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Critique de DETHYREPatricia


Passionnée par les témoignages et autres récits de vies, il était prévisible que je m'intéresse à ces Mémoires du trader Jérôme Kerviel (même si en fait j'abhorre tout ce qui concerne la banque et la finance) qui a été, début 2008 et pendant de longs mois, sous les feux de l'actualité pour avoir "escroqué" ou fait perdre à la Société Générale 5 milliards d'euros.

Vous avez, j'en suis sûre, entendu parler de cette affaire tant les médias se sont fait des gorges chaudes du scandale et de ce jeune homme manifestement fonctionnant en roue libre qui s'est brûlé les ailes d'avoir voulu être trop gourmand.

Moi, la première, alors cliente de la Société Générale, j'étais persuadée qu'il était coupable, qu'il avait escroqué son employeur, même si quelque part, j'étais gênée aux entournures de constater que manifestement aucun garde-fou ne semblait l'avoir empêché de poursuivre ses actions... On se dit, mais comment cela est possible ! On verra d'ailleurs, c'est bien expliqué dans le livre, que de nombreuses instances de contrôles existent sans pour autant, dans le cas Kerviel, celles-ci aient eu de quelque façon que ce soit à se manifester.

C'est d'ailleurs à la suite de cette affaire, mais aussi considérant les nombreux scandales dans laquelle cette banque était compromise que j'ai fermé mes comptes.

Donc, Kerviel : escroc ou lampiste ?
Je vous laisse juges.

Ce livre est difficile à lire, tant il utilise des concepts financiers qui sont totalement étrangers au lecteur lambda (parfois il faut accepter de sortir de sa zone de confort pour évoluer). Il est même par moment rébarbatif car il fait appel à des connaissances difficiles à intégrer tant elles sont abstraites et tant le fonctionnement du trading en général s'appuie sur des mouvements dits virtuels. Mais, le propos reste intelligible car ce sont avant tout les mots simples de Kerviel qui nous guident dans ce monde opaque et secret.

Mais, ce livre a un mérite indéniable : mettre dans le domaine public la voix de l'intéressé, voix désabusée mais je ne doute pas qu'elle est sincère, que l'on a très peu entendue pendant l'affaire et durant la bronca médiatico-politique qui a suivi.

Jérôme Kerviel expose SA vérité et la façon dont il a vécu des événements AVANT, PENDANT et APRES. Car, il y laissera beaucoup de plumes...

Il évoque sa formation de base et son évolution professionnelle qui l'a conduit vers une banque appréciée à laquelle il semble dire qu'il s'est donné corps et âme dès lors qu'elle lui a donné sa chance de s'exprimer.
Tellement donné apparemment qu'il s'est largement oublié en tant que personne, pour ne plus être qu'un outil - particulièrement bien rôdé et très performant - au service des intérêts de son employeur. Car, c'est un fait, Kerviel ne s'est jamais enrichi (ou si peu) du fait d'avoir fait gagner de l'argent à sa banque ni de cette prétendue escroquerie.

Il évoque dans le détail les quelques mois et années qui ont précédé l'affaire et les circonstances de la découverte d'un problème ! Comme Kerviel, on est saisi par le vertige qui nous gagne à l'évocation des sommes concernés... Et on ressent bien la spirale dans laquelle, sans qu'il y paraisse, il s'est trouvé enfermé. En tant que lecteur, on a un peu de mal à suivre, mais ce que l'on comprend bien en revanche, c'est que jamais les échelons hiérarchiques au-dessus de Kerviel n'ont cherché à vérifier, contrôler, restreindre les agissement de l'intéressé dès lors qu'il avait manifestement la capacité à développer de façon exponentielle les gains pour la banque. D'ailleurs, chaque année, ses objectifs grimpaient encore plus, et en bon soldat trop fier d'être reconnu pour son savoir-faire, Kerviel foncera, chaque fois, tête baissée pour gagner toujours plus.

Il évoque les conditions de sa garde à vue, de son emprisonnement en préventive, des différents temps de l'instruction, de ses relations avec le juge Renaud van Ruymbeke, mais aussi ses difficiles relations avec les différents conseils qui auront à le défendre, tant ceux-ci cherchent à profiter des lumières de sa célébrité ;
il met l'accent, preuves à l'appui, sur les mensonges éhontés de son employeur qui utilise "l'affaire Kerviel" pour camoufler certaines malversations liées à la crise des subprimes et la traîtrise de ses pseudo "amis" collègues qui feront le choix d'accréditer les thèses de la banque et donc de l'enfoncer, en se faisant clairement acheter par elle (cf. en annexes, les montants des accords transactionnels obtenus par certaines d'entre eux). On comprend, qu'avec de tels montants, la banque en question avait sans doute des choses à se reprocher et que la garantie de leur silence (cf. accords de confidentialité signés) était à ce prix-là.
Il met l'accent aussi sur une instruction "à charge" et totalement partiale qui, à aucun moment, ne tient compte des éléments d'information ou preuves apportés par lui ou par ses conseils. C'est que la banque et le pouvoir en place ont vraiment les bras longs (il y a bien longtemps que je ne crois plus à l'indépendance de la justice).

Ce premier livre s'arrête donc juste avant le procès de Kerviel qui s'est tenu en octobre 2010. Après deux ans d'instruction, celui-ci a été condamné à 3 ans de prison ferme et 2 ans avec sursis, ainsi qu'à rembourser la totalité des pertes à la banque. Finalement, ce verdict sera revu à la baisse plus tard, ainsi que les sommes à rembourser. Comme quoi, il y avait peut-être intérêt à ne pas trop insister face aux contre-arguments et preuves qui commençaient à fuiter.

Après avoir lu ce livre, je comprends encore mieux pourquoi je serai à jamais écoeurée par les agissements des banques. Vu de l'intérieur, et explicité comme le fait Kerviel, on se rend mieux compte du fonctionnement de ce monstre froid et tentaculaire qu'est la banque, un monstre qui broie tout sur son passage : ses salariés, ses concurrents, y compris parfois, ses clients (je ne parle pas là des particuliers, mais bien des entreprises ou fonds qu'elle a en portefeuille) dès lors qu'il y a profit pour elle. Ce manque de considération pour l'humain, pour l'éthique me révulse !

On comprend mieux aussi comment l'opinion publique a été manipulée (mais c'est vrai que ce n'est pas nouveau) à grand renfort de "unes" médiatiques. En fait, les citoyens que nous sommes devraient garder à l'esprit que plus il y a du bruit, plus cela signifie qu'il y a manifestement un loup à cacher... C'est vraiment édifiant !

Mon opinion est faite. Kerviel a été dans cette histoire un lampiste. Certes, il a péché par orgueil et par volonté de toujours mieux faire, mais s'il y avait eu l'encadrement requis, les contrôles requis, le management requis (il est totalement livré à lui-même !), sans doute que ce cas Kerviel n'aurait jamais existé. J'espère que les banques en général et les écoles de formation en particulier auront tiré les enseignements de celle-ci.
Mais, franchement, j'en doute !

Un livre dont je vous recommande donc la lecture, pour en savoir plus sur cette affaire bien sûr, mais aussi sur ce monde si particulier du trading.





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