Les émotions muettes

Toutes les colères sont-elles justifiées, légitimes ? Probablement que non. Mais toutes les colères ont des causes qui peuvent être résolues.

La vie relève d'une complexité dont il est difficile de saisir l'essence. Le monde est imparfait. Son regard sur nous est forcément douloureux, mais s'y soustraire ne suffit pas à arranger les choses.

Un monde sans émotion est peut-être un monde meilleur. C'est un monde sans pleurs, sans cri, sans douleur.
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Mais ce serait surtout une société qui n'avancerait pas. Le système en place le serait à jamais.

Une société qui peut se passer d'art est une société qui ne tourne plus, qui ne veut plus évoluer.

L'humain est plus complexe que cette vision simpliste et condescendante. Les failles qu'il voit maintenant en chacun lui révèlent ses propres limites. La plus évidente est qu'il a toujours été misérablement seul. Une solitude vertigineuse. Celle d'une âme égarée dans une plaine déserte.

Les émotions sont les moteurs de la demande économique. La peur pousse les individus à se protéger, le dégoût à maquiller leurs complexes, la tristesse à combler le vide qui les traverse, la colère à détruire ce qu'ils ont et la joie à avoir plus, à acheter plus.

Pendant longtemps on pensait que nos instincts primaires, boire, bouffer, baiser, déterminaient nos choix, mais c'est faux. Nos émotions sont au-dessus de ça.

C'est ce qui m'attriste. L'absence d'émotion entraînera l'absence d'art.

Vivre sans émotions, c'est vivre sans lunettes, le monde extérieur vous paraît flou.

Elle vomit ses collègues et leurs moqueries, ces connards présomptueux qui maquillent leurs vies de merde pour mieux cracher sur les autres. Elle vomit le milieu de l'entreprise et ses règles si barbares. La course au profit qui pousse les individus à oublier leur morale. Elle vomit cette ville nauséabonde aux loyers si élevés où ils s'entassent comme des poules, abrutis par l'odeur de purin et souillés par la pollution. Elle vomit la bêtise du monde, la tyrannie de la médiocrité, l'avènement de la bassesse et de la trahison, la passivité des idiots et la vacuité de leurs esprits si simples. Elle vomit les benêts à commencer par ce vieil homme, Alain Denis, qui est venu dans leurs locaux car on lui a dit de venir. Qui écoute sans broncher, qui ne remet rien en question, qui a trop peur, qui n'ose pas affronter la vraie méchanceté de l'univers, sa vraie puanteur. Elle vomit à la fois cet homme si fragile et le monde sans pitié qui le broie.