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Critique de Palindrome1881


L'histoire de Ginette Kolinka est racontée sous la forme d'une bande dessinée. On ne peut pas dire que cette survivante de Birkenau fait dans l'apitoiement, elle s'attache aux faits rien qu'aux faits. Elle explique d'ailleurs ne plus avoir pu pleurer après sa sortie des camps parce qu'on revient au monde très différent comme lors d'un "retour de l'enfer", dit-elle.
Sans détours elle raconte aux élèves qu'elle accompagne en sortie scolaire à Birkenau que les déportés, terrifiés par la violence nazie et réduits à la survie, sombraient dans l'égoïsme. L'objectif premier était de survivre, ignorer les morts, ne rien exprimer pour s'éviter les sanctions, marcher droit et tout faire pour sortir vivant. Elle parle brièvement de Simone Jacobs (Veil) qui lui fera cadeau de sa robe au moment où celle-ci fut envoyée dans un autre camp, un geste très généreux et très rare. Ginette est seule et finalement se trouve chanceuse de l'être car elle n'aurait pas supporté voir sa mère ou ses soeurs souffrir sous ses yeux. Ce récit est absolument nécessaire.
Il montre avec simplicité, sincérité et rectitude comment les monstres s'organisent pour que leurs proies- les victimes- ne puissent pas organiser une résistance ou la révolte, il suffit de les traiter comme des bêtes, les faire vivre dans un monde monstrueux, alors la solidarité s'éteint, chacun ne pense plus désormais qu'à soi, au jour le jour, minute après minute.

Cette femme est admirable car par delà cet enfer elle semble avoir gardé humour et jovialité, sens de la dérision.

De retour chez sa mère à Paris (cette dernière n'a pas été arrêtée) à la fin de la guerre, elle ne pèse que 26 kilos ! Elle répondra tout de go à sa mère qui attend encore le retour du père et du fils, qu'il n'y a absolument plus rien à attendre puisqu'ils ont été brûlés (gazés, puis brûlés). Elle mettra des années à comprendre la violence de cette nouvelle lancée à sa mère, seuls les gens ayant baigné dans l'enfer des camps pouvaient comprendre. C'était son quotidien depuis des mois et n'a donc pas su envelopper la réalité dans du papier de soie le jojr de son retour, la vérité est tombée comme un couperet inintelligible.

Après la guerre, de toute manière, c'est le silence, dit-elle. Personne ne parle des camps , ne veut en parler, encore moins retourner sur les lieux. On s'exprime dans des associations mais pas en famille, pas entre amis, encore moins sur la place publique.

C'est bien plus tard que Mme Kolinka acceptera d'expliquer les raisons de son tatouage sur le bras, son histoire et d'intervenir dans des écoles pour que les générations à venir ne connaissent "jamais, jamais, jamais, jamais, jamais, jamais, jamais, jamais, jamais, jamais... cela" comme elle le dit (ce sont aussi les propos qui m'ont été tenus par ma grand- mère paternelle au sujet de la guerre) .


Pour finir, cette grande dame - pour ceux qui n'ont pas encore établi le lien - est la mère du batteur du groupe de rock mythique Téléphone, Richard Kolinka, la grand- mère de Roman Kolinka, et l'ex belle- mère de Marie Trintignant.

La Bd est très bien faite, la trame narrative impeccable (on navigue entre plusieurs époques sans difficultés), les dessins, les couleurs sont très nets et expressifs. J'aime particulièrement lorsque Mme Kolinka retourne avec les ados à Birkenau, on voit apparaître entre les murs les anciens déportés mais à la manière de fantômes .

Une bd à mettre entre toutes les mains.



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