Presque étranger pourtant

Je sais que les éducatrices s’étonnent que la Petite aille au jardin d’enfants. Je sais qu’elles se demandent ce que je fais au village, quand j’arrive au jardin d’enfants pieds nus, en t-shirt et en jeans et que je viens chercher la Petite pour le repas de midi. Mais les enfants ont besoin des enfants. Je l’ai dit plus d’une fois. Les éducatrices l’ont gentiment admis. Nous ne parlons guère quand je viens chercher la Petite. Je bouscule les règles en vigueur. Les enfants sont amenés le matin et restent jusqu’au soir. Mais la Petite me manque. Je veux sentir sa main dans la mienne. Je veux voir son enthousiasme quand elle mange à la cuillère. Et tout autant, j’ai peur de la Petite, je redoute que pour elle : ce que nous faisons ici, pourquoi nous sommes venus. Et si un beau jour la Petite se ceignait d’une corde à linge pour escalader un rocher, pour aller voir la forêt d’en haut, les cimes des arbres qui ne restent presque jamais immobiles ?