Citations sur Shangrila (22)
Clients de l’hôtel rattachés au championnat de l’US open de surf : 154
Capacité de l’hôtel : 120
Valeur des serviettes de toilette volées : 1 000 $
Valeur des autres articles appartenant à l’hôtel volés : 5 000 $
Valeur des notes de minibar non comptabilisées : 10 000 $
Valeur du room-service facturé sans autorisation : 3 000 $
Nombre de six-tonnes Ford ayant embouti le hall de l’hôtel et détruit six plantes d’intérieur ainsi que la réception : 1
Nombre de piscines ayant dû être vidées après avoir découvert des clients en train de faire leurs besoins dans l’eau : 2
Nombre de chambres dévastées par le feu : 3
Nombre de fois où l’Huntington Travelodge accueillerait à nouveau un championnat de surf : 0
Le surf était déjà pourri en 1960, alors imaginez en 73. En ruine. Le seul surf pur qui restait, le surf innocent, le surf de l’âge d’or, il se trouvait en toi, à l’époque où t’étais trop jeune pour connaitre toutes ces conneries. L’âge d’or du surf, c’est quand t’as douze ans et que les journées durent cinquante heures d’affilée et que tous les jours tu surfes des vagues énormes sur une mer de rêve, et qu’y’a personne à l’eau et que tu prends cent vagues parfaites par session. C’est quand tu vois un autre gosse avec une planche sous le bras et que tu l’arrêtes pour lui demander à quel break il va, et que vous vous mettez à parler et du coup vous partez ensemble pour surfer ce break-là. Le truc, c’est que l’âge d’or ça arrivera toujours qu’à un gamin de douze ans, pasqu’après il se réveille et le surf est devenu ce truc commercial, l’eau est blindée de monde et voilà c’est tout foutu et il lui reste plus qu’à soupirer jusqu’à la fin de sa vie.
Et quand il voit un autre gars avec une planche sous le bras, maintenant, il espère juste qu’il va se faire écraser par une voiture avant d’atteindre la plage.
L’âge d’or, mon œil.
Y'avait aussi ceux qui disaient que le surf c'est gratuit. Quand ils s'étaient mangé une bonne planche dans la tronche, ils sortaient plus ce genre de conneries. Le surf, c'est pas gratuit. Le surf, ça a besoin d'ordre et de civilisation et d'usages. Un ordre hiérarchique auquel tout le monde obéit. Avec toi tout en haut.
"Au fait, Den", il a fait.
J'ai regardé mon gros orteil noir à force de me cogner tracer des vagues dans le sable.
"M'man elle est pas à toi, elle est à moi".J'ai regardé mon gros orteil noir à force de me cogner creuser un cratère dans le sable.
"La tienne c'était une aut'. Elle t'a eu et après elle s'est barée, et toi on t'a largué à Snapper."
(...)
Tout le bon feeling d'avoir surfé sur cette vague : effacé
ouais, pourquoi il a fait ça
j'ai ramassé le longboard et j'y suis retourné direct. Il fallait que j'en attrape d'autres, chaque nouvelle vague comme un grand coup de chiffon mouillé sur un tableau noir.
Mais tu peux y aller tant que tu veux avec le chiffon, la tache elle est pas partie.
Même après un million de vagues.
L’autre truc que t’as appris : à l’eau, c’était la guerre.
[…]
À prendre des vagues déjà prises. À se donner des coups de pied dans les planches. Rod a poncé le rail des siennes, histoire de bien faire saigner quand il donnait une beigne à un autre surfeur à la cheville. Il est devenu tellement bon à ce p’tit jeu qu’il était capable d’aller à l’avant de sa planche et de donner un coup avec l’arrière, et aussi la dérive et tout le bazar, à quelqu’un qui était derrière lui sur la vague. Si y’avait eu des points à grappiller pour utilisation de la planche comme d’une arme, Rodney Keith Keith serait devenu champion du monde.
M'man a regardé le trophée, qui commençait déjà à paumer sa peinture dorée :
- Deuxième, hein ?
- Ouais, M'man, deuxième du secteur ! Deuxième après le champion de l'open d'Australie !
Elle s'est approchée et elle lui a pris la figure dans ses mains.
- Personne se souvient du deuxième, lapin. Personne. Des clous.
Tu l'as fixée longtemps, jusqu'à ce que tu tombes dans ses yeux verts injectés de sang et que tu te noies. (...)
- Fais juste en sorte d'arriver premier la prochaine fois, d'accord ?
- M'man ?
- Oui, mon poussin ?
- Y'a assez d'sous en bas pour que t'aies plus jamais besoin de décortiquer des crevettes.
Des fois quand on me demandait de signer un contrat ou un autographe, je le faisais avec ce stylo à encre magique dégoté dans une panoplie de magicien, où l’encre s’efface et disparaît cinq minutes après. J’étais jamais là pour voir leur tête quand ils s’en apercevaient, mais j’étais mort de rire rien qu’à l’imaginer.
" J'avais pas vraiment de copains.
- Forcément que si. Glenn Tinkler, Frank Johnson, Michael Peterson ?
- C'était pas des copains. C'était des surfeurs.
- Et un surfeur pouvait pas être un copain ?
- Pas s'il était à l'eau.
- Même si c'était votre frère ? "
Tu lui lances un de ces regards longs à lui réfrigérer le sang. Vérifie si tes aviateurs sont toujours là.
" Surtout pas si c'était mon frère.
- De votre point de vue, vous n'aviez pas d'ami dans la communauté surf ?
- Une contradiction, ma fille. La communauté surf. S'ils surfaient, c'est qu'ils essayaient de me voler mes vagues. De les gâcher."
Grillage, béton lézardé, agglo, faux gazon, agglo, lino, agglo, éponge, humidité et naphtaline.
Ta meilleure année, celle-là. Dennis Keith, dix-huit ans, homme d’affaires, self-made man, nation autonome. Surfeur et shapeur à plein temps, lycéen de temps en temps. Keiths Surf Boards, KSB pour les intimes, cassait la baraque. Coûts = zéro. Recettes = en augmentation constante. C’était la Gold Coast, la nouvelle Californie : ananas, bananes et chapeaux de paille. Drive-in, parkings. Dennis passait la nuit dans son atelier pendant que Rod faisait la fête en haut. Après ça, le matin, Dennis sortait avec sa nouvelle planche et personne y allait tant qu’il avait pas fait ses tests, qu’il avait pas pris les meilleures vagues de l’aube sur la mer-miroir.