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Critique de JG55


Yasmina Khadra est un écrivain algérien fascinant et passionnant. Il fait même partie de ce club (très) restreint d'écrivains contemporains que j'apprécie et qui ne me déçoivent pas. J'en ai lu une petite vingtaine de ses romans dont, entre autres, le magnifique "Ce que le jour doit à la nuit".

Ici, Khadra quitte l'Algérie, théâtre habituel de ses romans, et se place résolument dans l'Afghanistan du milieu des années 90, lorsque le régime communiste soutenu par l'URSS s'effondre après une guerre meurtrière et dévastatrice. C'est dans cette période très troublée que les talibans prennent le pouvoir dans une capitale Kaboul, dévastée par les années de guerre, instituant un ordre moral féroce sur un fond de misère et de désorganisation de l'État.

La loi islamique impose une application rigoureuse de la "charia", qui définit, comme chacun sait, "le chemin qu'il faut suivre".

Un des aspects les plus visibles de ceci concerne les femmes confinées et invisibilisées à l'extérieur dans un tchadri, complètement soumises à un pouvoir masculin tout puissant et interdites de formation ou de travail. Mais au-delà de ça, nombreuses sont les interdictions pour tout le monde comme la musique ou le rire dans la rue. Même parler dans la rue est répréhensible aux yeux de la police des moeurs …

Le livre de Khadra évoque deux couples Atiq et son épouse Musssarat, Mohsen et son épouse Zunaira.

A la base, ces deux couples sont très différents. Mais en fait, ils sont ramenés à des conditions à peu près équivalentes. le premier Atiq est un gardien de prison de femmes, dont le sort est pratiquement toujours la mort qu'elle soit par lapidation ou par pendaison ou par une balle dans la nuque suivant je ne sais trop quelle règle. Mussarat, est gravement malade. Un reste de morale et d'amour fait que Atiq ne se résout pas à faire ce qu'on lui conseille vivement, c'est-à-dire de répudier sa femme et de la mettre à la rue. En effet, Mussarat l'avait sauvé au temps de l'invasion soviétique …

Le second Mohsen était un fonctionnaire et Zunaira était avocate en des temps plus cléments. C'était un couple de gens aisés que la destruction de leur maison, la désorganisation de l'État et la loi islamique ont jeté dans la misère.

Comme toujours, le style de Khadra est intense et captivant pour réussir à nous plonger dans cette atmosphère accablante, effrayante et complètement anxiogène. D'une première lecture, on en ressort, indigné et révolté de ce qu'un pouvoir religieux est capable d'imposer à des femmes et des hommes par la contrainte. D'une deuxième lecture, apparaissent deux très beaux portraits de ces deux femmes de conditions très différentes mais qui n'ont rien perdu de leur personnalité et d'une certaine idée de la vie, malgré ces lois avilissantes. Elles sont porteuses d'un très fragile espoir. Il y a de la beauté dans le personnage de Mussarat et dans ce qu'elle va tenter par amour ! Et combien de respect doit-on porter à la révolte silencieuse de Zunaira !

En ce qui concerne Mohsen, Khadra analyse le pouvoir de la foule sur son comportement, qu'il ne comprend pas lui-même, lors de la lapidation d'une femme prostituée. S'il est bien entendu que ce pouvoir religieux refuse tout droit à la femme, en corollaire, il transforme insidieusement les hommes en lâches en leur accordant un pouvoir disproportionné qui les désolidarise des femmes. En d'autres termes, la femme ne peut même plus compter sur l'homme, son époux, pour la défendre.

Ce roman, écrit il y a plus de vingt ans, ne cesse malheureusement aujourd'hui, d'être cruellement et toujours actuel.
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