Alors je tentais ma bonne vieille méthode, qui consiste à ranger les déceptions, les erreurs et les remords dans une boîte sur laquelle est écrit PARASITES. Mais ce remords-là avait du mal à rentrer dans la boîte.
Ce ne serait pas la première fois que nous passerions des images filmées à travers les fenêtres- un jeu d'enfant pour Nelson, en réalité-, mais jamais nous n'avions dû filmer d'aussi loin. Il fallait trouver une combine.
Si le cancer n’était pas contagieux, la peur l’était, et on sentait son odeur flotter au milieu de celles des fleurs en pot et de la Javel.
L’info exige des professionnels et des moyens, et tout cela a un coût. Ce coût, nous ne pouvons y faire face qu’en obtenant de la publicité qui, elle-même, dépend de l’audience.
C’est un golden boy, né avec les clefs du royaume et avec tous les courtisans et autres lèche-bottes qui vont avec.
J’aimais les hommes qui sentent l’homme, quoi qu’il en coûte.
C’est très mal vu de fréquenter des gens qui ne sont pas nos pairs et personne ne déroge à la règle, à moins que les caprices de nos fondateurs n’en décident autrement.
J’aimais les infos pour ce qu’elles racontaient des petits travers de nos semblables, pour l’urgence et la pression, et dans le cas des meilleures histoires, pour leur part de mystère. C’est l’inconnu qui m’attirait.
Je suis tombée de très haut avec cette histoire, et pourtant j’ai vraiment fini par adorer passer de l’autre côté du miroir, celui de la prod. Pour moi, il s’agit encore et toujours de raconter des histoires, quel que soit le bout de la caméra par lequel on les prend, et c’est tout ce qui compte. On s’accroche tant bien que mal, sachant qu’on peut se lever le matin au sommet pour se coucher le soir tout près de la porte. Un claquement de doigts, et c’est fini.
Je ne dirais pas que j’ai la mémoire photographique. Mon cerveau, par exemple, n’enregistre pas les articles dans les journaux ou les textes écrits en général. Quant aux chiffres, c’est pour moi une langue étrangère. Seules les images s’impriment de manière indélébile dans ma mémoire, ce qui est un atout considérable à l’heure de boucler. J’arrive à me souvenir de chaque angle, de chaque plan, où il a été filmé, à quel moment, s’il y avait des feuilles sur les arbres ou de la neige sur le sol, des touristes qui s’agitent dans le fond. Ce genre de choses. Mais le défaut de cette qualité, c’est que je ne peux pas m’en débarrasser. Même pas des images pénibles.