AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de mjaubrycoin


"un acte de traduction est toujours un acte de trahison"
Avec une telle phrase en exergue du roman, on peut supposer que le parcours des héros ne sera pas un chemin semé de roses et ce d'autant plus que le sous-titre du livre est "la nécessité de la violence".
Je pensais à la lecture des articles de presse consacré à ce pavé de plus de 750 pages qu'il s'agissait d'un livre de fantasy destiné à un public de jeunes adultes mettant en scène des étudiants de la prestigieuse université d'Oxford. C'est effectivement le cas même si la magie n'est pas centrale dans le déroulement de l'intrigue. Mais pas que ...car j'y ai vu avant tout une dénonciation sans concession du colonialisme, une critique féroce de la domination britannique sur le monde et un appel à la violence pour permettre aux pays émergents de faire entendre leur voix et de conquérir de haute lutte le respect de l'Occident.
L'histoire est loin d'être joyeuse . Nous suivons le parcours de quatre apprentis traducteurs qui étudient sans relâche afin de maîtriser les langues et de pouvoir créer des associations de mots gravées sur les barres d'argent, qui constitueront le combustible d'un progrès fulgurant. le pouvoir des mots permet en effet de guérir les malades, de faire avancer rapidement trains et diligences, de suppléer à la main d'oeuvre dans les usines, d'embellir la vie de ceux qui sont assez riches pour se les procurer.
Bien entendu les jeunes héros ne peuvent que constater que leur origine étrangère ( au moins pour trois d'entre eux) ne leur permettra jamais de s'intégrer totalement dans une société qu'ils contribuent cependant à consolider.
Une révolte souterraine gronde et la perspective de voir la Grande Bretagne déclarer la guerre à la Chine pays dont est originaire le principal protagoniste Robin, conduit les jeunes gens à rejoindre une organisation secrète qui s'est donné pour but de mettre fin à la domination occidentale sur le monde.
Peu à peu la situation tourne au tragique avec des meurtres, des trahisons, des destructions et le repaire des traducteurs en rupture de ban , cette fameuse Babel qui donne son titre au livre, deviendra le siège de la révolte.
Plus que l'analyse un peu simpliste des méfaits du colonialisme, j'ai beaucoup apprécié le travail de l'auteur sur l'étymologie et le pouvoir du langage ainsi que les profondes réflexions liant la langue à la civilisation qui lui a donné naissance.
Rebecca Kuang fait preuve d'une érudition certaine qui pourra peut-être décourager les lecteurs de fantasy qui ne sont pas forcément habitués à de telles incursions sémantiques qui, il faut le souligner, ralentissent quelque peu le déroulement du récit.
Par ailleurs, l'histoire est vraiment très noire et l'espoir bien absent, de même d'ailleurs que l'amour qui parait réduit à sa plus simple expression alors que l'on a affaire à des jeunes gens dans la force de l'âge, de sexe opposé, qui passent tout leur temps ensemble. Dans mes souvenirs (certes anciens ) l'étude approfondie du grec et du latin n'avait pas un tel effet dévastateur sur la libido ...et les étudiants de tout temps ont trouvé des moyens de se soutenir agréablement sans pour autant nuire à leurs chères études !
Il aurait peut-être été judicieux de resserrer l'action pour rendre le récit plus tonique car il faut bien remarquer qu'il y a des passages qui paraissent bien ternes (et bien longs) et aussi de développer davantage la psychologie des personnages pour les rendre plus attachants.
Pour conclure, je dirai que j'ai plutôt apprécié cette lecture qui m'a quand même pris une semaine entière, car il faut venir à bout des 764 pages et je tire mon chapeau au graphiste qui a réalisé la sublime couverture si sombre qui reflète bien la tonalité de l'oeuvre qu'elle illustre.
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}