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Critique de Arakasi


C'est toujours avec beaucoup d'appréhension que l'on se lance dans la critique d'un livre que l'on a adoré, un de ceux que l'on a lus et relus jusqu'à en corner chaque page, dont on s'est rejoué chaque scène dans son esprit jusqu'à plus soif, dont on a rêvé pendant plusieurs nuits une fois la dernière page tournée – et, bon sang, comme elle a fait mal cette dernière page… (oui, oui, je le confesse : j'ai chialé comme une fiotte en refermant la quatrième de couverture, mais je voudrais vous y voir, tiens !) Et c'est pourquoi je débute cette chronique à reculons en accumulant les banalités, mais je suis forte, mature et cela fait plusieurs mois que je tente de me convaincre d'entamer cette critique, alors je ne vais pas faire marche arrière maintenant, que diable !

L'histoire débute dans la Palme, une péninsule verdoyante divisée en une douzaine de petites provinces, rappelant fortement l'Italie de la Renaissance et ses multiples divisions. En effet, pendant des siècles, les cités de la Palme se sont affrontées, rivalisant sur tous les plans – militaire, artistique, politique… – pour affirmer leur prééminence. Cette situation change dramatiquement quand arrivent simultanément d'au-delà des mers deux rois-sorciers, Brandin d'Ygrath et Alberico de Barbadior. Incapables de s'unir face aux envahisseurs, les provinces tombent les unes après les autres… Seule résiste encore la plus belle, la plus riche, la plus fière d'entre elles : Tigane. Jusqu'au jour où, lors d'un affrontement meurtrier, le prince Valentin de Tigane tue le fils cadet de Brandin. Fou de chagrin, le roi d'Ygrath abat sa rage sur Tigane, rasant chaque palais, chaque maison, passant au fil de l'épée chaque habitant. Mais sa vengeance ne s'arrête pas là : usant de sa monstrueuse magie, il oblitère le nom de Tigane, effaçant à jamais la province, son histoire, ses légendes et ses chansons de la mémoire des hommes.

Vingt ans plus tard, la Palme est toujours déchirée entre les griffes des deux tyrans et Tigane a sombré dans l'oubli. Définitivement ? Peut-être pas… Car, dispersés aux quatre coins de la Palme, les anciens habitants de la province se souviennent et rêvent du jour où la puissance du roi d'Ygrath sera abattue et où le nom de Tigane refleurira sur toutes les lèvres. C'est cette quête que raconte le roman : un long combat semé d'épreuves, de sacrifices, de complots et de trahisons que le lecteur affrontera aux côtés d'une poignée de personnages.

Peu de livres m'ont autant marquée et émue que celui-ci, autant par les thématiques fascinantes qu'il soulève – la quête de l'identité nationale, le rôle de la mémoire et de l'art chez une nation, l'amour d'une patrie… – que par son récit d'une magnifique finesse. Guy Gavriel Kay est un merveilleux conteur ! Loin des habituelles explosions pyrotechniques et des bastons interminables, il raconte son histoire comme une tapisserie splendide où les destins de chacun s'entremêlent comme autant de fils. Les personnages sont tous plus intéressants et complexes les uns que les autres – Devin le jeune chanteur en quête d'identité, Alessan le dernier descendant des princes de Tigane, Dianora la belle courtisane rongée par la perte de sa nation… – et laissent une trace durable dans l'esprit du lecteur. Parmi tous, j'ai conservé un souvenir ineffaçable de Brandin d'Ygrath, un des plus beaux personnages qu'il m'ait été donné de découvrir, toutes catégories littéraires confondues : brillant, profond, fascinant, ambigu, tourmenté… Par sa seule présence, il ôte tout manichéisme au roman et lui apporte une vraie grandeur tragique.

En conclusion : un très très très beau roman à lire, à relire, à dévorer, comme d'ailleurs la grande majorité de l'oeuvre de Guy Gavriel Kay. le genre de livre que l'on souhaiterait presque ne jamais avoir lu pour le plaisir de le découvrir à nouveau avec des yeux neufs. Indispensable.
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