommes. Mais certaines zones d'ombres restent, certaines choses indicibles. L'attirance d'un Mishima marié de mauvaise grâce du fait de son homosexualité assez évidente ne sera pas abordée. Kawabata y fait-il référence quand il demande à Mishima tout juste marié de bien prendre soin de sa femme ? Mystère ...

Deux lettres au début du récit sont captivantes car elles montrent la gestation de la théorie littéraire que Mishima appliquera dans ces livres. Critiquant l'école romantique japonaise de sa jeunesse qui s'est enfoncée dans la voie sans issue du nationalisme fanatique lors de la seconde guerre mondiale, Mishima réfute aussi la voie naturaliste dominante dans la littérature japonaise du début du XXéme siècle. Il souhaite ainsi dépasser ces courants par ce qu'il appelle "le mécanisme". Il reprend la focalisation romantique sur les états d'âme du héros mais fait de ces émotions le résultat d'un engrenage psychologique incontrôlable sur lequel le personnage n'a que peu de prise, s'éloignant par là du personnage romantique.

Ce qui est aussi intéressant à apprendre au travers de cette correspondance, c'est de mieux découvrir le milieu intellectuel des années cinquante et soixante au Japon. Ayant lu plusieurs biographies de Mishima je connaissais ses engagements, mais moins ses interaction avec ses nombreux confrères écrivains, ni ses nombreuses interviews dans la presse et la radio en tant qu'observateur très demandé par les médias. Il a aussi animé quelques journeaux littéraires, aspect que je ne connaissais pas. Pour Kawabata, cette correspondance a un peu brisé l'image que je me faisait de cet homme en ermite solitaire et maladif. Il fut président de longues années du PEn club, association littéraire très renommée, et son engagement était véritable puisqu'il se plaint du caractère chronophage d'une telle activité.

Bref, une lecture instructive !
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Cette correspondance établie sur une durée de vingt cinq ans entre ces deux grands écrivains japonais du XX° siècle nous montre l'interaction que peuvent avoir deux artistes l'un sur l'autre. Pourquoi se sont ils choisis ? Mishima plus jeune subjugué par "L'élégie" de Kawabata son maitre à penser va devenir un maitre au fil du temps et de thèmes répétés qui leur sont chers. La mort, la beauté, l'amour de la nature japonaise les rapprochent. Mais Mishima happé par son attirance sexuelle envers le poête sensible n'est qu'éclat, sang et mort, tandis que son alter égo n'est que blancheur et pureté. Dés lors c'est cette complémentarité qui leur permettra d'évoluer et de parfaire leurs écrits entre peur et prière. Leur mort même à deux ans d'intervalle par suicide marquera à jamais de son sceau l'esprit japonais.
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Avec plus d'une cinquantaine de pages de notes c'est une mine d'info sur la littérature japonaise.
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La correspondance entre ces deux maîtres de la littérature japonaise ne m'a pas déçue.
On y trouve de tout : leurs avis sur ce qui sort, sur ce qui se lit, sur les Occidentaux, sur les Japonais. Leurs préoccupations : santé (Kawabata ne tenait pas la grande forme), philosophie de vie, habitudes d'écriture. À travers les différents remerciements on y apprend aussi ce qu'ils s'offrent/se ramènent de voyage.
Mais ce qui m'a le plus plut dans l'ensemble c'est de suivre l'évolution de leur amitié et admiration mutuelle, ils passent leur temps à se complimenter et honnêtement c'est très agréable à lire, beaucoup de bienveillance.
Autre petite chose, je pense les relire très bientôt en prenant compte des notes, j'avais envie de lire de façon fluide donc je les ai un peu ignorées mais ils font référence à tellement de personnes et d'évènements, ça doit sûrement valoir le coup de creuser.

En définitive, une lecture très riche qui me donne envie de lire d'autres correspondances :)
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Kawabata fut à la fois un maître et un ami pour Mishima. Difficile d'imaginer deux romancier plus différents, et pourtant cette correspondance révèle les affinités subtiles qui ont lié les deux écrivains. Une découverte passionnante.
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Premiere surprise, il ne s'agit pas d'un dialogue puisque les lettres publiés par l'éditeur sont sans leur réponses. Néanmoins cela permet d'avancé dans la relation des deux hommes sur une période de plus de 20 ans sans avoir à lire toutes la correspondance ce qui aurait valu à l'ouvrage d'êtres énorme et indigeste.
Les lettres de Mishima doivent représenter au moins 80% du contenu.
On ressent bien l'évolution du rapport des deux hommes qui ,du stade de maître à élève vas évoluer pour placer les deux hommes sur un pied d'égalité en terme de respectabilité.

Les notes sont très nombreuse et permettent de replacer dans le contexte les personnages évoqués dans les lettres ainsi que les événements. Elles témoignent d'une immense érudition de la par du traducteur sur la culture Japonaise et le milieu littéraire des années 50 60.
Néanmoins, si vous êtes juste un amateur des romans des deux hommes et pas un chercheurs spécialiste en littérature oriental, tout ses détails vous serons un peu superflus.

Pour résumé, Cette correspondance est à la fois d'un intérêt limité et en même temps un document à posséder et à connaitre pour tout inconditionnel des deux auteurs.

Je m'arrête là tout ayant déjà été dit dans un très bon commentaire précédant.
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