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Critique de SZRAMOWO


«J'étais en fin de droits et je ne toucherai rien pendant neuf mois ; mon dernier boulot, livreur d'annuaires, je l'avais perdu une semaine plus tôt parce que le pot d'échappement de ma voiture était mort et que je n'avais pas de quoi le remplacer ; j'étais radié des allocs parce que j'avais gagné 250 dollars le mois d'avant ; et on allait bientôt avoir deux mois de loyer en retard. le proprio allait changer les serrures d'un jour à l'autre.»

Une citation qui résume assez bien la situation de Billy le héros du roman Vulnérable de Richard Krawiec.

Dans une Amérique déboussolée, le roman est censé se dérouler fin des années 1980, début des années 1990 après huit années de Reagan et avant quatre année de Bush, Billy vit de petits boulots qui incluent le deal et quelques braquages d'épiceries ou de stations service.

Il est en rupture de famille. Ses parents Jake et Phyllis, sa soeur Carol et son frère Randy, qui ont choisi la voie de la légalité, un travail régulier, une assurance-santé et un fonds de pension attractif voient leur avenir s'assombrir, mais ne comprennent pas pourquoi.

Dans la préface, Krawiec explique que les électeurs de Trump ont connu la même trajectoire de sortie du rêve américain. Il partage cette analyse avec Micael Moore.

L'écriture sans fioritures et sans détours de Krawiec sert le propos avec justesse.

Quand la maison des parents de Billy est vandalisé, ce n'est pas à la police qu'ils pensent, mais à leur fils.

Le retour de Billy est aussi une illusion. Que pourra-t-il régler, lui qui a une vision de la réalité faite de ses échecs successifs et de sa dérive sociale.

«Et moi, à mon âge, où est-ce que je devais en être ? Qu'est-ce que j'aurais dû accomplir ? A mon âge, mon père avait acheté cette maison, il avait trois gosses et un boulot. Moi ? J'ai regardé mon blouson en cuir râpé, mon jean usé à la corde, mes bottes avec la semelle qui se décollait, les fringues minables éparpillées sur la table de la salle à manger. (...) Je n'avis nulle part où aller. Personne à retrouver. L'avenir ?»

Le roman est une suite hallucinante de récits de l'enfance de Billy, de la désagrégation des liens familiaux, du repli sur soi, de la méfiance entre ceux qui partent et ceux qui restent.

Krawiec évite le manifeste social en suggérant plus qu'en décrivant le contexte économique et social qui enferme les personnages dans leur trajectoire de sortie de route. La lucidité n'est pas leur point fort. Sauf peut-être Billy et son introversion mortifère qui l'amène quand-même à penser :
«Est-ce que je pouvais prétende à l'existence ? Au fond la question n'était pas qui j'étais, mais simplement, est-ce que j'étais ?»

Un livre sans concessions qui met le lecteur face à ce qu'il peut refuser de voir dans sa vie quotidienne, mais qui ressort des études et des sondages aujourd'hui dans la plupart des pays développés, la peur du déclassement et le choix paradoxal de solutions politiques qui vont accélérer ce déclassement.

A méditer. Livre reçu dans le cadre de la masse critique «Mauvais genres» merci Babelio et les Editions Points-Seuil.
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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