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Critique de SZRAMOWO


Il y a chez Stephen King deux auteurs, celui qui nous glace d'effroi et fait surgir chez nous les peurs les plus insensées, et celui qui évoque l'enfance et l'adolescence avec une grande sensibilité et la plus grande justesse de ton ; les souvenirs que nous en conservons une fois devenus adultes, la façon dont nous pensons qu'elles ont conditionnés notre avenir ; la façon dont nous en parlons quand nous l'évoquons avec nos amis.
Dans ce registre, Joyland est, selon moi, un modèle du genre.

Deux phrases du grand Stephen, celui qui arrive à se faire passer pour un vieux copain, restituent l'esprit de ce roman :

«S'agissant du passé, on écrit tous de la fiction.» (page 55)
Dans cette phrase, le «tous» est important, d'ailleurs dans le texte il est écrit en italiques, (je me demande d'ailleurs pourquoi Babelio n'accepte ni les italiques ni les capitales dans le texte des chroniques et des citations), Stephen signifie qu'il est l'écrivain, mais qu'en l'occurrence, il considère que nous faisons tous oeuvre d'écrivain en évoquant notre passé.
«Rien ne vaut la routine pour jouer des tours à la mémoire.» (page 190)
de la même façon dans cette phrase il réduit la distance entre l'écrivain et son lecteur.

Joyland traite à merveille de ces questions. En 1973 : «L'année perdue de Devin Jones, puceau de vingt et un ans rêvant de devenir écrivain...», le héros est à la croisée des chemins :
Avec sa petite amie Wendy Keagan ça ne colle plus vraiment, ils ont deux visions différentes de la vie. Elle ne le retient pas lorsqu'il lui annonce qu'il a décidé de travailler dans un parc d'attractions à l'ancienne et qu'ils ne se verront pas au cours de l'été :
«Vas-y», m'a dit Wendy quand je lui en ai parlé. Elle n'hésita même pas. Ce sera l'aventure.

Devin, Dev pour ses collègues, se sent bien dans ce parc, il est y est comme chez lui. Sa logeuse le lui confirme :
«Je pense que vous vous sentirez chez vous Joyland. Vous avez quelque chose de forain en vous.
- Vous êtes la deuxième personne à me dire ça.» (...) «Non, la troisième, en fait.»

A la fin des vacances d'été passées à travailler en compagnie de ses nouveaux amis Thomas Kennedy et Erin Cook, il décide de rester à Joyland sollicite un emploi à temps plein et renonce à s'inscrire à l'université.

ll veut oublier Wendy Keagan et, de plus, plusieurs événements qui se sont produits au cours de l'été le confortent dans sa décision : la diseuse de bonne aventure, Rosalind Gold - Madame Fortuna - l'intrigue - elle lui a annoncé des événements qui se sont produits ; de même, l'histoire de Linda Gray - une jeune fille assassinée dans la Maison des Horreurs dont on dit que le fantôme revint pour hanter cette attraction - le trouble.

Sa décision lui permet de quitter son environnement habituel et de faire le point sur lui-même.
L'ancien Devin Jones disparait peu à peu durant ses nuits d'insomnie passées à écouter les Doors, «La voix de Jim Morrison et l'orgue tintinnabulant et mystique de Ray Manzarek n'arrivaient plus à m'apaiser (...)»

La première moitié du roman, avant que l'on ne pénètre dans l'intrigue, dont je ne vous parlerai pas, décrit avec talent et justesse l'état d'esprit du jeune homme « qui se cherche » désormais seul face à sa vie. Qu'allait-il pouvoir en faire ?

«  (…) vous devez bien comprendre qu'à l'époque, je n'avais aucune échelle à laquelle le mesurer. C'est ce qu'on appelle la jeunesse. » (page 119)

Les adultes dont les réactions varient en fonction de l'humeur et de la position sont une aide toute relative. Nulle part il n'existe de mode d'emploi de la vie :

« - Ne vous chez pas trop tard les enfants, nous conseille Mrs. Shoplaw. Vous vous levez de bonne heure, demain matin. Votre carrière dans le show biz vous attend. » (page 73)

« Compte tenu des ces faits indéniablement tristes relatifs à la condition humaine, vous avez reçu un cadeau inestimable cet été : vous êtes ici pour vendre du bonheur. » (page 78)

« - Appelle-moi encore monsieur et j'te vire, garçon. » (page 85)

Le narrateur est Devin Jones devenu adulte, regardant ce printemps de 1973 «  la dernière année de mon enfance quand j'y repense », dit-il, constatant sans amertume l'échec de sa relation avec Wendy Keegan « Bien entendu, rien de tout cela ne s'est concrétisé »

Dans Joyland, la force de l'écriture et du style de Stephen King est de nous ramener à nous même, nos rêves de jeunesse, nos illusions, nos désillusions et notre incompréhension du monde et de sa destination. Nous-mêmes pauvres humains et notre recherche d'un endroit où, avec nos amis, nous serions à l'abri du chaos.

« Depuis, la vie m'a gratifiée de fort belles années, je ne vous le cacherai pas. Mais quand même, des fois je déteste ce monde. Dick Cheney, ce prosélyte de la noyade simulée (à ne pas confondre avec de la tortue, hein…) et trop longtemps prédicateur en chef de la Sainte Eglise du Rien à Foutre des Pots Cassés, s'est fait implanter un coeur tout neuf pendant que j'écrivais ces lignes (…) Il vit toujours d'autres sont morts. Des gens talentueux comme Clarence Simmons. Intelligents comme Steve Jobs. Et des gens biens (…) »


Encore une performance à mettre à l'actif de Stephen King
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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