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Critique de YvPol


Six nouvelles barrées, philosophiques, bon en fait, pour Krzyzanowski, tout est prétexte à philosopher, surtout s'il s'agit de Kant.

- le marque-page : comment de la redécouverte d'un marque-page soyeux, de qualité qui ne souffre pas de côtoyer des pages banales, le narrateur, se retrouve à écouter les histoires d'un "attrapeur de thèmes" qui invente plus vite qu'il respire des histoires folles.

- Superficine : une substance bien appliquée sur les murs d'une chambrette de 8 m2 peut en augmenter les volumes, mais attention aux conséquences.

- Dans la pupille : un homme voit dans l'oeil de sa bien-aimée un petit homme. Dès qu'il ne le voit plus, il refuse de voir son amie en plein jour, jusqu'à ce que ce petit homme lui raconte sa vie et la vie dans l'oeil de cette jeune femme

- La treizième catégorie de la raison : Kant a théorisé douze catégories de la raison ; et s'il en existait une supplémentaire ? Un fossoyeur voit et entend les morts qu'il enterre.

- La métaphysique articulaire : un homme répond à un questionnaire, il est le numéro 11 111 et son objectif dans la vie est de "mordre son coude", ce qui irait à l'encontre d'un proverbe russe célèbre.

- La houille jaune : la terre va mal et l'énergie fossile est manquante, toute activité va bientôt cesser. le professeur Lekr trouve une idée originale pour créer de l'énergie : se servir de la haine humaine.

Certaines nouvelles ne sont pas exemptes de longueurs, mais chaque début d'histoire et même d'histoire dans l'histoire est un ravissement. Sigismund Krzyzanowski sait raconter et nous perdre -avec bonheur- dans les dédales de son esprit fantasque. Il sait être drôle, ironique, satirique, savant, critique de la société de l'époque, des philosophes qui s'emparent de tous les sujets, qui ont des opinions sur tout : "les philosophes qui parlent du monde aux hommes voient le monde, mais ne voient pas que, dans ce même monde et à trois pas d'eux, leur auditeur meurt tout simplement d'ennui" (p.128) Il est également ce qu'on appellerait aujourd'hui un visionnaire puisqu'il décrit une terre en pleine crise écologique (La houille jaune) à cause du profit à tout prix, une société qui marche totalement sur la tête et qui s'empare d'un phénomène de foire pour faire des affaires (La métaphysique articulaire), de nos jours, cet homme qui tente de mordre son coude serait une "star" de la télé et des émissions bas de gamme ; il parle aussi de littérature et des écrivains qui ne recherchent que la gloire : "Des écrivains de valeur ! (...) Il faudrait diviser votre premier mot en deux : écri-vains. de vains écrits sans valeur. Effectivement ce n'est pas ce qui manque."(p.29), on pourrait même croire que Sigismund Krzyzanowski connaissait le phénomène de la rentrée littéraire française : "les lourds camions littéraires de ces dernières années roulant à vide traversèrent avec fracas ma mémoire." (p.15)

Il bâtit ses histoires, parfois en partant d'un rien, juste d'une idée farfelue, comme cet homme qui veut mordre son coude, ce fossoyeur qui voit et entend les morts ou ce petit homme qui vit dans l'oeil d'une femme et à chaque fois son idée monte en puissance, dérive vers des considérations philosophiques, sociétales : ses personnages sont totalement déjantés, mais ses réflexions sont intelligentes, fort bien formulées et passionnantes.

Une lecture décapante et originale, pas banal pour des écrits impubliés en leur temps et qui datent de presqu'un siècle. A découvrir absolument
Lien : http://lyvres.fr
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