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Critique de fuji


D'une écriture ciselée et somptueuse Julia Kerninon nous envoûte avec dévotion, celle qu'elle voue à la littérature.
Helen et Franck se retrouvent sur un trottoir de Londres après vingt trois ans de séparation, se sont des octogénaires et c'est le choc.
Mezzo voce Helen devient un volcan en éruption.
Sous une apparence ordinaire et très discrète la passion a couvé trop longtemps et plus rien ne peut l'arrêter, là, à cet instant sur ce morceau de trottoir…
En 1950 Helen et Franck ont douze ans et se rencontrent pour la première fois, liés immédiatement et irrémédiablement par « leur haine sidérale pour leurs parents et leurs activités méprisables, leurs bons mots et leur mauvais coeur. »
La chambre magmatique d'Helen s'auto-alimente par leur milieu social, celui de la diplomatie, où la représentation est dès plus importante et est renforcée par l'indifférence des parents.
Indifférence criminelle, où l'honorabilité est un vernis craquelé de toutes parts.
Indifférence due à son physique ordinaire, elle, la fille de la très belle femme de Monsieur l'Ambassadeur ?
Helen et Franck un couple ? Plutôt un duo dont Helen donnera le tempo, lorsqu'à leur majorité elle exigera l'indépendance en s'installant à Amsterdam dans la maison de sa mère. Elle étudiera, se passionnera pour ses études littéraires, elle écrira et ouvrira sa maison d'édition. Elle organisera le quotidien sans avoir d'emprise sur l'avenir.
Franck se laissera porter longtemps, deviendra un peintre célèbre sans efforts particuliers, parce que les choses arrivent comme cela pour lui. Mais c'est tout de même Helen qui l'a créé.
Franck poursuit sa route avec elle, sans elle, avec d'autres mais « Helen était apparemment la seule nécessaire, celle qui n'avait jamais été remplacée par aucune autre, celle qui n'avait pas à mendier sa présence par téléphone comme le faisaient différentes voix féminines chaque semaine, mais uniquement gravir d'un pas léger son escalier pour frapper à la porte du dernier étage de sa propre maison. »
Le magma, naît de la fusion partielle de l'héritage familiale et de la croûte de leur vie agglomérée, va entretenir la lave.
Lave qui va remplir les cheminées volcaniques jusqu'au cratère.
Pour que l'explosion arrive, il faut plusieurs failles. La première véritable fissure s'appelle Anna et il y en aura d'autres car Franck laisse à Helen le soin des pansements de rupture, trop occupé qu'il est à poursuivre sa vie.
Alors oui, Helen en est là, elle qui a travaillé les mots toute sa vie, qui les a aimés à la folie n'a jamais su les dire. La parole est toujours restée dans l'arrière-gorge comme garde-fou de la bile qui aurait pu tout brûler sur son passage.
Vingt-trois ans sans nouvelles l'un de l'autre, après que la vie a poursuivi sa route implacable, Helen se fait fort d'érupter SA vérité.
La voix d'Helen poursuivra ses lecteurs longtemps après le dernier accord plaqué sur le clavier des émotions.
D'une construction parfaitement maîtrisée, d'un rythme sans relâche, juste quelques dièses et bémols pour que le lecteur reprenne son souffle, Julia Kerninon une fois de plus nous peint une histoire aux dimensions abyssales où les sentiments sont d'une ardeur qui marivaude en permanence avec le précipice.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 26 août 2018.
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