AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de mylena


Récit majeur d'Imre Kertesz, écrit dans les années 60, découvert très tardivement en Europe occidentale (édité en 1992 en anglais, en 1997 en français), ignoré superbement dans la Hongrie socialiste où il avait été édité en 1975. C'est un récit (j'emploie volontairement ce mot car ce n'est pas vraiment un roman ni tout à fait, par la forme, un témoignage) très déroutant et très perturbant pour le lecteur qui ne comprend le parti pris de l'auteur que dans les dernières pages. L'auteur ne nous livre pas un témoignage en racontant ce qu'il a vécu, mais en se mettant dans la peau de l'adolescent qu'il a été et qui partage au jour le jour ce qu'il a vécu, comme il l'a vécu. D'où l'emploi du présent, déjà un tout petit peu perturbant pour un tel récit si on y réfléchit. Imre Kertesz a cherché à éliminer tout ce qui, dans son regard d'adulte, dans le recul pris avec le temps, pouvait modifier la perception de son vécu dans les camps. La violence est quasi absente, mais le lecteur ne peut s'empêcher de la deviner entre les lignes, et de réagir avec ses propres émotions. Ce choix explique le ton du narrateur, relativement froid (plutôt distant d'ailleurs), détaché des événements. le lecteur ne peut que le trouver terriblement passif, candide, naïf jusqu'à l'absurde. Cette distanciation nous paraît paradoxale, mais c'est une manière de supporter ce qui lui arrive, en suivant quelques préceptes simples, au jour le jour, en prenant soin de lui-même aussi longtemps qu'il peut. le narrateur est arrêté à 15 ans, sur le chemin de l'usine, placé en camp de transit puis déporté à Auschwitz où il ne restera que trois jours, suffisant pour qu'il comprenne que les personnes non sélectionnées sont gazés, ensuite il sera transféré à Buchenwald. Pour donner une petite idée de ce qui est perturbant dans ce texte : pour le narrateur Buchenwald apparaît presque comme un paradis ! du décalage entre ce que sait le narrateur et ce que sait le lecteur naît un sentiment d'absurdité et le non-sens profond de la persécution des Juifs. Il survivra, rentrera, sans rien avoir vu des combats de libération car cloué au lit à l'infirmerie pendant toute cette période (alors qu'il était dans le seul camp où les prisonniers ont pris les armes : Buchenwald). A son retour il a la haine, ses voisins juifs non déportés lui disent d'oublier, de passer à autre chose, il ne peut partager son vécu : « j'ai essayé de lui expliquer à quel point c'était différent, par exemple, d'arriver dans une gare pas nécessairement luxueuse mais tout à fait acceptable, jolie, proprette, où on découvre tout petit à petit, chaque chose en son temps, étape par étape, le temps de passer une étape, de l'avoir derrière soi, et déjà arrive la suivante. Ensuite, le temps de tout apprendre, on a déjà tout compris. Et pendant qu'on comprend tout, on ne reste pas inactif ; on effectue déjà sa nouvelle tâche, on agit, on bouge, on réalise les nouvelles exigences de chaque nouvelle étape. Si les choses ne se passaient pas dans cet ordre, si toute la connaissance nous tombait immédiatement dessus..., sur place, il est possible qu'alors ni notre tête ni notre coeur ne pourraient le supporter » Un livre très fort, marquant, à lire absolument !
Commenter  J’apprécie          244



Ont apprécié cette critique (24)voir plus




{* *}