L'homme du mois, tome 1 : Droit au coeur

Sa peur.
Non pas la peur du noir ni des dangers éventuels de ce parking isolé, plongé dans l’obscurité.
Non, cette peur était toute nouvelle. Elle découlait de l’intensité qu’elle découvrait dans son expression. Un feu si vif qu’il pourrait la réduire en cendres. Elle décelait autre chose, aussi. Une promesse. Ou peut-être une menace.
Elle n’en était pas certaine, mais quand il se pencha vers elle, elle sentit son souffle se bloquer dans sa gorge et son cœur se serra, dans l’expectative. Il allait l’embrasser.
Elle prit une petite inspiration et ce souffle agit comme un talisman, rompant le charme. Il se figea et se redressa, de manière presque imperceptible, mais suffisamment pour que Jenna sache que la possibilité d’un baiser s’était estompée avec ce souffle perdu… Elle ne savait pas si elle devait en être soulagée ou très très déçue.

Même s’il ne se brûlait pas les ailes chaque fois qu’il était avec une femme, même s’il ne pensait pas que le mariage soit un rituel obsolète destiné à tuer la passion et à générer du mécontentement, il n’essaierait pas de faire la cour à Jenna. Trop risqué.
Il préférait passer sa vie sans la mettre dans son lit tant que cela signifiait qu’elle restait dans sa vie.

Comment pourraient-ils risquer leur amitié pour une folie qui pourrait être amusante, certes, mais qui ne durerait pas ? Parce qu’il savait bien que les relations ne duraient jamais. Il en était la preuve vivante.

La vérité, c’était qu’il pensait à elle. À la sensation de sa peau ce soir-là. Il essayait de se remémorer la teinte de son mamelon, entre brun et rose, quand il l’avait déshabillée. Il irait tout droit en enfer, car ses pensées dérivèrent vers un fantasme qui lui donnait envie de glisser les mains entre ses cuisses pour caresser son sexe lisse et rasé. Sans mentionner les films X qui tournaient dans sa tête à propos de ce qui se serait passé s’il ne s’était pas contenté de la nettoyer ce soir-là, mais s’il l’avait étendue sur son lit, toute nue, et avait goûté chaque parcelle de son corps.

Elle lui tournait le dos. Il pouvait à peine distinguer les courbes de ses fesses sous l’épais tissu du peignoir. Il avait envie de descendre de son perchoir, d’aller vers elle, de la peloter et de se pencher pour lui donner des baisers dans le cou. Elle aurait certainement le goût du bacon. Dans tous les cas, il pourrait la dévorer.

Le temps semblait faire des sauts irréguliers, comme s’il n’obéissait plus aux règles élémentaires de la physique, parce qu’ensuite, elle était debout et de l’eau ruisselait sur son corps nu. Reece avait passé un bras autour d’elle, sa peau chaude contre la sienne pendant qu’il utilisait son autre main pour la rincer. Un spasme la parcourut. Son corps trahissait son désir d’intimité. Elle voulait sentir les doigts de Reece sur ses seins, puis qu’ils suivent les gouttes d’eau sur sa peau, de plus en plus bas, jusqu’à la promesse d’une nuit de plaisir.
Ce serait si facile. Tout ce qu’elle avait à faire, c’était d’invoquer les mots. Le lui dire. Le supplier.
Non. Mon Dieu, à quoi pensait-elle ?
Pire que penser, elle ressentait. Il s’agissait de Reece. C’était forcément innocent.

Il l’avait soutenue, il s’était occupé d’elle, et lorsqu’elle avait sombré dans le sommeil, le petit démon qui s’éveillait sous l’effet de l’alcool avait arraché quelques brins de luxure au tissu de ses pensées innocentes pour en faire une tapisserie de décadence qui avait envahi ses rêves, la laissant au réveil avec une envie inassouvie, de la frustration et beaucoup d’embarras.

Elle s’était imaginé tout ce qui aurait pu se passer s’il avait incliné la tête vers le haut de sorte que son baiser se pose sur ses lèvres plutôt que sur sa tête. Son imagination avait généré une intense chaleur.
Elle ne s’était pas suffisamment approchée de ce feu pour se laisser brûler les ailes. C’était un brasier qu’elle devait garder couvert, relégué au royaume des fantasmes.

Il s’efforçait de ne pas regarder Jenna. C’était une bonne chose. Il en avait besoin.
Une femme dans sa vie pour s’amuser et s’envoyer en l’air. Une femme qui était douée au lit et facile à vivre au quotidien.
Une femme qui n’avait pas d’attentes, pas de projets et aucune envie de s’engager.

Non, Reece était condamné à la fournaise ardente, car c’était un connard en rut qui n’avait même pas le cran de dire à la beauté nue qui était avec lui dans la douche que ce n’était pas à elle qu’il avait pensé ces quatre dernières heures.
Si ce n’était pas l’un des chemins menant tout droit en enfer, il le méritait pourtant.