AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Michel Pagel (Traducteur)
EAN : 9782378763572
De Saxus (09/11/2023)
4.02/5   400 notes
Résumé :
Traduttore, traditore : un acte de traduction est toujours un acte de trahison

1828. Un jeune orphelin chinois est recueilli à Canton par un professeur et conduit à Londres. Rebaptisé Robin Swift, le jeune garçon consacre ses journées à l’étude des langues dans l’optique d’intégrer le prestigieux Institut royal de traduction de l’Université d’Oxford, plus connu sous le nom de Babel. Berceau de l’argentogravure, les étudiants y exploitent le sens perdu... >Voir plus
Que lire après BabelVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (109) Voir plus Ajouter une critique
4,02

sur 400 notes
Comment passer à côté de cette couverture absolument magnifique ? Et d'un résumé si prometteur. Comme beaucoup, je n'ai pas pu résister à Babel. J'y voyais une lecture prometteuse abordant des sujets toujours d'actualité, malheureusement, mais surtout l'univers du livre, des mots, de la traduction prendre une ampleur que l'on voit rarement. Malgré tout l'engouement autour du roman qui me fait d'habitude peur, je n'ai pas hésité. Et je ne vais pas vous mentir… mes attentes ont été assez vite déçues.

J'ai un bon rythme de lecture. Avec environ deux cents lectures par an, je n'ai pas peur de m'attaquer à des briques de 600/700 pages. Et pour finir l'année, je m'étais dit que Babel serait parfait. J'ai mis plus d'une semaine à le lire… et à chaque fois, je m'endormais dessus… Oui, c'est un gros indice sur le fait que je me suis vraiment beaucoup ennuyée et que le coeur n'y était pas. J'ai parfois du mal à m'endormir, mais je ne m'attends pas à ce qu'un livre me serve de somnifère. Jamais. Et pourtant, j'ai persévéré.

Il y a pour moi plusieurs problèmes. Déjà des personnages auxquels on n'arrive pas à s'attacher. Trop fades, sans réels nuances, ne cherchant pas vraiment à évoluer. J'ai survolé l'histoire sans avoir de compassion dans ce monde noir et blanc et manichéen. Il y a pourtant de nombreux sujets ultras intéressants, et on voit que l'auteur a voulu dénoncer une époque qui a encore laissé de nombreuses traces. Mais en choisissant Oxford et son univers si privilégié et hors norme, les dénonciations ont un goût amer. C'est à peine si nos jeunes héros se rendent compte de la chance incroyable qu'ils ont. Je ne nie absolument pas que leurs vies sont loin d'être rose, loin de là, mais parfois, je me disais… Ils avaient les clés pour changer les choses, d'une certaine façon, mais leurs différents choix au fil du tome n'ont fait que les embourber. Et il y avait ces oeillères… comment n'ont-ils pas vu plus tôt avec leurs passés respectifs que les choses n'étaient pas aussi merveilleuses qu'il n'y paraissait.

Parlons aussi du sous-titre « ou la nécessité de la violence ». J'ai beaucoup de mal. Pour moi la violence ne résout rien et c'est même tout le contraire. A une époque où elle prédomine (je parle de la nôtre) pour un oui et pour un non, j'ai du mal à comprendre l'idée de l'auteur. le savoir est pour moi une forme de combat plus efficace, même si je suis sur une pente utopique, je le sais. Et avec Babel, au final, on se rend compte que même les êtres les plus intelligents et instruits ne sont que des bêtes usant de la violence pour asseoir leurs idées. Et je parle autant des « méchants » que des « gentils ». Je passerai à côté du fait que les blancs sont tous racistes et méchants… Là encore le message n'est pas bon, même pour l'époque et encore moins avec un lectorat du XXIe siècle. On peut dénoncer, je n'ai aucun problème là-dessus, et je sais très bien combien les blancs ont fait du mal à tant de peuples au fil des ans, et continuent de le faire, mais généraliser… C'est pire que tout. Montrer que nos héros pouvaient aussi trouver écho et compréhension auprès d'autres personnes auraient été un message positif et impactant. Un début d'espoir. Montrer que l'on peut changer, comprendre l'autre, penser par soi-même, reconnaître les erreurs faites, vouloir un monde meilleur, de l'égalité, que les choses changent… Mais non, rien de tout cela. Car au final avec Babel rien ne change.

La magie est aussi « surcotée » et vous vous en doutez, je m'attendais à ce qu'elle prenne pourtant une part assez importante dans Babel. J'ai d'ailleurs eu du mal à croire que l'argentogravure n'était au final qu'un art très british cloisonnant encore plus les disparités avec le monde extérieur. Il y a bien ce début de révolution pour une expansion du savoir mais elle reste très minime.

Par contre, j'ai adoré tout ce qui avait trait à la traduction. J'ai trouvé que c'était un univers riche, complexe et fascinant. Ce fut pour moi, la partie la plus intéressante du roman, et je suis heureuse d'avoir appris beaucoup de choses à ce niveau-là me faisant voir l'acte de traduire sous un tout autre angle. Mais même cet aspect a fini par me lasser.

Quant à la fin de Babel… elle n'a aucun sens pour moi. Je me suis dit tout ça pour ça, vraiment ? Quelle est la morale de tout cela ? A quoi a servi toute cette boucherie, toute ces tentatives de pencher vers un monde meilleur ? Je… C'est une incompréhension totale pour moi. de ne pas voir l'objectif de l'auteur, son cheminement. Les Anglais sont des monstres ? Les Hommes finissent toujours par sombrer dans la violence ? le savoir ne peut sauver personne ? Voilà ce que je devrais retenir ? Non, je suis désolée. Je suis peut-être une grande optimiste, mais je veux penser que nous sommes capables d'être meilleur, d'apprendre de notre passé et de pouvoir accepter l'autre quel que soit ses différences.
Commenter  J’apprécie          534
Ça me saoule les romans qui essentialisent des groupes de personnes, et les rangent dans des cases « gentils » et « méchants » en fonction de leur couleur de peau.

Donc voilà, Babel m'a saoulée (lu en ebook en anglais avant la sortie en français).

Résumé de Babel :
- de longs passages sur l'étymologie et la traduction, pour se donner un air intelligent, alors que ça reste basique (mais ça utilise des mots compliqués et ça fait du name dropping alors ça maintient l'illusion)
- Des personnages unidimensionnels qui n'existent que pour faire passer des Messages (avec des notes de bas de page de l'autrice pour appuyer les dits Messages)
- Une thèse qui peut se résumer non pas à « l'empire colonial britannique a bâti sa puissance sur l'exploitation des hommes et des ressources », mais à : « les blancs sont par nature Mauvais et Racistes (et Sexistes) ». Cela se retrouve non seulement dans le choix narratif qui fait de *tous* les personnages blancs des méchants, et de *tous* les personnages non blancs des gens éclairés et moraux (leurs mauvaises actions ne sont pas de leur faute et sont forcément justifiées par le fait que les Blancs sont Méchants) ; mais aussi dans les dialogues et les notes de bas de page qui le disent *directement* au lecteur. On apprend notamment que les anglais (lire : les blancs) sont incapables d'empathie (oui, c'est littéralement ce qui est dit par un des bons alliés du protagoniste, en conclusion à la fin), et que leurs bonnes actions ne furent jamais accomplies que par cynisme ou par le fait d'y être contraint et forcé. Bref, si tu es blanc, tu es mauvais et tu es forcément incapable de comprendre l'oppression.

Je n'ai *rien* contre les thèmes. Je suis totalement pour la critique des impérialismes, je comprends aussi la nécessité de récits cathartiques qui présentent les problèmes des comportements des « blancs » (si l'on utilise une grille de lecture raciale à l'anglo-saxonne). Donc avant qu'on m'accuse de je-sais-pas-quoi : je suis de gauche, informée, éduquée whatever, et complètement ouverte à ces thématiques.

Mais ouais, l'idée que le fait même d'être blanc nous rend mauvais et incapable d'empathie est juste… fausse ? Idem pour le fait que d'être non-blanc nous rend par nature bon (ça me fait amèrement rire, ça, de la part d'une autrice qui vient littéralement d'un empire lui aussi bien violent et à l'histoire sanglante : la Chine). C'est même pas une question de quelques rares exceptions, c'est juste entièrement faux.

C'est une vision biaisée et manichéenne de l'être humain. C'est le genre de dichotomie qui crée la division, qui accentue les extrémismes (et franchement, on en a pas besoin en ce moment).

Et puisqu'il ne faut pas séparer l'oeuvre de l'artiste : Babel est l'illustration de la bulle de privilèges dans laquelle l'autrice a vécu. Son parcours universitaire, c'est Columbia, Oxford et Cambridge : un microcosme de gens riches déconnectés de la réalité. Il n'y a, d'ailleurs, pas d'analyse de classe dans Babel, dont l'action se passe pourtant dans l'une des sociétés les plus classicistes au monde. On pourrait se demander pourquoi l'autrice, qui semble haïr l'occident, profite pourtant des privilèges et des droits que ces pays lui accordent, et ne vit ni n'écrit en Chine, sous la tutelle de du comité de censure et à côté des camps de concentration Ouighour ?

Et puis, pardon mais des étudiants à Oxford, l'une des meilleures universités au monde, tous frais payés et recevant même de l'argent de poche, qui ont toujours vécu dans l'abondance, j'ai *vraiment* du mal à les plaindre.

La vie d'un prolétaire britannique, homme et blanc, était mille fois moins privilégiée que la leur. Mais s'en rendre compte, ça oblige à sortir d'une grille de lecture raciale, et à s'ouvrir à une lecture marxiste - peut-être trop difficile pour quelqu'un biberonnée à l'enseignement anglo-saxon.

Enfin voilà. J'aurais aimé un roman qui montre les mécanismes de domination et d'exploitation d'un empire qui profite de sa force militaire et technologique supérieure. Peut-être que c'est ce que Babel essayait d'être, mais le roman a échoué, et ne présente qu'une vision biaisée et essentialiste, où ta morale et ta valeur sont déterminées par ta couleur de peau.
Commenter  J’apprécie          418
Traduire un ouvrage, comme Michel Pagel l'a fait de roman, est une longue série de choix. Car les langues ne sont pas structurées de façon totalement identiques. Loin de là. Et même des mots qui ont une origine étymologique identique s'éloignent progressivement, jusqu'à ne plus avoir, que de loin, un sens commun. C'est le coeur de Babel, le nouveau roman de Rebecca F. Kuang, autrice de la Trilogie du pavot (dont le premier tome seulement, La Guerre du pavot, est sorti aux éditions Actes Sud voilà trois ans).

J'ai toujours été fasciné, comme pas mal de lecteurices amoureux des textes, par les récits mettant en scène des questionnements sur la puissance des mots, des langues. J'avais adoré la théorie qui voulait que la langue façonne en partie la société, la façon de penser. J'avais lu avec un vif intérêt l'ancien Babel 17 de Samuel Delany (qui vient de paraître dans une nouvelle édition dans la collection Stellaire de Mnémos)ou le plus récent Amatka de Karin Tidbeck (La Volte, puis Folio). J'ai donc sauté sur Babel, dont le résumé m'a paru très prometteur.

Et je n'ai pas été déçu par l'univers créé par R.F. Kuang. Son idée d'utiliser les différences de sens d'un même mots dans des langues différentes est particulièrement habile. L'étymologie comme arme. Comme le mot grec à l'origine du nom « caravelle » conserve l'idée de créatures marines, ce qui n'est plus le cas de son descendant, si on prononce ces deux mots à la suite l'un de l'autre, on peut obtenir une pêche bien meilleure. Mais bien entendu, il faut un support physique à cette magie : une barre d'argent, ce métal précieux. Ainsi a été inventée l'argentogravure, cette science qui permet aux initiés de graver sur les deux faces d'une barre de ce métal les mots de même famille mais provenant de deux langues différentes. Et leur subtile variation de sens produit des effets qui vont de l'anecdotique ou prodigieux. Insérez un tel objet dans une calèche et elle prendra les virages sans risquer de verser ; ou sa cargaison pèsera moins lourd et permettra donc un chargement plus important. Appliquez-en un dans la bouche d'un malade contaminé par un virus virulent et il absorbera en partie la maladie. Les applications sont immenses et multiples. Et toute l'industrie, la vie quotidienne des anglais en est bouleversée.

Et pour faire tenir tout cela en place. Pour redonner de la puissance aux barres qui vieillissent (le célèbre contrat d'entretien qui vous revient plus cher que l'objet à l'achat : déjà inventé dans ce roman, à cette époque), trouver de nouveaux appariements de mots et donc de nouveaux usages, un seul lieu : la tour de Babel, située en plein Oxford, la ville universitaire par excellence. Les professeurs qui dirigent cette branche de l'université sont également de bons financiers. Ils savent qu'avec la raréfaction des ressources, on s'enrichit plus facilement. Donc ils ont mis en oeuvre un système qui assure leur fortune. Et celui de leur pays. L'Angleterre domine en grande partie le monde et ne souhaite pas s'arrêter là, sûre de son bon droit. Ils appartiennent à la race blanche, droite, travailleuse et tous les poncifs. Tandis que les autres, dont les Chinois qui leur mettent des bâtons dans les roues en leur refusant la libre circulation des biens, sont veules, paresseux de nature. Voilà les clichés, stéréotypes et autres billevesées que combat ce roman.

Et c'est très louable. Il est indéniable que la colonisation a créé un monde inégalitaire au possible. Une partie de l'humanité a réduit l'autre en esclavage et a utilisé ses ressources à son seul profit. Tout cela est indéniable. Comme il est indéniable que la femme dans ces sociétés occidentales était reléguée dans les antichambres, car seuls les hommes pouvaient gérer les affaires sérieuses. Racisme, sexisme étaient monnaie courante. Et, avec notre regard actuel, tout cela est scandaleux. Même sans l'invention de l'argentogravure, les exactions commises par nombre de nos ancêtres ont été horribles et ce roman en dénonce beaucoup. Et c'est parfait. Pourtant, Babel le fait à gros traits. Parfait, devrais-je dire. Alors pourquoi ai-je ressenti, progressivement, un malaise à la lecture de ce roman ?

Je pense que c'est dû à l'insistance terrible et à la vision binaire qui emplissent ce récit. Les blancs sont tous, à quelques très rares exceptions près, des monstres, des lâches, des êtres tellement ancrés dans leur vision du monde qu'ils ne peuvent s'en détacher. Les héros sont donc des non-blancs, pas tous sympathiques pas tous guidés par de nobles sentiments. En fait, on pourrait se croire dans un texte classique des périodes racistes, sauf que les rôles sont inversés : ce sont les blancs qui sont construits selon des clichés et les seuls personnages vraiment intéressants sont tous les autres. Et après tout, pourquoi pas ? Je pense encore (je dois avouer que je ne suis pas très à l'aise avec cette critique, car elle aborde des thèmes qui touchent très fort pas mal de monde et que certaines personnes pourraient me trouver illégitime pour en parler, puisque je suis un homme blanc d'un certain âge, donc du mauvais côté de la barrière) que c'est l'accumulation qui a fini par m'indisposer, le côté schématique. Je ne l'apprécie pas dans les oeuvres qui présentent tous les … (choisissez la catégorie que vous préférez) comme des … (choisissez la caractéristique que vous préférez). Je hais les amalgames et je déteste la lourdeur. Or, dans ce pavé, le message est tellement asséné que j'en ai eu assez et ai eu hâte que cela se termine. Sans parler des notes de bas de page qui, parfois, quand elles traitaient d'étymologie, me ravissaient ; mais qui, quand elles montraient pour la ixième fois que les blancs sont incapables du moindre bon sentiment, finissaient par m'agacer. Pourtant, j'avais aimé L'Architecte de la violence de Tochi Onyebuchi. Mais il était plus court, moins démonstratif. Je vais arrêter là, car je pourrais continuer en m'opposant des contre-arguments, puis des contre-arguments à ces derniers. Et ainsi de suite. Insoluble pour moi.

Lecture ambivalente pour moi que celle de ce gros roman. Babel part d'une idée merveilleuse et offre une vision du monde intéressante, sans compter ce regard passionnant porté sur la traduction, mais finit, à mon avis, par s'embourber dans son message. La colère l'emporte et avec elle la haine. Même si c'est une réalité pour beaucoup, j'ai du mal à accepter que cela soit la bonne direction. Une lecture davantage destinée aux plus jeunes que je ne regrette pas, donc, vu le questionnement qu'elle a fait naître en moi.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          3910
Un titre qui m'a complètement happée et frappée et qui figure pour moi en bonne place pour être LE coup de coeur 2024..

Babel est un récit riche. Riche par son univers. Riche par ses personnages. Riche par les émotions qu'il dégage. Riche par les messages qu'il défend.

On suit Robin, jeune orphelin de Canton qui est "adopté" par un universitaire d'Oxford. L'objectif de ce dernier ? Lui donner une éducation britannique afin que Robin entre dans l'institut de traduction d'Oxford, familièrement appelé Babel. Pourquoi? Parce que les langues du monde entier sont nécessaires pour faire fonctionner une magie particulière : l'argentogravure. La maîtrise du cantonnais de Robin fait de lui une personne ressource pour l'Empire britannique.

On suit ainsi l'apprentissage de Robin, son admission à Oxford, les liens qu'il noue avec sa cohorte en premier lieu, d'autres protagonistes par la suite. R.F. Kuang nous propose des profils de personnages travaillés, authentiques, crédibles vis-à-vis desquels on s'attache rapidement. Comme on est particulièrement dans la tête de Robin, on apprend à le connaître, on voit ses idées évoluer, s'affiner. On comprend son schéma de pensée, tout en comprenant les réactions et opinions des autres protagonistes, R.F. Kuang parvenant à nous faire capter avec clarté les états d'âmes, les conflits intérieurs, les positions respectives, souvent éloignées les unes des autres. Les protagonistes secondaires sont une réelle force et non accessoires.
On est touché par l'amitié qui unit Robin à sa cohorte. Plus qu'une amitié de circonstances, on est sur une "found family". On est émerveillé par sa formation, du moins en surface. La prestigieuse académie d'Oxford, cette connaissance à portée de mains, ... Mais surtout, on est horrifié par ce colonialisme, palpable avec nos protagonistes au quotidien mais aussi dans les relations extérieures que le Royaume-Uni peut avoir avec ses colonies. Ce racisme prégnant est présenté de mille et une façons tout au long du récit. Tout ceci nous conduit à une palette d'émotions qui font que ce récit est prenant, nous brise le coeur et nous fait espérer tout à la fois.

On suit en tout premier lieu l'évolution de Robin, que ce soit en que vis-à-vis de ses connaissances comme de ses idéaux qui se construisent au fur et à mesure du récit. On sent la puissance de l'empire britannique comme son dédain vis-à-vis des peuples colonisés. Certains passages sont glaçants, ni plus ni moins. On sent cette ambivalence concernant les traducteurs colonisés : nécessaire car singulier par leurs connaissances, leurs apports mais en même temps dédaigné et manipulé justement à cause de leur singularité.
A cette dénonciation du colonialisme, on ajoute un contexte historique maîtrisé : ce Royaume-Uni du XIXe s. L'empire colonial oui. Mais aussi Oxford. La place des femmes. La montée des droits sociaux. La Révolution industrielle. Mais pas exactement telle qu'on la connaît. Une révolution industrielle amplifiée par ce principe d'argentogravure. Une petite idée qui en soi représente tout le sel de ce récit puisque raison d'être de Babel...

Si la plume est riche en émotions, si l'intrigue est haletante, il faut aussi pointer du doigt la richesse lexicale. Certains n'aimeront peut-être pas mais pour ma part j'ai raffolé que l'étymologie soit maintes fois abordée. Quelle origine a ce mot? Quel lien avec telle langue? Comment a-t-il évolué? Qu'est-ce qu'une bonne traduction? le récit est enrichi de ces questions, jusque dans ses notes de bas de page.
Pour un titre où la traduction est un tel enjeu, j'avoue avoir été frileuse lorsque l'on connaît les déboires de la maison d'édition en ce qui concerne la traduction. Mais, si maladresses ou erreurs il y a eu, je n'ai sûrement pas un assez bon niveau pour m'en être rendue compte.

Cette une lecture qui m'aura accompagnée tout ce mois. Lue en LC, cela m'a permis de la savourer, de prendre le temps d'apprécier tant les protagonistes que le contenu ou encore les messages sous-jacents. Un vrai régal!
Commenter  J’apprécie          234
Mais quelle déception que ce Babel ... Il est dit, répété et rabâché que traduire c'est trahir. Très bien. Mais faire passer le journal intime de l'autrice durant ses études pour un roman de fantasy, qu'est-ce, sinon une trahison ?

Je respecte et salue le témoignage de l'autrice, il est évident que Robin est Rebecca, et sur le papier ses intentions me plaisent et m'ont donné envie de lire le récit, la dénonciation du racisme, du colonialisme, je souscris à tout cela, mais le résultat final m'a vraiment déplu. 600 pages pour me dire que le racisme c'est mal ? Que le colonialisme c'est pas bien ? Est-il déraisonnable de demander un peu plus de contenu ? de pousser la réflexion un peu plus loin ? le tout me laisse une impression de vacuité, de superficialité.

Je m'interroge sur le public visé, un public pas forcément sensibilisé à la question du racisme ? On est pourtant totalement dans le registre du Young Adult, et les nouvelles générations me semblent plus au fait de ces problématiques. Faut-il, dès lors, employer ce ton condescendant, du début jusqu'à la fin du livre, pour nous expliquer, avec des notes de bas de page au cas où vraiment nous n'avions pas compris, à quel point le racisme, c'est pas bien.

Ce livre comporte un peu moins de 600 pages, cela commence à faire, malheureusement il faut attendre les 100 dernières pages pour qu'il se passe quelque chose. Les quelques 500 autres pages auraient pu, auraient du, servir à bâtir un univers, à construire des personnages (nous y reviendrons), cela n'est pas le cas. La reconstitution du 19ème siècle et de cette université n'a pas du tout marché sur moi, je ne l'ai pas trouvé crédible, les personnages ont des discours et des réflexions totalement contemporaines. On frôle l'anachronisme et j'ai dû vérifié à plusieurs reprises à quelle époque le récit se déroulait.

Les personnages, parlons-en, ne sont pas ou peu attachants. Tout est manichéen et leur construction est totalement binaire, ils sont soit gentils, soit méchants, racistes ou pas racistes, selon leur origine bien évidemment. Les sujets traités dans ce récit, primordiaux, ne méritent-ils pas un minimum de subtilité et de profondeur ?

le système de magie avait du potentiel, il est finalement totalement sous-exploité.

Il reste alors des descriptions ennuyeuses de la vie à l'université, de réflexions sur la linguistique (qui m'ont semblé tout de même très basiques), l'autrice aligne des poncifs sur la traduction et sur les mots.

En conclusion, j'aurai souhaité aimé ce livre, mais malheureusement cela n'a pas été le cas. Je vous invite évidemment à vous faire votre propre avis sur le livre, j'ai de toute manière l'impression d'être dans la minorité étant donné que la majorité des notes sont très bonnes ; je préfère toutefois être transparent sur mon propre ressenti.
Commenter  J’apprécie          304


critiques presse (2)
LaTribuneDeGeneve
07 février 2024
[Un] roman fantastique qui est à la fois une œuvre de critique sociale, un trésor de linguistique et une charge anticoloniale. Un enchantement !
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
Elbakin.net
29 décembre 2023
Reposant - outre son système de magie particulièrement original - sur des personnages attachants apportant finesse et nuance à une trame pouvant autrement sembler relativement convenue, Babel constitue au bout du compte une lecture hautement recommandable.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (70) Voir plus Ajouter une citation
On n'apprécie pas le paradis si on n'a pas connu l'enfer.
Commenter  J’apprécie          50
Et n'avait-il pas le droit d'être heureux ? Avant ce moment, il n'avait encore jamais ressenti une telle chaleur dans la poitrine, n'avait jamais eu autant hâte de se lever le matin. Babel, ses amis et Oxford avaient déverrouillé une partie ensoleillée de lui-même, un sentiment d'appartenance qu'il n'eût pas cru ressentir à nouveau. Le monde ainsi lui paraissait moins sombre. 

Il était un enfant privé d'affection, qui en détenait désormais à profusion- était-il si mal de sa part de s'y accrocher ?
Commenter  J’apprécie          20
« 𝙇𝙖 𝙩𝙧𝙖𝙙𝙪𝙘𝙩𝙞𝙤𝙣, 𝙙𝙚𝙥𝙪𝙞𝙨 𝙙𝙚𝙨 𝙩𝙚𝙢𝙥𝙨 𝙞𝙢𝙢é𝙢𝙤𝙧𝙞𝙖𝙪𝙭, 𝙚𝙨𝙩 𝙪𝙣 𝙛𝙖𝙘𝙩𝙚𝙪𝙧 𝙙𝙚 𝙥𝙖𝙞𝙭. 𝙇𝙖 𝙩𝙧𝙖𝙙𝙪𝙘𝙩𝙞𝙤𝙣 𝙧𝙚𝙣𝙙 𝙥𝙤𝙨𝙨𝙞𝙗𝙡𝙚 𝙡𝙖 𝙘𝙤𝙢𝙢𝙪𝙣𝙞𝙘𝙖𝙩𝙞𝙤𝙣, 𝙡𝙖𝙦𝙪𝙚𝙡𝙡𝙚 𝙧𝙚𝙣𝙙 à 𝙨𝙤𝙣 𝙩𝙤𝙪𝙧 𝙥𝙤𝙨𝙨𝙞𝙗𝙡𝙚𝙨 𝙡𝙖 𝙙𝙞𝙥𝙡𝙤𝙢𝙖𝙩𝙞𝙚, 𝙡𝙚 𝙘𝙤𝙢𝙢𝙚𝙧𝙘𝙚 𝙚𝙩 𝙡𝙖 𝙘𝙤𝙤𝙥é𝙧𝙖𝙩𝙞𝙤𝙣 𝙚𝙣𝙩𝙧𝙚 𝙡𝙚𝙨 𝙥𝙚𝙪𝙥𝙡𝙚𝙨 𝙦𝙪𝙞 𝙖𝙥𝙥𝙤𝙧𝙩𝙚𝙣𝙩 à 𝙩𝙤𝙪𝙨 𝙧𝙞𝙘𝙝𝙚𝙨𝙨𝙚 𝙚𝙩 𝙥𝙧𝙤𝙨𝙥é𝙧𝙞𝙩é. »
Commenter  J’apprécie          40
Mais quel est le contraire de la fidélité ? demanda le professeur Playfair. Il approchait de la fin de son raisonnement, il ne lui restait plus qu'à conclure sur un coup d'éclat. La trahison. Traduire, c'est faire violence à l'original, c'est le déformer pour des yeux étrangers ignorants de sa forme première. Alors, où cela nous mène-t-il ? Comment conclure si ce n'est en reconnaissant qu'une traduction est toujours une trahison ?
Commenter  J’apprécie          191
Schleiermacher pensait qu’une traduction devait être assez peu naturelle pour se présenter sans ambiguïté comme un texte étranger. Selon lui, il y a deux choix possibles : soit le traducteur laisse l’auteur en paix et en rapproche le lecteur, soit il laisse le lecteur en paix et en rapproche l’auteur.
Commenter  J’apprécie          200

Videos de R. F. Kuang (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de R. F. Kuang
Une longue discussion autour du roman "Babel", de R. F. Kuang, par la Garde de Nuit.
autres livres classés : dark academiaVoir plus
Les plus populaires : Imaginaire Voir plus


Lecteurs (1864) Voir plus



Quiz Voir plus

La fantasy pour les nuls

Tolkien, le seigneur des ....

anneaux
agneaux
mouches

9 questions
2489 lecteurs ont répondu
Thèmes : fantasy , sfff , heroic fantasyCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..