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Critique de EvlyneLeraut


Crépusculaire, d'une force inouïe, « La Vallée des Lazhars » est un talisman littéraire qui élève sa puissance vitale.
Ici : le règne d'une épopée vertigineuse, humaine, palpitante et charnelle.
La vallée des Lazhars, l'est marocain dans son idiosyncrasie la plus palpable et réelle. La poussière chaude sur les chemins, les habitus et coutumes en apogée. Une vallée lézardée par deux clans. Deux familles qui se méprisent et ce depuis toujours. Les barrières mentales, les vieilles histoires dont la nouvelle génération, ignorent les causes des ressentiments. L'origine oubliée, reste l'affront, le défi et la haine.
Le narrateur Amir Ayami revient sur les terres marocaines avec son père pour un été de retrouvailles avec la famille la grande et l'intime.Le prologue inaugural, un grand-père écrit à sa petite fille (fille de sa fille) et conte l'histoire de son père Haroun Ayami. Ce qui va advenir de ce récit est la généalogie cosmopolite. La langue sensuelle du marocain et la langue pudique, froide de la française. Plus que cela ce livre est la porte d'entrée sur l'histoire d'hommes et de femmes, deux familles : Les Ayami, les plus pauvres, territoire dévorée par l'autre camp. La gloire du côté des Hokbani, l'aisance et la richesse. Les regards comme des affronts. La fierté rayonne néanmoins, tous ont cette attitude de loyauté pour les leurs. Mais le cercle ouvre une brèche.
Six ans sont passés avant cet ultime retour. D'un jeune adolescent, le voici adulte, en quête existentielle. L'ubiquité comme le désert à perte de vue. L'écriture est magnétique, splendide, et attise l'évènementiel. Nous sommes dans des entrelacs initiatiques, celui de jeunes êtres en quête de sens. Amir qui cherche sa voie. Se mêle à l'enjeu de ces existences brûlées par le soleil marocain. Les passions amoureuse comme des défis. Des mirages à perte de vue . On aime ce cousin adopté, orphelin de père et de mère, Haroun, amoureux fou, lui aussi, de Fayrouz une Hokbani. Un triptyque amoureux de sel et de larmes, d'abandon. L'amour qui surpasse les gestuelles interdites. Amir, « - Or, si je n'étais pas tout à fait marocain, je ne me sentais pas pour autant français. Alors je souhaitais être Ayami avant tout, et la vallée des Lazhars devait être ma patrie ».
Les mariages et les enterrements sont les heures de concorde où les ennemis du jour baissent les armes. « Eh bien, souviens-t'en : notre famille est hospitalière avec son pire ennemi, si son pire ennemi tombe malade, elle va a son chevet, s'il meurt, elle le porte dans son linceul jusqu'au cimetière. C'est pareil pour eux... - Quand ils t'invitent, tu acceptes leur hospitalité…Quand tu hais, il n'y a que l'hospitalité qui te permet de ne pas oublier ce qui est important… Tu ne tues pas celui que tu as félicité pour la naissance de son enfant. Si tu oublies ça, si tu ne rends pas visite à ton ennemi, tu t'enterres dans ta haine, tu deviens mesquin, et être mesquin, c'est la pire des choses ».
Le charme d'un livre qui dévore l'imprévisible. On ressent l'aurore féconde, celle qui advient après la tempête de sable. « Je ne sais si la grammaire d'une langue se plie aux caractères d'un peuple, ou si c'est la langue de ses poètes qui en change les tempéraments ». le récit est d'ombre et de lumière, de douceur et de tendresse. Les sentiments serrés comme un café fort, immuables, agrandissent cette vallée ou le bien et le mal est une question d'honneur. L'osmose des migrations. Les intériorités qui frôlent le coeur et attisent les désirs, celles des barrières descendues. Elles attendent l'heure d'une fraternité révélée et conquise.
Essentiel, « La Vallée des Lazhars » est universel. L'essence même de l'exploration humaine et de l'identité. Des heures de marche dans un roman passeur de destinées. Ce livre éperdument vivant est le fronton des amitiés, des liens à la vie et à la mort et de l'abnégation la plus théologale. Vivifiant, au réalisme avéré. On ressent une jeunesse en ébullition avide de sens et de repères. Vibrant, sensuel, viril et intègre, grandiose et indicible. C'est cela cette vallée de l'est marocain. Ce livre est le fronton des amitiés scellées au pacte de sable et de regard. À haut potentiel cinématographique, il est un viatique. N'oubliez jamais son adage : « L'hospitalité est notre unique titre de noblesse. Elle nous permet de haïr sans jamais en venir au meurtre. C'est ça, être lazhri ».
Soufiane Khaloua prouve par ce premier roman, la signature d'un auteur de renom. En lice pour le prix Hors Concours des Éditions indépendantes. Publié par les majeures Éditions Agullo.
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