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Critique de Seraphita


J'ai pu découvrir ce recueil grâce à une opération Masse Critique.
« Dans les prairies d'asphodèles » est un petit recueil construit en deux volets autour de deux formes d'art qui ici, se complètent et se marient harmonieusement. D'un côté, le ciseleur des mots, Bruno Krebs, né en Bretagne. de l'autre, une orfèvre des images, Cristine Guinamand. Pour clôturer ce dialogue minutieux, une lecture d'Antoine Emaz, poète angevin, vient brosser une vue d'ensemble de l'oeuvre, en judicieux point de capiton.
Sous la forme d'une prose poétique, Bruno Krebs dessine deux volets d'une oeuvre originale. le premier volet, intitulé « Dans les prairies d'asphodèles », se veut structuré, les mots agencés précisément, de façon concise, venant restituer des songes et souvenirs d'enfance. le second volet se nomme « Jours ». Peu à peu, la prose semble se libérer des contraintes syntaxiques, comme si les mots, en se heurtant, s'entrechoquant, juxtaposés sans la ouate des virgules ni des points, s'envolaient, permettant à un sens d'éclore, autorisant le monde de l'auteur et celui du lecteur à se rejoindre. Dès lors, des étincelles d'émotion jaillissent, à la confluence des mots patiemment façonnés, polis par Bruno Krebs, des images créées par Cristine Guinamand qui enserrent délicatement les deux volets - un papillon en devenir dans sa chrysalide - et de solitudes qui consentent, pour un temps, à s'extraire du monde, le temps de l'écriture pour les uns, le temps de la lecture pour les autres, pour mieux retrouver et son centre et son sens.
« … en elle je trouverais le tout, le rien, le plein et le vide –
le silence et le vent –
mon centre et mon sens et mon souffle, épanouis sans borne aucune » (p. 29.)

Deux volets donc, scandent le recueil, deux contrepoints, deux chants à la courbure inversée, depuis la rêverie jusqu'au réel, un point de départ et d'arrivée, tel un Ouroboros.
L'auteur explore la solitude en une série de fresques où la nature, sous diverses formes, explose, respire, vient faire écho à ses paysages psychiques. Car le manque est là, qui traverse les deux volets – brisure continue – en échos intérieurs, portés par les mots, autant de déchirures, de fêlures muettes.
« Amours de rien ne me protègent, ne m'habillent – me laissent peau nue écaillée au soleil – aux brûlures de l'absence. » (p. 75.)
Les prairies d'asphodèles seraient-elles au fond ces limbes que hantent les apatrides, condamnés à boire les eaux du Léthé, rongés par l'oubli, maintenus dans une indifférence lénifiante ?

Malgré la mélancolie qu'exsude chaque fresque, peinte ou écrite, les artistes savent capter et retenir la lumière que le noir met en valeur. Fleurs, air marin, froid rugueux des montagnes enneigées, soleil qui pleure des larmes d'or, enfance qui déferle et bouillonne en écumes de souvenirs, paysages et passages urbains, l'oeuvre bouleverse, transmute et chavire pour qui sait prendre le temps de s'immerger dans l'inédit de ce voyage des sens.
Si la plaie vive de l'absence s'inscrit en creux de chaque mot, l'oeuvre reste portée par une énergie vive. Elle est marquée par la continuité d'une quête qui se veut patiente, qui, pas à pas, saison après saison, déroule en litanie d'images et de visions le chemin d'une construction de soi.
Je tiens à remercier les éditions l'Atelier contemporain et Babelio pour cette très belle découverte.
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