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3.78/5 (sur 3482 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Nantes , le 21/01/1987
Biographie :

Julia Kerninon est une écrivaine.

Elle a participé aux scènes de slam poésie à Nantes, puis a publié deux livres sous le nom de Julia Kino, "Adieu la chair" (2007) et "Stiletto" (2009).

Sous son vrai nom, elle a publié "Buvard" (2014), roman qui reçoit de nombreux prix dont le prix Françoise Sagan, "Le dernier amour d'Attila Kiss" (2016), lauréat du prix de la Closerie des Lilas et "Une activité respectable" en 2017.

Elle obtient son doctorat en littérature américaine en 2016.

Elle revient à la rentrée littéraire de septembre 2018, toujours aux éditions du Rouergue, avec "Ma dévotion", un monologue sur la relation entre un artiste peintre et une écrivain. Elle a rédigé son ouvrage enceinte puis jeune mère, en seulement dix-huit mois.

Julia Kerninon est lauréate du Prix Summer 2021, décerné par la Fête du Livre de Bron pour son roman "Liv Maria" (2020).

Twitter : https://twitter.com/juliakerninon?lang=fr
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Entretien avec Julia Kerninon, à propos de son ouvrage Ma dévotion

18/07/2018

Dès le début de votre dernier livre, Ma dévotion, le programme est clair : « C`est moi qui vais parler, et moi seule. » Voilà ce que dit Helen Merton à son vieil ami et amant Frank Appledore, qu`elle n`a pas vu depuis plus de vingt ans et croise par hasard dans une rue de Londres. Pourquoi avoir choisi le monologue pour faire le portrait de cette relation complexe ?

Je crois que le monologue est la forme la plus instinctive pour moi : sur les quatre livres que j`ai publiés ces dernières années, trois sont des monologues, d`une façon ou d`une autre. Dans Une Activité respectable c`est moi qui parle en mon nom propre, et dans Buvard, au fond, même si au premier abord on peut penser qu`il s`agit d`un dialogue, c`est surtout Caroline qui s`exprime. Le Dernier Amour d`Attila Kiss n`est plus un monologue, mais en a été un presque jusqu`à la version finale.

Pour Ma dévotion, j`avais lu notamment des livres sur les peintres racontés ou interviewés par un de leurs amis, comme le magnifique L`Homme à l`écharpe bleue de Martin Gayford, dans lequel il échange avec Lucian Freud pendant que celui-ci peint son portrait. Donc ça semblait une tradition, un peu, ce format-là pour parler d`un peintre. Et puis aussi petit à petit il y a eu cette idée, quelque chose de féministe, la somme de toutes les choses que les femmes font et pensent et voient mais que personne ne sait parce que personne ne leur pose la question, personne ne s`intéresse à la vie intérieure des femmes. Alors j`ai aimé cette idée que ce soit Helen qui ait le dessus, que ce soit elle la récitante, qu`elle ait littéralement le dernier mot.



Helen fait en quelque sorte de Frank, peintre célèbre, son oeuvre : elle l`épaule depuis toujours, lui a fait découvrir sa vocation, et a longtemps géré pour lui les tâches ingrates qui incombent à la plupart. D`une certaine manière, son travail d`écrivain, sa « vie d`assise », semblent mineurs par rapport à celui de son ami, artiste plus mondain que torturé, à la fois appliqué et jouisseur. Est-ce une jalousie de l`écrivain que vous avez pu constater vis-à-vis des artistes du « visuel » ?

Moi je suis jalouse des artistes du visuel, régulièrement, oui. Mais je ne dirais pas que je l`ai constaté chez d`autres écrivains. Attention, pour le reste : si la vie d`écrivain d`Helen est mineure en comparaison de la vie de peintre de Frank, c`est d`abord parce qu`il est meilleur peintre qu`elle n`est écrivain ; d`ailleurs elle n`est pas un écrivain « artistique » : elle est plutôt du côté de l`édition, de la critique. Elle ne fait pas d`art, parce que ce n`était pas sa compétence. Sa compétence, c`était effectivement, d`épauler quelqu`un comme Frank. Mais là aussi, plus sourdement, je pense que ça soulève des questions féministes : peut-on imaginer un homme dont la compétence serait de porter une femme à la gloire ? Pourquoi pas, oui, mais dans les faits, qui ?


Votre livre fait parfois référence au théâtre, et on a l`impression d`assister, à travers le récit d`Helen, à des saynètes qui forment un tout : l`histoire de la vie de deux êtres, avec pour scène ce trottoir londonien. Surtout, c`est rapidement les rouages de la tragédie qui se mettent en place, et la narratrice fait souvent référence à une inéluctable catastrophe. Aviez-vous l`intention de repousser les frontières romanesques, cette fois ?

Je ne pense pas vraiment que le roman ait des frontières – il a des règles et des lois et elles sont très exigeantes, mais peut-être qu`il n`y a pas de frontières. Et c`est vrai, il y a quelque chose de l`ordre du théâtre dans ce livre, bien sûr. J`ai beaucoup pensé au théâtre grec, à William Shakespeare, et aussi il y a quelque chose qui se joue avec les contes de fées régulièrement évoqués. C`est Helen qui offre un spectacle à l`amour de sa vie sur un trottoir de Londres, un spectacle qui n`aura lieu qu`une seule fois, qui disparaît à mesure qu`il existe, qui ne tient que le temps de cette parole qui arrive beaucoup trop tard.


Vous semblez passionnée par les relations interpersonnelles, l`amitié, l`amour, et ce qui les fait naître. Cette idée de l`amour comme guerre, comme lutte, vous la développez à nouveau dans Ma dévotion, dont le discours semble d`ailleurs la dernière bataille que mènera Helen sur ce terrain, en même temps que sa première déclaration d`amour à Frank. Y a-t-il nécessairement de la violence dans ce sentiment, selon vous ?

Pas de la violence mais de l`intensité, oui. C`est vrai, j`écris toujours sur les relations humaines, leurs débuts, leurs évolutions, leurs chutes. Ça me semble au cœur de tout. Je ne suis pas très douée avec les grands concepts, je ne suis pas faite pour écrire des romans d`idées – ma force, c`est l`empathie, la curiosité, l`attention, et c`est ça qui se retrouve dans mes livres. Toute ma vie, je regarde les gens et j`essaie de les comprendre, j`essaie de les imaginer, et après j`écris des livres où je recrée le monde en un peu plus intense, parce que j`aime quand c`est intense. Et c`est sans doute pour ça que je crois que l`intensité, c`est de l`amour.

La relation entre Frank et Helen, elle est profonde, elle est longue, elle est sérieuse, elle va avoir des conséquences. C`est une chose dans leurs vies aussi considérable et aussi solide qu`une maison. Pendant des années, dans ma vie privée, j`ai mal parlé de l`amitié, je pensais que ce n`était rien, qu`on avait toujours des amis, qu`ils allaient et venaient – et puis j`ai changé d`avis, j`ai vu les choses différemment. Je pense que c`est aussi pour ça que j`ai voulu raconter cette histoire d`amitié qui est une histoire d`amour, parce qu`il entre toujours de l`amour dans l`amitié.


Avez-vous le sentiment de faire partie d`une « génération d`écrivains français », avec lesquels vous partagez des thèmes, des obsessions ? Quels auteurs publiés lors de la rentrée littéraire de septembre 2018 comptez-vous lire ?

C`est difficile à dire. Je connais et j`apprécie quelques écrivains de ma génération que j`ai pu croiser, je vois beaucoup Emmanuelle Richard qui publie à L`Olivier, quand je vivais encore à Paris on passait presque toujours un soir par semaine à se parler à la terrasse du même café dans le Nord de Paris. Partager des thèmes ou des obsessions, je ne sais pas, et surtout je ne vois pas ce que ça voudrait dire. Mon écriture, malgré la publication, c`est ce que j`ai de plus privé, en un sens, je ne vois aucune raison pour laquelle elle devrait ressembler ou rejoindre celle de quelqu`un d`autre. Et je ne sais pas qui je vais lire à la rentrée – je ne suis pas très au courant de ce qui va sortir, à part chez Actes Sud. J`ai le livre de Nicolas Mathieu, Et leurs enfants après eux, je vais lire ça.


Quels sont vos projets d`écriture pour les prochains mois ?

En ce moment je traduis un livre américain qui regroupe des essais d`écrivains expliquant pourquoi ils ont décidé de ne pas avoir d`enfant. Personnellement c`est le meilleur livre que j`aie jamais lu sur les enfants, et c`est très intéressant de le traduire pendant la sieste de mon propre bébé, ça m`équilibre. Ça devrait être publié dans le courant de l`année en France chez Calmann-Lévy. Je travaille aussi à une réécriture de ma thèse de littérature américaine sous forme d`essai pour une publication aux PUF. Et puis j`ai un roman en route, j`en ai une première version dont je commence à penser qu`elle n`est peut-être qu`une grosse moitié du truc final. Et puis je voudrais écrire un autre petit récit autobiographique comme Une Activité respectable – je l`appellerais Une Situation intéressante et ça parlerait de la maternité, mais je n`ai pas encore décidé comment faire exactement.



Julia Kerninon à propos de ses lectures



Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?

Dans la bibliothèque de mes parents, il y avait, coincé dans une fente du bois, un tout petit livre, grand comme une phalange environ. Il me semble que c`était une bible protestante, datant d`une époque où ce culte était interdit, et où donc un livre minuscule comme celui-là était la seule façon de posséder une bible sans trop de danger. Ce petit livre-là, pas parce qu`il était une bible mais parce qu`il était cet objet si singulier, qui tenait dans la paume de la main, qui semblait possible, peut-être que c`est ce livre-là qui m`a donné envie d`écrire.



Quel est le livre que vous auriez rêvé écrire ?

Peut-être Harlem Quartet, de James Baldwin. Sinon, Ulysse de James Joyce, ou Lumière d`Août de William Faulkner, mais c`est tellement tellement éloigné de mon style que c`est difficile à imaginer.



Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

La Cave, de Thomas Bernhard.



Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

Le Rabaissement, de Philip Roth.



Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?

Le Capital de Karl Marx et Les Snopes de William Faulkner.



Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?

Le livre en trois tomes de Robert Graves sur l`empereur Claude : Moi, Claude, empereur.



Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

Tout Stendhal. La Montagne Magique et Les Buddenbrook de Thomas Mann.



Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

« La patience est la récompense de la patience », Jim Harrison.



Et en ce moment que lisez-vous ?

J`ai accepté d`être jurée pour le Prix Jules Rimet qui récompense un roman de littérature sportive – donc je suis en train de lire La Perfection du revers, de Manuel Soriano, et c`est très bien, je trouve. Je relis aussi Une Veuve de papier, de John Irving.



Découvrez Ma dévotion de Julia Kerninon aux éditions du Rouergue :




Entretien réalisé par Nicolas Hecht.






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Lecture par l'autrice & Julia Kerninon Rencontre animée par Jennifer Padjemi Années 80 dans le nord de l'Angleterre. Yrsa grandit avec son frère Roo et sa mère infirmière. Démunie, leur mère les confie à leurs grands-parents, membres de l'Église Adventiste du 7e jour. Au fil des ans, Yrsa subit, de façon insidieuse puis frontale et traumatique, l'emprise des hommes sur son corps transformé. Le récit d'Yrsa est le contrepied poétique et touchant au male gaze, par la voix mutante d'une enfant, d'une soeur, d'une ado, d'une escort, d'une poétesse dans l'âme, d'une femme en plein empowerment. La Vie précieuse est un ultra-moderne récit de formation, qui rappelle les effets de composition cinglants de la réalisatrice Michaela Coel (série I May Destroy You) et les envolées pleines de vie et de rage de Kae Tempest. Libre, déterminée, militante féministe et intersectionnelle, Yrsa Daley-Ward a imposé sa voix dans le monde entier, saluée par le Pen Prize du meilleur roman autobiographique. Elle a par ailleurs collaboré avec Beyoncé en 2020 pour le film et l'album Black is King.

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Citations et extraits (741) Voir plus Ajouter une citation
Que saisissons-nous des gens, la première fois que nous posons les yeux sur eux ? Leur vérité, ou plutôt leur couverture ? Leur vernis, ou leur écorce ? Avons-nous à ce moment-là une chance unique de les percer à jour, ou est-ce que cet espoir est absolument vain, parce que le premier regard passe toujours à côté de ce qui est important ?
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Que saisissons-nous des gens, la première fois que nous posons les yeux sur eux?
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Elle n’avait jamais deviné, jamais soupçonné la transformation qui s’opérait lorsque deux corps se touchaient – comment les peaux cessaient d’être des peaux, les muscles d’être muscles, comment tout cela semblait se redresser et se mettre à chanter.
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Le contraire d’oublier, Liv Maria, ce n’est pas se souvenir – c’est apprendre.
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Avec la construction du Mur, Berlin était devenue plus insulaire encore, un lieu immobile, un visage figé posant pour la photo, une vitrine, sans réelle activité économique, sous perfusion, militarisée, libertaire, une société sous contrôle, mais incontrôlable. Une île, en effet.
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Je me souviens de la première fois où il m'a dit je t'aime, quelques mois après notre rencontre, à Berlin, sa voix voyageant dans des ondes téléphoniques entre Wedding et Prenzlauer Berg, une voix étranglée qui m'a rappelé celle de tous les hommes qui m'avaient dit qu'ils m'aimaient, parce que c'était souvent arrivé la nuit, dans des téléphones, ce ton urgent, véhément, tendu ou peut-être parce qu'on n’entend jamais aussi bien ces deux mots que dans un téléphone, quand on peut se concentrer presque parfaitement sur le son et la façon dont il résonne en nous. Je n'ai pas deviné, à ce moment-là, que la prochaine personne qui me dirait qu'elle m'aimait serait notre premier enfant. (p.63)
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Je suis la fille unique du lecteur et de l’insulaire, je suis le bébé Tonnerre, l’orpheline, l’héritière, je suis la jeune maîtresse du professeur, la femme-enfant, la fille-fleur, la chica, la huasa, la patiente de Van Buren, la petite amie, la pièce rapportée, la traîtresse, l’épouse et la madone, la Norvégienne et la Bretonne. Je suis une mère, je suis une menteuse, je suis une fugitive, et je suis libre. Elle ne pouvait pas rester là. Elle ne savait pas exactement pourquoi, mais elle ne pouvait pas. Mon nom est Liv Maria Christensen. Je suis ce que je suis. p. 265
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Ma vie je la passe à lire des livres pour remettre les choses en place, pour me déplier, et c'est comme chanter tout bas à ma propre oreille pour me réveiller.
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Petite fille, elle se rappelait l’avoir regardée un jour à table comme si elle la voyait pour la première fois, et avoir subitement pris la juste mesure du fait qu’elle était un être humain singulier, que le hasard seul lui avait donné comme mère. (page 27)
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Quand un homme me confie qu'il a eu un enfant, lui aussi, je pense en silence, Mon ami, soyons sérieux. J’étais sur le proscenium, en habits de feu, et tu louais un fauteuil d'orchestre. Tu n'as pas la moindre idée. J’ai envie de lui parler du sang, de la peur réaliste de mourir, de la douleur hallucinante, osseuse, de la morsure des points qui cicatrisent, des seins meurtris, de la pression suffocante des montées de lait, de cette impression d'avoir été fendue en deux par une hache, écartelée en étoile, points cardinaux, rose des sables. Aujourd’hui, je lève le front haut quand on m'appelle Madame Kerninon. (p.81)
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