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Critique de sosotess


J'ai lu ce livre juste après l'Attrape-Coeurs, et j'ai été à bien des égards étonnée des similitudes entre les deux ouvrages. Hormis que les deux éditions de poche font l'exacte même épaisseur, les deux romans commencent avec un ado américain se faisant exclure de son lycée. et les toutes dernières pages ont aussi des points communs selon moi. Et comme son prédécesseur, ce livre aurait inspiré des auteurs de tueries, entraînant à la demande de King son retrait des librairies. Ceci dit, j'avoue avoir été plus sensible aux névroses de cet ado-là, qui comme son aîné (les deux livres ayant été publiés à 25 ans d'écart), raconte sa déroute à la première personne, celle-ci prenant cependant une forme radicalement différente et bien plus brutale (donc plus intéressante à mon goût).

Notre jeune anti-héros, donc, Charlie de son prénom, a l'esprit marqué par des mésaventures d'enfance qui pourraient être les nôtres, les miennes en tout cas. Mais pour lui, la coupe est pleine, il craque. Il a déjà agressé un de ses professeurs, et après un entretien avec son proviseur pendant lequel il se grille éhontément et lamentablement, commence à perdre le contrôle. Ou à le prendre, au choix.

Car après avoir mis le feu à son casier, répandant ainsi la panique dans l'établissement, il entre en classe, tue sa prof de maths sans lui laisser le temps de dire ouf, et prend sa classe en otage. S'ensuit un huis-clos fait de partages d'expériences, de tests de caractères, de négociations avec l'extérieur, lors duquel, finalement, bien peu de ses camarades s'opposent fermement à lui. Quelque part, ils prennent un peu cette matinée hors-norme comme une aventure, une histoire sensationnelle qu'ils pourront raconter avec excitation, et ils encouragent même Charlie, avec quelques accolades compréhensives. Finalement, ne sont-ils pas tous dans le même bateau?

J'ai apprécié de voir l'envers du décor de ce drame typiquement américain comme il y en a tant, à travers le regard de l'auteur de la tuerie, même si le bilan n'est pas aussi meurtrier et les actions un peu moins machinales qu'ils n'auraient pu l'être.
Finalement, les raisons de son craquage ou l'assentiment de ses camarades justifient-ils ses agissements? Rien ne le peut, même si on tend à l'oublier à mesure qu'il nous apparaît humain, avec ses failles, ses humiliations, ses traumatismes, et que les autres élèves révèlent les leurs comme dans un groupe de soutien psychologique. C'est ce jeune-là qui pète un plomb, mais finalement, ç'aurait pu être n'importe lequel d'entre eux. du coup, la classe entière, sans doute aidée de l'effet de groupe, devient son alliée et même un prolongement de lui si l'on y réfléchit.

Sympathiser avec ce protagoniste fait-il de nous les complices de ces jeunes machines à tuer, pourtant aussi humaines que nous, qui écument régulièrement les établissements scolaires américains? Bien sûr, si l'objectif était de lui trouver des circonstances atténuantes, elles demeureraient faibles. Tout le monde a des problèmes, certains plus graves que les siens, c'est notre manière d'y réagir qui diffère et celle de Charlie est plus qu'excessive. Le but est donc plutôt de le comprendre, d'appréhender son regard sur la société, sur ses parents, ses pairs. Et pour ça, le pari est réussi. On se glisse dans sa peau, on entre dans sa tête, on s'identifie à lui et on le comprend, sans l'excuser. La plume fluide de King nous permet sans mal de saisir comment l'accumulation de petits problèmes apparemment anodins peuvent déboussoler une personne un peu vulnérable, au point de provoquer en elle des désordres bien plus graves que ne le laisse penser son comportement ordinaire. Voilà comment un "jeune sans histoire" finit par perdre les pédales, et King nous en donne une, d'histoire. Pour ma part, elle m'a amplement satisfaite.
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