La rose blanche

La Vénus de Danet montrait trois femmes nues. Le centre d’intérêt du tableau était une beauté endormie, à la chevelure sombre. Ce doit être Marie Anne, pensai-je. Sur cette toile, une blonde, dont les longues boucles s’enroulaient sur la majeure partie du tableau, une rousse et une brune gisaient enchevêtrées dans des positions aux courbes sinueuses.

En général, mes professeurs faisaient l’éloge de mon écriture. J’étais particulièrement fière de mes récents devoirs sur Les Vierges de Klimt, La Persistance de la mémoire de Dali, avec les montres molles qui symbolisaient le temps qui file, et la tristesse dans les toiles du Greco, y compris son Assomption de la Vierge.
Malgré tout, l’impressionnisme restait ma période préférée, il me fascinait plus que n’importe quel courant. Malheureusement, je détestais le spécialiste de cette période à l’université, le professeur Mhost, qui se trouvait être mon directeur de thèse.

En tant qu’ancienne chanteuse d’opéra, ma mère est obsédée par son image et sa voix. J’ai contemplé le mur, le regard vide, et elles m’ont proposé une glace à la vanille que j’ai refusée. Elle a dit à son amie que j’avais toujours été ainsi, et elles sont parties. Depuis mon lit, j’ai entendu leur calèche dans la rue pavée. Peu de temps après leur départ, le docteur Weller est apparu. Il m’a demandé de venir dans son bureau afin de discuter de l’incident. Il m’a posé d’innombrables questions sur mon enfance et il m’a hypnotisée. Puis, une fois sortie de ma transe, j’étais incapable de me souvenir de quoi que ce soit.

Elle a de l’argent à ne savoir qu’en faire, et elle passe la majeure partie de son temps à faire les boutiques ou à se faire belle, mais malheureusement, pendant le temps qu’il lui reste, elle me torture.

Quelle garce, pensai-je, lorsque la porte se referma. Qu’est-ce que Markus pouvait bien trouver à cette femme et comment était-ce possible ? Je serrai les poings et m’écroulai devant La Rose blanche. Mon père était radin, mais riche, assis sur des millions. Il dirigeait l’une des agences de pub les plus réputées au monde, attirant une clientèle internationale. La folie dépensière de Sybille devait avoir eu raison de son pactole. Je contemplai La Rose blanche et redoutai de ne jamais revoir ce portrait. Je me resservis un verre, incapable de refouler mes larmes.

Margot était l’exact opposé de Markus : naturelle, chaleureuse, aimante. Dans la cinquantaine, elle avait une chevelure brune striée de gris, des yeux vifs d’un beau vert, et des formes généreuses. Elle faisait preuve d’une énergie illimitée et suivait à la fois les informations et le marché de l’art avec passion. Elle n’avait pas d’enfants et ne s’était jamais mariée, à l’inverse de mon père. Je m’efforçais sans cesse de leur trouver des ressemblances, sans jamais y parvenir.

Pour une femme qui vivait sous l’ère victorienne, elle ne manquait pas d’audace. J’aurais aimé lui ressembler. Marie Anne avait manifestement une grande force intérieure – ce dont, à mes yeux, je manquais cruellement.

Marie Anne tomba amoureuse d’un artiste sans le sou, Maurice Danet. Auprès de lui, elle éleva même un fils illégitime né d’une précédente relation et elle s’efforça de tracer son propre chemin dans le monde. Radicale pour son époque, elle rejeta la morale de l’élite européenne de la fin du XIXe siècle et divorça de son époux pour se marier avec Maurice Danet. Ensemble ils eurent une fille : Francesca Danet.