Plusieurs éléments sont à l`origine de ce roman. J`ai tout d`abord commencé à réfléchir à l`histoire d`un couple qui aurait une importante différence d`âge ainsi qu`au thème de la maternité, de ce moment du « maintenant ou jamais » pour une femme qui désire avoir un enfant.
Je suis également un grand voyageur. J`ai visité plus d`une cinquantaine de pays -59 exactement- et le Maroc est un pays que j`ai visité 11 fois. J`ai commencé il y a quelque temps une grande histoire d`amour avec celle qui est devenue ma femme et celle-ci n`avait jamais visité ce pays. Je lui ai donc proposé de passer deux semaines à Essaouira. Pendant sa visite, elle a été scotchée par cette ville du moyen-âge. Quant à moi, qui la visitais pour la troisième fois, j`ai réalisé que c`était une ville très « hitchcockienne », qu`elle avait tout d`un labyrinthe. J`ai dit à ma femme : « Imagine si quelqu`un disparaît ici. Que se passerait-il ? »
Un peu plus tard, alors que nous étions près du désert du Sahara, je lui ai proposé de nous y rendre. J`ai alors cherché un chauffeur local ayant une connaissance absolue du désert pour nous conduire à travers les dunes. Sur le chemin, je lui ai demandé de quitter la piste. Je lui ai dit que je voulais « disparaître ». Et une heure après, nous étions au milieu de nulle part, à 70 kilomètres de la route, entourés uniquement par du sable à perte de vue. Nous nous sommes arrêtés à cet endroit un quart d`heure sous une température de 42 degrés et un soleil impitoyable qui nous brûlait les yeux malgré nos lunettes.
Ma femme m`a alors fait remarquer que dans la distance avançait une silhouette. C`était une fille qui s`approchait et qui nous a abordés. Je lui ai demandé d`où elle venait. En français, elle m`a répondu « là-bas », en indiquant, de sa main, un endroit dans le désert où il n`y avait rien. En fait, dans la distance, en s`habituant à la lumière, nous pouvions voir un oasis. Des gens vivaient ici, des Berbères.
Mon roman a commencé ainsi avec ces quelques pistes. J`ai commencé à le rédiger deux mois après.
L`un des thèmes de ce roman est le mirage, non pas seulement ceux que l`on peut apercevoir dans le désert mais également dans la vie et notamment dans le mariage. Le personnage de Paul lui-même est un mirage qui a en partie été créé par sa femme Robyn. D`un certain côté, elle n`a pas vu ou, plus probablement, n`a pas voulu voir de nombreux aspects de la vie de Paul.
La question que je pose dans le roman est : « est-ce que c`est possible de connaître quelqu`un d`autre ? ». Dans un couple, chacun voit ce qu`il veut voir et détourne les yeux de ce qu`il refuse de voir !
Cette phrase « je peux le changer » que l`on prononce parfois au début d`une relation amoureuse est probablement la phrase la plus désastreuse, la plus destructive d`une relation intime.
Je sais que beaucoup d`hommes sont confrontés à une lutte perpétuelle entre des responsabilités -qu`ils créent pourtant eux-mêmes- comme devenir un mari, avoir des prêts ou acheter une maison, et des rêves d`indépendance.
Paul est resté une sorte d`adolescent. C`est un homme, certes brillant, mais qui n`est pas responsable, un peu comme l`était le père décédé de Robyn : un bon père mais qui était toujours absent, la tête ailleurs. Je pense qu`en fin de compte, Robyn a épousé un miroir de son père. Elle ne peut pas sauver ce dernier alors elle essaie de sauver son mari malgré sa trahison que l`on découvre au cours du récit.
Et pendant qu`elle essaie de sauver son mari au péril de sa propre vie, elle découvre des choses nouvelles sur elle. Au milieu d`une crise on découvre souvent une force que l`on ne soupçonnait pas. Se connaître soi-même est une chose difficile. Nous restons un grand mystère pour nous-mêmes. Pourquoi est-ce que l`on agit ainsi ? Quelle est l`origine de chacune de nos actions ?
Je dois dire que ces romans ne sont pas mal ! On me dit parfois que L`homme qui voulait vivre sa vie est une sorte de petit classique moderne. C`est un polar qui n`en est pas vraiment un non plus. C`est un roman existentiel au sujet de l`identité et comment on crée sa propre prison. On retrouve cela dans Piège nuptial, qui est à la fois très noir et je pense très drôle.
Non car je ne commence jamais un roman avec un thème précis en tête. Je commence mes romans avec un narrateur ou une narratrice et quelques idées directrices mais jamais de thème. C`est comme pour un voyage, on sait où il commence mais on ne sait jamais où il va nous amener exactement. Dans mes romans, les choses se mettent en place progressivement.
Je crois également que le subconscient se déploie en grande partie dans l`écriture. J`ai volé deux choses à mon héros littéraire Graham Greene. La première c`est que j`écris au moins 500 mots, au moins deux pages par jour, tous les jours. La deuxième c`est que j`essaie de lire mon écriture avant de dormir. Je suis sûr que pendant la nuit le subconscient fonctionne et va résoudre de nombreux problèmes.
Comme de nombreux écrivains, hélas, je dors très mal. La femme du Vème par exemple est un roman de nuits blanches. Je l`ai écrit lors d`une période pendant laquelle je souffrais d`insomnies infernales. Mais heureusement cela m`a permis d`écrire ce livre !
Toujours. J`ai de l`empathie pour eux mais une empathie avec une certaine clarté.
Gatsby le magnifique de Francis Scott Fitzgerald. Mot par mot, phrase par phrase, il s`agit du roman américain le plus parfait. C`est un portrait de la tragédie du rêve américain et de ce qui se cache derrière chaque chose : l`argent.
Mon héros littéraire Graham Greene qui était à la fois très sérieux et avait un large public. de mon côté je sais que je suis lu autant par des professeurs d`université que par ma concierge !
L`Adieu aux armes d`Ernest Hemingway. Étonnamment, j`ai découvert, en lisant une autobiographie de Philip Roth, que ce dernier relisait ce livre tous les ans, ce que je fais aussi. J`y vois à chaque lecture des choses très différentes.
Nous avons un rapport aux romans qui change en fonction de nos âges. J`ai aujourd`hui 60 ans et j`ai une connaissance de la vie qui n`est pas la même que celle que j`avais à 25 ans. Quand on relit une œuvre on y découvre toujours des choses différentes grâce à notre connaissance de la condition humaine ainsi que notre connaissance de soi-même.
En ce moment je lis le livre d`un écrivain anglais de notre génération : The Wet and the Dry de Lawrence Osborne. C`est un récit de voyage vraiment très original où l`auteur confesse son penchant pour l`alcool ! L`auteur voyage dans de nombreux pays et notamment des pays musulmans où il est interdit de boire de l`alcool (ces pays « dry » c`est-à-dire « secs ») pour enquêter sur le rapport de chaque société avec cette boisson ! C`est très bien fait.
En quelle année parait son premier roman Cul de Sac (parfois titré Piège nuptial)?