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Critique de michfred


Shakespeare a dit « All the world's a stage ! » et Andrus Kivirähk , inversant la perspective, affirme que le théâtre est une bulle de rêve, de fiction et de résistance dans ce monde de brutes.

L'ultime citadelle de la liberté, de la fantaisie et de la joie dans un monde de cruauté, de violence et de raison triste.

Je viens de refermer – trop vite, hélas ! mais comment résister ?- le Papillon d'Andrus Kivirähk, dont les ailes diaprées n'ont pas fini de voleter dans mon esprit.

Quelle liberté dans le ton, dans les ruptures assumées avec la chronologie - le narrateur est mort, n'a-t-il pas, dès lors, tous les droits ?- !!

Quelle jolie fable, poétique, légère , si éclairante dans ses moralités suggérées- pas de lourds messages, jamais, on volète aimablement d'une vérité à un mensonge, et les deux sont aussi justes, aussi révélateurs- !!

Quel mélange savoureux de légendes et d'Histoire !

Quelle triste gaieté et quelle douce tristesse !

Ce papillon est à épingler dans toutes les bibliothèques. Oh ! pardon, il faudrait non pas l'épingler mais lui garder son vol léger, ses ailes de fées, ses couleurs paradisiaques !

J'ai littéralement adoré ce roman, cet auteur, son originalité et sa profondeur, derrière sa liberté impertinente !

Juste avant la première guerre et juste après la seconde, August Michelson, (auto-rebaptisé Mihklisoo, pendant la brève parenthèse républicaine où l'Estonie était débarrassée du grand frère russe), nous raconte, dans le plus grand désordre et dans le mélange le plus éhonté de joyeux mensonges et de tristes vérités- il est mort, paix à ses cendres !- l'histoire d'un petit théâtre, l'Estonia, qui se trouve une âme, par le plus grand des hasards, et devient dès lors l'aventure héroïque de toute une troupe, de tout un public, de toute une ville (la ville de Talinn).

Malgré la violence du monde extérieur, qui ne pénètre plus dans ses murs depuis que la passion de la fiction et la magie du mensonge l'animent, malgré la présence, sous ses murs et à sa porte, d'un grand loup gris au regard féroce qui ne ménage pas ses efforts ni ses crocs pour attaquer et décimer la vaillante troupe.

Malgré la fragilité de son éphémère talisman.

Celui-ci a un nom : Erika, c'est elle, le papillon, l'âme de l'Estonia. Sa baraka, sa chance insolente et fugace. C'est elle le grand amour d'August Michelson.

C'est la petite flamme qui brûle dans tous les vrais théâtres.

Tant qu'elle danse avec August, petit lutin timide, tant qu'elle volète d'une fleur à l'autre, butinant tout le suc de la vie, rien à craindre ! le loup gris n'a qu'à bien se tenir ! Mais parfois les valses changent de tempo, et les danseuses, bien malgré elles, de partenaires,..

La musique devient alors un pas de deux avec la mort et l'espoir s'envole, se fait la malle, au milieu des décors de papiers et des robes de princesses…

Vite, vite, si vous aimez la poésie, et surtout le théâtre , si vous adorez découvrir un ton, un pays, un esprit à nul autre pareil, partez à la chasse au papillon, comme dans la chanson de Brassens , et revenez-en le coeur tout bouleversé, tout chaviré de bonheur et de chagrin !

En refermant le livre, je me suis demandé, aussi, si chaque vrai théâtre n'avait pas son papillon..

Gérard Philippe ou Jean Vilar pour l'ancien TNP.

Et, plus près de nous, ne voyons- nous pas battre encore les grandes ailes vibrantes de Peter Brook ou celles si colorées d'Ariane Mnouchkine, ces vieux papillons toujours vivaces, toujours volants ?

Mais jusques à quand ?

Et que deviendront, après eux, les Bouffes du Nord ? le théâtre du Soleil ?


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