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Critique de finitysend


Douglas Kennedy est un auteur très agréable à lire , c'est vivant et très humain comme écriture .
Il porte un regard critique sur la société américaine . Si bien que son fonds de commerce en Europe est un peu l'antiaméricanisme .
Cependant chacun de ses ouvrages est une véritable peinture sociale de la civilisation américaine .
De ce point vue , ce sont de beaux tableaux je trouve . Leur traitement des thèmes spécifiquement américains , vole d'ailleurs beaucoup plus haut que l'antiaméricanisme primaire d'inspiration gaucho-tiers-mondiste qui a pignon sur rue dans les salons parisiens , mais qui est démenti systématiquement , par les touristes français qui se jettent chaque année sur les états unis pour leurs vacances .
Il y a dans ce récit une foule de détail éloquents qui viennent donner l'impression non moins éloquente d'un contact intime avec les mentalités américaines .
Les états unis sont vraiment en effet une autre planète , avec de significatives différences avec l'Europe .
C'est une société où la précarité sociale est exacerbée et dans ce contexte les aléas de la vie résonnent autrement plus fort qu'en Europe , où par exemple il y a assez peu de chance pour qu'une famille soit dans l'obligation de réaliser l'intégralité de son patrimoine , pour financer un traitement médical lourd pour un membre de la famille .
C'est aussi le pays des revirements ( collectifs et individuels ) réguliers spectaculaires. C'est le pays du mouvement constant , des remises en cause cycliques et répétitives , des élans solidaires spectaculaires . Tout bouge constamment ( même si c'est souvent plus fantasmé que réel souvent ) , des remises en causes personnelles , des mobilités géographiques banalisées , des fréquentations sociales fluctuantes , du statut social fluctuant . Rien n'est acquis , tout est mouvant , glissant . Il en est de même partout ? Certes oui ? mais un peu plus aux « states « sans doute , que dans les autres sociétés occidentales , en tout cas c'est ainsi que la vie et l'environnement social sont intensément et dynamiquement perçus dans cette culture ..
Au final il s'agit d'apprivoiser la vie , avec une once de volontarisme héroïque au besoin .
La vie vous façonne et il vous revient de la façonner à votre tour . C'est certes une lapalissade , mais à mon humble avis c'est une théorie de la vie qui est intimement états-unienne et c'est un mode d'être très conscientisé dans cette civilisation , où vous êtes évalué constamment à l'aune de votre capacité à gérer et à exprimer ce paramètre .
Une différence majeure porte aussi sur la religiosité , c'est massivement une société religieuse , qui présente quelquefois des archaïsmes sidérants , mais aussi souvent des modes d'être en rapport avec le numineux qui peuvent êtres ultra contemporains . C'est globalement une société , principalement façonnée par le protestantisme . Avec une grande valeur accordée au travail ( en-soi et quel qu'il soit ) et à ses fruits , avec également une valorisation de la confession publique et de l'auto amendement public .
Il n'est pas mal vu non plus d'être « le gardien de son frère « , d'où une surveillance collective de chacun par chacun , qui est valorisée et reconnue comme parfaitement naturelle , du moins en matière d'intérêt général . Avec le paradoxal corolaire d'une véritable sacralisation exacerbée de l'individu et de l'individualité qui n'est pas moins exigeante . On trouve ainsi par exemple , des sites internet listant , les anciens délinquants sexuels , avec leurs adresses , photos , et tant qu'à faire , un résumé de leur casier judiciaire et on peut savoir de facto , si une personne figurant dans ce fichier réside près de chez soi . Par contre le domicile personnel est sacré , et l'intimité personnelle est inviolable , au point que : vraiment pas besoin de rideaux aux fenêtres .
Voyage au pays de dieu , est à mon humble avis à classer dans la littérature de voyage .
D'abord parce que dans ce récit , l'auteur est vraiment sur la route et il rencontre des gens qui deviennent des sujets et qui témoignent d'eux-mêmes et de leur intimité religieuse , de leurs motivations . le texte est très enraciné aussi dans des paysages ( pas seulement humains ) , des couleurs , des routes et des voitures .
C'est un texte engagé , qui s'efforce malgré tout de prendre une certaine distance avec son sujet , même si le plus souvent c'est une peinture au vitriol du croyant comme du prêcheur et des assemblées . On est pour information , au coeur de la très influente et de la très puissante ceinture biblique , du grand sud des Etats-Unis .
L'auteur dresse une lecture très détaillée des processus qui organisent les communautés religieuses , en mettant en lumière les dynamiques individuelles et communautaires . Il tente d'approcher sérieusement les dynamiques qui portent : le prêche et l'adhésion au prêche , ainsi que les techniques élaborées de communication mises en oeuvres par les églises américaines .
C'est un texte hautement recommandable à toute personne qui souhaite ressentir intimement la singularité de la civilisation américaine . C'est également et vraiment un document très pertinent sur le protestantisme américain qui est à la source de bien des aspects concrets et de bien des ressorts intimes , de la civilisation américaine .
Malgré sa prise de recul assez réussie , l'auteur de par son regard caractérisé par un remarquable sens du détail lourd de sens , donne un témoignage indirect sur le discours type des gauches américaines , car oui , il existe des gauches américaines , qui n'ont d'ailleurs rien à voir avec les nôtres , normal elle sont américaines ....
Dans la présentation de ce texte , il est dit que l'auteur ne fait pas preuve d'arrogance . C'est assez vrai je trouve . Mais il y a chez lui une volonté absolument constante de mettre lumière ce qui est pathétique . Des fois c'est vraiment curieux comme effet , parce que certaines rencontres sont pathétiquement touchantes . C'est assez réussit et percutant d'ailleurs , même si c'est aussi et incontestablement copieusement vicieux , comme démarche .
Et c'est alors qu'il faut penser à allumer les « Warnings « et réaliser , ( anglicisme volontaire et assumé ) dans ces moments en particulier , que l'auteur est copieusement engagé ( pauvre pécheur ! ( je blague ) ) .
La culture protestante des Etats-Unis est incontestablement à la source d'un certain conservatisme qui est fréquemment absurde , mais qui est encore plus fréquemment , nuancé , très raisonnable et généreux .
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