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Critique de Lamifranz


Attention, chef-d'oeuvre ! Voici un roman de science-fiction pas comme les autres : plutôt court (moins de 500 pages), mais d'une puissance émotionnelle phénoménale, sans parler d'une portée humaine, morale et philosophique considérable. Je vous garantis que vous serez bouleversés, et que ce bouquin vous marquera pour longtemps.
Mais, me direz-vous, les émotions et la science-fiction ne font pas toujours bon ménage, non ?
Vous avez raison : dans l'espace-opéra en particulier, l'auteur et le lecteur sont sur Terre, mais les personnages évoluent dans un monde différent où les connexions psychologiques (dont les émotions et les sentiments), peuvent se trouver chamboulées par des causes multiples. le lecteur ne peut que constater que "là-bas, ils n'ont pas les mêmes réactions que nous" (là-bas signifiant un ailleurs situé autant dans le temps que dans l'espace).
Dans Algernon, l'auteur, le lecteur et les personnages ont bien les pieds sur Terre et même sur la Terre. Les sentiments sont bien là : amour et amitié, méfiance et hostilité, compassion, mais aussi bienveillance et malveillance, ou encore manipulation. Tous les ingrédients sont là pour une tragédie purement humaine, où les éléments extérieurs propres à la SF n'existent guère.
Le narrateur, Charlie, est un brave garçon boulanger atteint d'une déficience mentale (phénylcétonurie). Pas forcément débile, mais attardé, lui-même se considère comme un être "exceptionnel" et veut "devenir intelligent". Les professeurs Nemur et Strauss (non, pas celui de "H", quoique…) lui proposent une opération chirurgicale qui lui permettra de rejoindre les gens "normaux". Une petite souris, Algernon, subit le même traitement, et devient le double de Charlie - et sa compagne d'infortune. Les docteurs engagent Charlie à décrire ses réactions tout au long du processus. D'abord hésitant et bourré de fautes d'orthographe, son style s'améliore au fur et à mesure de l'évolution du traitement. Ses idées, brouillonnes au début, s'éclaircissent peu à peu. le drame est qu'avec cette régénéréscence, Charlie prend conscience de ce qu'il a été et de ce qu'il devient, mais en même temps de ce qu'on lui a fait et qu'on continue à lui faire. Il prend conscience en particulier qu'Algernon et lui ne sont pas autre chose que des animaux de laboratoire. Devenu un être quasiment "normal" et même presque un génie (il écrit des concertos et analyse l'expérience dont il fait l'objet), il souffre quand même parce que, affectivement, il n'arrive pas à garder le rythme de son ascension intellectuelle. Et d'autre part les traumatismes de son enfance lui reviennent. Jusqu'au jour où Algernon commence à régresser. Charlie comprend alors que le processus s'est inversé.
Le récit fait par Charlie lui-même, nous montre l'ascension, l'apogée et le déclin de l'expérience. le style suit exactement cette courbe, ce qui le rend d'autant plus pathétique.
Les questions soulevées par le livre sont multiples : la morale de la recherche scientifique, l'acceptation du handicap, la "normalité" ou pas (on pense à Elephant man), la place des sentiments dans l'évolution intellectuelle…
L'auteur, et c'est tout à son honneur, ne porte pas de jugement. Il cite les faits, mais ne condamne pas. Même les apprentis-sorciers qui ont pris Charlie et Algernon comme cobaye.
Dans l'excellente série le caméléon, l'un des héros, Angelo (Timmy) vit la même expérience. Et c'est encore plus tragique, car c'est volontairement qu'il accepte sa dégénérescence, en donnant son traitement à un jeune garçon condamné.
Des fleurs pour Algernon doit figurer dans votre bibliothèque (s'il n'y est pas déjà!)
Le malheur dans tout ça, c'est qu'on se dit "ça pourrait arriver", pire encore "ça ne peut pas manquer d'arriver"

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